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Full text of "L'empire de l'air; essai d'ornithologie appliquée à l'aviation .."

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L'EMPIRE DE L'AIR 



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L. P. MOUILLARD 



L'EMPIRE DE L'AIR 



ESSAI D'ORNITHOLOGIE 



APPLIQUÉE A L'AVIATION 



Oser! 



PARIS 

G. MASSON, ÉDITEUR 

LIBBAIRE DE l'aCADÉHIE DE MÉDECINE 
130, Boulevard Salnt^tormaln, en fiuse de l'fcole-de-IIédecliie 

1881 



!.,;■ 






*181-81. — CoouL. lyp. et >Ur. Clin. 



OSER I... 

Cette étude date de loin^ f avais guùize ans 
quand le hasard voulut qu'un oiseau produisit 
devant moi une évolution qui fut pour moi une 
révélatio7i. 

Depuis lors je n'ai plus douté y et je n'ai poussé 
plus loin cette étude que pour pouvoir persuader 
ceux qui n'ont pas vu. 



PRÉFACE 



S'il est une pensée tyrannique, c'est assurément 
celle de ce mode de locomotion. Une fois entrée dans 
une intelligence, elle s'en empare en maîtresse; c'est 
alors une obsession continuelle, une espèce de cau- 
chemar auquel il est presque impossible de se sous- 
traire. Si on joint à cela le discrédit jeté sur cette 
étude, on comprend facilement le sort malheureux 
des pauvres chercheurs qui sont hantés par ce pro- 
blème. 

Beaucoup d'entre eux, soit par fierté soit par timi- 
dité, se sont renfermés en eux-mêmes, et ont été 
complètement paralysés dans leurs expériences par 
le secret qu'ils devaient garder. On était si vite et 
si cavalièrement traité de rêveur, même de fou, qu'il 
y avait urgence, sous peine de discrédit complet, de 
cacher à tous ce vice de l'intelligence. 

Il faut cependant reconnaître que depuis une di- 
zaine d'années cette persécution a beaucoup diminué. 
Nous ne sommes plus exactement classés avec les 
chercheurs de la quadrature du cercle ou du mouve- 



4 L'EMPIRE DE L AIR. 

ment perpétuel ; il y a progrès, surtout depuis que les 
Chasles, Janssen, Quatrefages, et autres pinacles delà 
science ont osé affirmer qu'ils croyaient à la résolu- 
lion de ce problème. Nous ne risquons plus aujour- 
d'hui d'être envoyés à Bicêtre, mais malgré cela la 
masse nous regarde encore comme des cerveaux mal 
équilibrés. 

L'esprit humain, entraîné par cetle marche en 
avant des illustrations scientifiques, est donc entré en 
mouvement. — Deux routes se sont présentées à lui, 
l'une belle, large, agréable, bordée de fleurs; mais 
qui ne mène à rien de sérieux : c'est la voie du plus 
léger que l'air. — L'autre, au contraire, est un sen- 
tier ardu^ hérissé de difficultés, mais qui aboutit : 
c'est l'étude par le plus lourd que l'air. — La généra- 
lité s'est lancée dans la route facile à suivre, et con- 
temple de là les malheureux engagés dans les fon- 
drières, sans se douter qu'elle-même sera obligée de 
revenir sur ses pas et de s'y engager à son tour si 
elle veut arriver. 

Humanité aveugle ! mais ouvre donc les yeux, tu 
verras de par l'atmosphère des milliards d'oiseaux et 
des trillions d'insectes. Tous ces êtres tourbillonnent 
gaiement dans les airs sans être attachés au moindre 
flotteur ; beaucoup d'entre eux y circulent même 
sans fatigue pendant de longues heures : et après une 
démonstration, donnée parla source de toute science, 
lu seras bien obligé de reconnaître que là est la 
ligne à suivre. 

C'est donc par le plus lourd que l'air que nous 
allons aborder cette étude : c'est par les cornes que 



PRÉFACE. 5 

nous saisirons le monstre. Nous aurons pour guide, 
et pour soutien ce maître puissant qui n'engendre 
que des prodiges : je veux dire la Nature. 

Elle a complètement négligé Tordre d'idées du plus 
léger que Tair, et toutes ses œuvres se sont adressées 
au plus lourd. 

Avec un pareil mentor on ne peut errer. 

Il y a deux manières d'étudier cette question ; une 
qu'on pourrait nommer de cabinet, et l'autre qui se 
fait au grand air. 

La première agit avec les mathématiques ; elle les 
lie à quelques rares observations défectueuses ou 
inutilisables, et^ s'appuyant sur ces bases fragiles, en 
exprime à grand renfort d'équations tout ce qu'elles 
peuvent produire, et même trop souvent ce qu'elles 
n'ont jamais pensé. 

Les mathématiques sont certainement une excel- 
lente chose, mais elles sont moins indispensables 
qu'on ne le suppose généralement pour la compréhen- 
sion de ce problème difficile. 

Gela tient k ce que les bases des opérations sont 
toujours erronées. 

Rien n'est plus simple en effet que de dire : étant 
donné que, nous savons tous que V, que R, que P 
égale ; et en route, on intègre à perte de vue, et on 

arrive à un résultat qui ne s'accorde pas avec 

l'observation. 

Quand on part d'une donnée fausse, on arrive tout 
de même, mais pas au but. — Même en calculant 
juste, il est certain que, pour les 99/100" des intelli- 
gences, y compris même celle du calculateur, ces 



6 L'EMPIRE DE L'AIR. 

chiffres et ces formules ne vaudront pas une explica- 
tion bien limpide, ou encore mieux, une expérience 
concluante. 

Les mathématiques sont donc un moyen intéres- 
sant de recherche, mais non un moyen de persuasion : 
nous n'y aurons recours qu'à la forcée, parce que 
nous sommes intimement persuadé de ne jamais ren- 
contrer quelqu'un capable de hasarder son existence 
sur le dire d'une formule. 



Le Caire, 24 avril 1881. 



HISTORIOUE 



Rien n'est nouveau sous le soleil ; pour la question 
qui nous occupe comme pour beaucoup d* autres ce 
proverbe est vrai. 

L'antiquité commence par nous présenter dans 
Icare le problème tout simplement résolu. Qu'y a-t-il 
d'impossible à cela? avec de l'observation et du bon 
sens on peut y arriver : Icare avait peut-être ces deux 
dons. 

Louis Figuier dans ses Années scientifiques^ Ful- 
gence Marion dans son ouvrage Les ballons et les 
voyages aériens^ etc., etc., traitent de la question his- 
torique d'une manière très complète : nous y ren- 
voyons le lecteur que la question intéresse. Nous 
remarquerons seulement qu'il ressort de tous ces faits 
que ce n'est nullement une question neuve que nous 
abordons, et que l'expérience du saltimbanque ne 
demandait qu'à être poussée pour amener un résultat, 
sinon complet, du moins très intéressant. 

Plus tard, les ballons sont venus jeter leur énorme 
masse au travers de la question ; on n'a plus regardé 
qu'eux pendant quatre-vingts ans. Ils ont eu pour 
effet de fourvoyer les idées dans des spéculations sans 



8 L'EMPIRE DE L'AIR. 

issue, et les chercheurs sont allés tous, les uds après 
les autres, s'enferrer contre Timpossible. 

Cependant la généralité des attentifs fut intéressée 
par ces immenses appareils, soi disant dirigeables : 
elle les accepta tellement que les questions d'argent 
eurent du succès. Mais quant à la question du plus 
lourd que l'air, il faut le reconnaître, elle y fut sou- 
verainement rebelle : on fera monter l'humanité en 
ballon sans trop la prier, mais quant à la faire s'em- 
barquer sur un appareil quelconque qui ne sera pas 
un flotteur, il n y faut pas penser, au moins de long- 
temps. Le vélocipède n'est pas sérieusement admis ; 
on ne peut nier qu'il n'y ait une répulsion de la masse 
contre lui : cet équilibre stable par son instabilité la 
déroute complètement. Elle comprend le ballon, mais 
n'admettra que difficilement l'aéroplane. 



BALLONS 



Certainement que de s'élever dans les airs est une 
belle chose, mais est-ce ce que nous cherchons ? Au 
premier abord il semble exister un lien entre la direc- 
tion et l'ascension, et cependant un demi-siècle de 
réflexion a fait voir qu'il y a entre ces deux ordres 
d'idées un abîme profond : elles sont aux antipodes 
l'une de l'autre; en opposition précise. 

Les espérances des ballonniers sont assurément bien 
diminuées, mais ne sont pas mortes cependant; ils les 
basent généralement sur cette donnée, que les sur- 
faces croissent comme les carrés et les volumes comme 
les cubes. C'est exact, mais les difficultés comment 
croissent- elles ? mais la force du vent comment crott- 
elle? cent mètres carrés de surface en une seule voile 
font bien autrement de force que cent carrés de 
1 mètre de côté. 

En chambre, par un temps très calme, ils pourront 
avoir quelques résultats ; mais par une modeste brise 
il n'y faut plus penser ; par un grand vent c'est la 
fuite et la perdition si on essaye de résister. 

ils parlent d'appareils géants pour arriver à bénéfi- 
cier des différences qui s'établissent entre les cubes 
et les surfaces. Cela devient tellement monstrueux 
que nous abandonnons lanalyse. 



iO L'EMPIRE DE L^AIH. 

Cependant, pour pousser à bout cette étude, nous 
admettrons qu on puisse arriver à les charger d'une 
machine assez forte, par rapport à son poids, pour 
pouvoir vaincre la résistance de Tair : mais oîi trouver 
une enveloppe capable de supporter une telle pres- 
sion. — Au reste, la fin du ballon captif a été une 
démonstration irréfutable de Tinanité de ce genre de 
conception. Il a éclaté malgré son millimètre d'épais- 
seur de parois, et cela en plein Paris ; abrité par le 
Louvre, et au repos. Qu'aurait-ce doue été s'il se fût 
trouvé là-haut dans les airs, et qu'il eut voulu re- 
monter le courant? 
Cet accident semble avoir jugé la question. 
Quand on sera parvenu à emmagasiner Thydrogène 
d'une manière portative, on aura, non pas trouvé la 
solution du problème, mais trouvé le moyen de faire 
des ascensions très longues, au gré des vents, mais 
cependant pleines d'intérêt à cause de leur durée. 

En somme, pour le moment, les ballons ne servent 
qu'à fourvoyer les chercheurs ; plus tard ils auront 
leur utilité comme embarcadères, comme ascenseurs : 
les services qu'ils rendront alors seront même très 
grands. 

La faiblesse de l'enveloppe sera toujours leur 
écueil. — En quoi construire un ballon capable de 
résister à un vent de seulement 10 mètres à la se- 
conde? Nous avons vu que les étoffes de la plus 
grande ténacité ne sont pas suffisantes. — Voyons 
dans les métaux si nous ne trouverions pas mieux? 
Un ballon qu'on construirait en feuilles d'aluminium 
serait obligé d'arriver au cube de 4000 mètres cubes 
pour pouvoir posséder une force ascensionnelle de 
1000 kilogrammes; force nécessaire pour pouvoir s'en- 



BALLONS. M 

lever lui-même et un moteur à vapeur en aluminium, 
avec générateur Herreschoff, d'une force de 10 che- 
vaux : soit 400 kilogrammes ; plus son lest et son 
combustible. 

Maintenant quelle sera la force de résistance de 
cette enveloppe métallique ? Le ballon sera-t-il plus 
solide que ceux faits en soie grège, comme on pour- 
rait les faire en y mettant le prix? — Là est la ques- 
tion. — C'est très douteux, et assez dangereux à expé- 
rimenter. 

On trouve mieux que cela dans l'ordre d'idées ex- 
posé dans cette étude. 

Si on joint à un ballon un aéroplane immense, il est 
possible d'entrevoir la direction, non pas absolue, 
mais souvent très active, obtenue non seulement par 
la chute, mais encore par l'ascension. 

C'est seulement un jalon que nous plaçons là, pour 
indiquer que cette demi-solution est trouvée. 



ÉTUDE SUR UAVIATION 



LE PLUS LOURD QUE L'AIR 



Nous avons déjà dit que la nature presciente, im- 
peccable, toujours savante au delà de ce que peut 
nous expliquer l'étude la plus attentive, nous indique 
cette voie. 

Ne cherchons pas à être plus fort qu'elle, laissons- 
nous aller tout simplement où elle nous mène : nous 
y arriverons facilement, sans nous fatiguer le cerveau 
de ce casse-tête chinois, à Tordre du jour, qui se 
nomme l'X à outrance, et qui se loge aujourd'hui 
partout. 

En regardant seulement autour de nous comment 
opère la gent ailée, en réfléchissant à ce que nous 
aurons vu, et surtout en nous efforçant de bien le 
comprendre, nous sommes sûrs d'être dans le chemin 
qui mène à la réussite. 



DE L'OBSERVATION 



L'observation pour être réellement fructueuse doit 
posséder plusieurs qualités. 

Il faut d'abord bien voir, puis bien analyser, et 
ensuite appliquer cette étude à de bons modèles. 

Pour bien voir, il faut non seulement avoir de bon& 
yeux, savoir tenir au point, dans le champ de sa lu- 
nette, un oiseau en plein vol, mais encore savoir voir. 

Ainsi, quand quelqu'un, peu habitué à ce genre 
d'étude, entend affirmer, d'une manière péremptoire, 
que le point noir qu'on aperçoit à peine est un mâle de 
faucon crécerelle, il croit avoir affaire à un rêveur 
éveillé, et cependant rien n'est moins vrai. 

Étant donné le point noir, pour celui qui a l'habitude 
de ce genre d'observation, une crécerelle est facile à 
distinguera sa marche, soit en planant soit en ramant : 
sa longue queue est un indice sûr : il n'y a pas moyen 
de la confondre avec un corbeau, une buse, un milan, 
ni même avec une autre variété de faucon. — Main- 
tenant, quant au fait de préciser le sexe, rien n'est plus 
facile. On n'a qu'à observer quelques instants, le mâle 
se décèle par sa pétulance et la brièveté de ses batte- 
ments, par l'énergie de ses mouvements : la femelle 
est plus souple et moins ardente pour dévorer l'espace. 



14 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Pour le percnoptère, rien n'est plus simple. De très 
loin on le distingue dans un yoI de milans, avec lesquels 
il se tient souvent, à une petite particularité de son vol : 
c'est une inconstance remarquable dans la fixité de la 
direction ; au peu de largeur de ses ailes et à leur po- 
sition très recliligue, car ils ne font des angles, ne 
prennent des ris que par des vents très forts. Quant 
au mâle, sa distinction de la femelle se fait à perte de 
vue, par la couleur : il est blanc, elle est brun foncé. 

Les gyps se reconnaissent àla tenue du vol, à l'am- 
pleur des ronds, à la lenteur du mouvement. 

Les arrians, otogyps, se font remarquer par l'exa- 
gération de toutes ces qualités et par un plumage plus 
foncé. 

Quant au gypaète, sa queue longue, large et ronde, 
le fait distinguer très facilement d'excessivement loin : 
il n'y a pas d'oiseau de ce système de construction 
dans les grands voiliers. 

Voici donc, dans sa simplicité, l'explication de ce 
fait qui étonne beaucoup. — Pour pouvoir arriver à 
bien préciser loiseau qu'on étudie au vol, il faut abso- 
lument avoir beaucoup vu. Quand un aigle est parti à 
50 mètres de vous, en le suivant des yeux, ses évolu- 
tions se gravent dans la mémoire, et plus tard, lors- 
qu'on rencontre le même rythme, il n'est plus besoin 
de regarder aux pattes pourpouvoir distinguer si l'oi- 
seau en vue est un aigle ou un vautour. 

Généralement on peut se fier à ses yeux : ils trom- 
pent rarement, surtout quand le même spectacle se 
reproduit plusieurs fois. 

Cependant il est des cas dont on doit se méfier : 
c'est d'abord une diminution dans l'appréciation de la 
grosseur, qui s'accentue, devient plus difficile à esti- 



DE L'OBSERVATION. 15 

mer à mesure que réloignement augmente ; puis une 
augmentation de la grosseur dans certains cas ; entre 
autres, quand on est soi-même animé d'une vitesse dans 
un sens, et que l'oiseau en a une en sens contraire. 

La première de ces affirmations semble tout d'a- 
bord une naïveté, cependant elle n'est que très exacte 
et assez curieuse pour être exposée. La différence qu'il 
y a entre deux surfaces, l'une étant 0°'^,25 et l'autre 
l^'ï, est parfaitement perçue par Tœil à 100 mètres de 
distance : notre vue analyse avec exactitude ce rap- 
port et nous en donne parfaitement conscience. A 
500 mètres, la différence s'atténue sensiblement; et, 
à 1000 mètres, tout élément de comparaison est dé- 
truit par la distance : la surface 4 est exactement 
égale à la surface 1 . Cet effet est tellement fort, qu'à 
cet éloignement, Tintelligence est obligée de venir 
secourir la vue qui ne peut plus juger Télendue de 
ces surfaces qui varient cependant du simple au qua- 
druple. Elle est obligée de venir lui dire : ces deux 
points, quoique de même grosseur apparente, ne doi- 
vent pas l'être en réalité, car leurs mouvements diffé- 
rents indiquent des masses différentes, auxquelles 
doivent correspondre des surfaces environ propor- 
tionnelles. 

Ainsi, à grande distance, on confond, avec les meil- 
leurs yeux, le milan qui a 0"''ï,28 de surface, avec le 
grand vautour qui a 1°""^ et plus. 

Quant à la seconde cause d'erreur, elle est plus 
difficile à expliquer. Le mirage y est sûrement pour 
quelque chose. 

On peut lui attribuer quelques-unes de ces grosses 
fautes de vue qu'on commet quelquefois, surtout 
dans les pays chauds. Ainsi, nous nous sommes sur- 



16 L EMPIRE DE L AIK. 

pris à confondre, dans le désert libyque, un vautour 
avec un chameau de forte taille ; et même, une fois, 
en pleine France, à voir un corbeau sous le volume 
d'un aigle. 

A quoi attribuer ces aberrations de J'œil? A la 
vitesse dont on est soi-même animé, probablement, car 
le mirage est plus actif quand on est en mouvement 
que quand on est immobile. 

11 faut ensuite se mettre dans de bonnes conditions 
pour bien voir. Nous avons eu, en Algérie, un couple 
de sylvies qui étaient d'une familiarité charmante. 
Les demoiselles piller-mouches, comme nous les nom- 
mions, venaient chasser à un mètre des gens, et 
nichaient dans un trou du plafond d'une chambre 
habitée. Cette hardiesse permettait de très bien les 
étudier. — Ce que ces oiseaux dépensaient de force 
dans une chasse de cinq minutes est étonnant. — Ils 
sont organisés pour pouvoir attraper les insectes, au 
vol, et généralement il y a de grandes difficultés à ces 
poursuites. Les mouches dont nos oiseaux se nourris- 
saient faisaient, en fuyant, des crochets insensés : les 
sylvies les suivaient avec succès ; et au bout de quelques 
secondes on entendait ce petit coup de bec énergique, 
indiquant la réussite de la chasse. 

La proximité dans l'étude est grandement à recher- 
cher. 11 nous a été permis d'étudier de très près plu- 
sieurs oiseaux : la corneille, le faucon crécerelle, le 
pèlerin, le milan, le néopbron percnoptère, les péli- 
cans, les grands vautours, etc. 

De la corneille et du milan nous n'ajouterons rien 
à ce que nous en disons à leur article ; au Caire, il 
est facile de toucher ce dernier au vol en s'y prenant 
avec adresse. 



DE L'OBSERVATION. i7 

Mais un spectacle émouvant (le mot n'a rien de trop 
énergique), c'est de voir un grand perchoir du Moka- 
tan, oîi on peut se placer de manière à voir les 
gyps fulvus à cinq mètres, en plein vol. 

Inutile de songer à décrire ce spectacle ! Quand ces 
énormes oiseaux passent aussi près de vous, on entend 
un frémissement étonnant ; ces vigoureuses rémiges 
vibrent comme des languettes ; elles sont retournées 
par les quinze livres qu'elles supportent, au point de 
former un quart de cercle. 

Les gros vautours sont là quelquefois par cen- 
taines ; les percnoptères ne se comptent plus, ils font 
garniture, les milans se faufilent dans le las et vont 
chercher une petite place ; et le grand corbeau [corvus 
corax) croasse, irrité de voir son domaine envahi. — 
Les coups de bec sont nombreux. Il faut une lon- 
gueur de cou réglementaire entre chaque animal; sans 
cela, un vautour lance au large son voisin, plus petit 
que lui. — Entre gros, ils n'ont guère plus d'amabi- 
lité : on les entend alors pousser leur espèce de cri 
qui ressemble à un sifflement, et le plus faible pique 
une tète, prend le large, et va recommencer ses études 
d'abordage, qui sont toujours longues et grandement 
étudiées. 

Une de leurs manœuvres qui étonne toujours est la 
descente. Les gyps arrivent au-dessus du perchoir à 
la hauteur moyenne de leur vol, c'est-à-dire à 5 ou 
600 mètres au moins. Arrivés à destination, ils tour- 
nent quelques minutes pour étudier les lieux, puis se 
décident à s'abaisser. L'aigle fond souvent comme un 
corps grave qui tombe : cela lui est possible, il est si 
puissant ; il peut maîtriser une .vitesse de cinquante 
mètres à la seconde. Mais le grand vautour n'a pas 

2 



18 L EMPIRE DE L'AIR. 

cette force de pectoraux. Il se laisse tomber perpendi- 
culairement aussi, mais les ailes à peine repliées. Au 
reste, ces chutes sont quelquefois énormes; nous en 
avons vu qui apparaissaient au zénith étant déjà en 
descente : ce qui fait au moins trois kilomètres. S'ils 
permettaient à l'accélération de se produire, ils ne 
pourraient plus maîtriser leur vitesse, seraient désem- 
parés, et n'auraient plus la force de changer de di- 
rection. 

Après avoir bien vu^ il s'agit de bien analyser. 

Ce second point est plus difficile que le premier; 
et cela, parce que les idées préconçues influencent 
l'entendement. 

Tout le monde s'en est mêlé pour fourvoyer les in- 
telligences. Que de faussetés ont été élaborées par de 
grands noms, et depuis admises comme article de foi. 
Il convient d'analyser soi-même les faits qu'on ob- 
serve, sans passion, sans idée arrêtée d'avance, et sur- 
tout ne pas se lancer dans la poésie. 

Exemple : Qui ne connaît ce vieux cliché de l'aigle 
fixant le soleil? Dans quel but s'abîmer un organe aussi 
nécessaire, et qui est aussi délicat chez l'oiseau que 
chez l'homme? De ce que l'aigle a une troisième pau- 
pière, vieux souvenir de son origine de reptile, on en a 
déduit qu'il devait s'en servir pour tempérer les rayons 
de l'astre du jour, à la façon des verres noirs qu'on 
met aux télescopes pour pouvoir étudier le soleil. 

A quoi sert cette membrane? Nous n'en savons 
rien au juste : tout ne sert pas dans la nature, malgré 
ce qu'on en a dit. Ce qu'il y a de positif, c'est que 
cette membrane, appliquée sur l'œil, est parfaitement 
opaque ; elle ne tempère pas, elle [obstrue complète- 



DE L'OBSERVATION. i9 

ment; et cela, la membrane collée sur l'œil, comme 
elle Test dans l'oiseau, chaude, vivante, et n'ayant pas 
encore eu le temps de changer d'état. 

Puis, nous pouvons assurer n'avoir jamais vu fixer 
le soleil à un aigle superbe que nous avons gardé de 
nombreuses années. Ce qui a pu faire naître cette idée, 
c'est probablement la pose curieuse qu'ils prennent 
lorsqu'ils font sécher leurs plumes après s'être bai- 
gnés. En les regardant attentivement, on remarque 
qu'ils ne fixent rien, mais qu'ils sont dans une espèce 
d'extase causée par le réchauffement. Au reste beau- 
coup d'oiseaux en font autant, les corbeaux, les vau- 
tours, etc. 

Bufifon est le père et le maître de ce genre d'obser- 
vations faites avec des lunettes prismatiques. Depuis, 
son école a été suivie, et on en a énoncé de bien cu- 
rieuses. 

Prenons entre mille quelques-unes de ces assertions 
erronées. 

L'observateur humouristique, le charmant peintre 
des animaux, Toussenel, attribue le ronflement que 
produit un faucon, qui du haut des airs plonge sur sa 
proie, à la dilatation de l'air dans les organes de l'oi- 
seau. Une balle, un boulet ronflent aussi : ne serait-il 
pas plus simple d'attribuer les mêmes effets aux mê- 
mes causes. Puis, nous ferons remarquer que ce phé- 
nomène produit par un oiseau beaucoup plus gros 
amène une explication complémentaire. Si, au lieu d'é- 
couter tomber un épervier, on écoute le bruit produit 
par le grand aigle, le bruit change, se perçoit mieux, 
l'oreille s'explique sa nature, et comprend qu'il est 
composé pour une bonne part du flassaiement violent 
des pennes des ailes les unes contre les autres ; leur 



20 L EMPIRE DE L'AIR. 

élasticité leur faisant faire Foffice de languette. 

Dans un grand article sur le vol des oiseaux, M. Qua- 
Irefages a dû faire des erreurs d'observation. Nous 
citons cette relation, quoique déjà assez ancienne (i), 
pour montrer ce que l'analyse peut permettre d'as- 
surer. 

Parlant d'une tourmente en Biscaye, il dit avoir vu 
des aigles de mer, aux couleurs roussâtres, etc., vo- 
lant dans ces grands courants d'air. Il doit s'être 
glissé une erreur, probablement dans la spécification 
de l'oiseau, car, si la tempête était forte, les pygargues 
et les balbuzards étaient perchés, ainsi que tous les 
voiliers, dont aucun ne peut tenir le large par les grands 
vents. Il avait assurément d'autres oiseaux sous lesyeux. 

Si cet éminent savant avait pu voir le spectacle 
qu'il nous fut permis d'étudier, il serait persuadé de 
cette vérité : Sur la côte d'Algérie, au bord de la mer, 
par un siroco effroyable, un grand aigle bouleversé 
par le vent était entraîné au large. La malheureuse 
bête était-elle roulée, mise sens dessus dessous! Ses 
ailes étaient littéralement fermées. Au moindre déve- 
loppement de surface, c'étaient des bonds prodigieux 
dans l'espace : cent mètres de hauteur étaient franchis 
en cinq secondes. Il y eut là une lutte d'un quart 
d'heure, émouvante au suprême degré. Que de mou- 
vements, que de détours, quelle activité déployait ce 
puissant animal dans cette lutte contre la tempête ; et 
pendant ce temps les procellarias et les goélands, tout 
à fait à leur aise, complètement dans leur élément, 
chassaient sur les vagues en fureur avec une aisance 
indescriptible. 

(i) Bulletin de la Société d' acclimatation , Décembre 4869. 



DE L'OBSERVATION. 21 

Ce qui démontre que tous les oiseaux n'ont pas les 
mêmes aptitudes dans le vol, que l'aigle n'est pas or- 
ganisé pour se mouvoir dans les courants d'air trop 
rapides, et que cette vitesse de Tair est parfaitement 
acceptée par d'autres familles de volateurs. 

Il faut observer juste aujourd'hui. 

Les envergures immenses, les poids monstrueux 
ne sont plus acceptables. — Il faut la mesure exacte 
et le poids précis d'un animal, à l'état de nature, et 
en parfaite santé. 

On trouvera certainement dans les jardins zoologi- 
ques des animaux engraissés par la stabulation et une 
nourriture exagérée, qui offriront des poids excessifs, 
assurément doubles de ceux qu'ils ont à l'état de na- 
ture : ces poids doivent être rejetés. 

Ce sont des moyennes qu^ilfaut. Ainsi nous sommes 
fier de pouvoir offrir le poids moyen d'une hécatombe 
de 8 gyps fulvus^ qui est de 7240 grammes. 

Quant aux mesures del'oricou, nous regrettons vi- 
vement de ne pouvoir offrir une forte moyenne, car 
c'est pour nous l'oiseau le plus intéressant que nous 
puissions rencontrer dans l'ancien continent. 

Il est surtout indispensable que l'observateur soit 
assez ornithologue pour pouvoir préciser l'oiseau qu'il 
a devant les yeux, non seulement lorsqu'il est sur la 
table de dissection, mais encore au loin, au repos, et 
surtout au vol. 

Ce savoir ne s'acquiert ni dans les livres ni dans les 
cabinets d'histoire naturelle : il faut pour l'obtenir 
étudier beaucoup le grand livre de la nature, se rendre 
compte des mouvements, opérations, évolutions des 
oiseaux : savoir toutes leurs manœuvres, et surtout les 
comprendre ; sans cela jamais on n'arrivera. Si on 



22 L'EMPIRE DE L'AIR. 

ne comprend pas ce que fait Toiseau dans telle posi- 
tion donnée, comment veut-on pouvoir l'imiter ? 

On doit se poser constamment des problèmes que 
Ton voit se réaliser une fois ou l'autre. 

Ainsi, je me persuadai à priori qu'un fin voilier 
pouvait par une bonne brise s'élever d'un point direc- 
tement en l'air, et avancer malgré cela contrôle vent. 
— J'étais persuadé que le fait était possible. — J'at- 
tendis des années avant de voir se produire cette évo- 
lution. Enfin, unjour, en Afrique, deux aigles en 
amour me donnèrent ce spectacle. L'un d'eux s*élança 
du sommet d'un frêne où ils étaient perchés, s'abaissa 
aru vent de deux ou trois mètres, fut relevé par une ra- 
fale et s'éleva ainsi, directement, lentement, à une cen- 
taine de mètres en l'air, ayant gagné au vent au moins 
cinquante mètres ; et cela, sans un seul battement. 

Dépareilles démonstrations ne se voient pas tous les 
jours, il faut les chercher avec persistance ; il faut 
avoir le feu sacré de cette étude, il faut y être attiré 
par un je ne sais quoi qui fait que certaines évolutions 
vous font battre le cœur. 

On doit désirer voir beaucoup, et faire ce qu'il faut 
pour bien voir ; recueillir les faits^ se les expliquer si 
on peut, et on le peut ordinairement avec de l'intel- 
ligence et du bon sens. Cependant il y a certaines évo- 
lutions dont on ne peut trouver la raison d'être, té- 
moin la suivante: 23 mai 1876. 

Vu des milans planer et rester presque immobiles 
dans l'air. Il fait un vent du Nord faible. Ils sont tous 
très haut, ont la même allure, le bec au vent, avan- 
çant et montant^ faisant à certains moments, tous en- 
semble, un rond ou deux : c'est probablement une 
zone d'air rapide qui passe. — Ce que ces oiseaux font 



DE L'OBSERVATION. 23 

aujourd'hui, avec un vent qui n'a rien de particulier, 
ils peuvent le faire dans d'autres moments, cependant 
ils ne le font pas. — Quelle est la cause de ce chan- 
gement dans leurs habitudes ? — Éducation des en- 
fants finie : ce qui est exact à cette époque. Quoi 
dire ? En tous cas il y a quelque chose de particuher, 
car à 7 heures 1/2 du matin ils ont appétit ordinai- 
rement, et aujourd'hui il n'y paraît guère. — Peut-être 
un temps électrique particulier. — En somme ils font 
ce matin des tours de force, des démonstrations très 
intéressantes, par un vent du nord, très moyen, frais 
pour le Caire, 21% et un temps très beau. 

11 est rare qu'on ne trouve le pourquoi d'une ma- 
nœuvre; puis, ce qu'on ne comprend pas la première 
fois est expliqué par une autre observation faite dans 
des conditions meilleures. 

En tous cas, pour apprendre, il faut avoir l'amour 
de cette étude. 

Je me souviendrai toute ma vie du premier vol de 
gypsfulvvs que je vis. J'en fus tellement impressionné 
que de la journée je ne pus penser à autre chose. Au 
reste il y avait de quoi, c'était la mise en pratique de 
mes idées théoriques sur le vol. — Depuis, j'ai vu 
bien des milliers de vautours, j'ai bouleversé beau- 
coup de ces énormes troupeaux d'oiseaux; malgré 
cela je n'en puis voir passer un dans l'atmosphère 
sans l'accompagner des yeux jusqu'à l'horizon. 

L'observation demande enfin un bon choix de mo- 
dèles. 

Les observateurs français les choisissent forcément 
mal : ils étudient les rameurs excessifs tels que les 
pigeons, les chauves-souris, voire même les insectes. 



24 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Quel profit tirer d'un modèle qui n'est pas imitable 
en grand? — Il est impossible de reproduire méca- 
niquement sur de grandes proportions un insecte, 
un moineau, ni même un pigeon : en quelle matière 
construire un appareil capable de supporter des batte- 
ments aussi énergiques que ceux que produit le moi- 
neau par exemple? L'acier n'est pas assez nerveux par 
rapport à son poids. 

Ensuite, pourquoi étudier ces animaux ? cette puis- 
sance, ils l'ont, ils s'en servent, mais elle ne leur a pas 
été donnée par la nature seulement pour voler, mais 
bien pour chasser, pour fuir ou pour lutter. — Puis, 
ne serait-il pas plus rationnel de s'adresser aux mo- 
dèles faciles à reproduire qu'aux difficultés? Imiter la 
nature dans ses tours de force est déjà très beau, mais 
vouloir la surpasser semble peu logique : car c'est 
vouloir la surpasser que de chercher à faire des appa- 
reils rameurs de cent kilogrammes, quand, elle, ne 
peut guère dépasser deux kilogrammes. 

Le bon sens indique que quand on n'est pas fort il 
faut chercher à reproduire ce qui demande le moins 
de force. — Quels sont les oiseaux qui, quoique fran- 
chissant de grandes distances, le font avec le moins 
d'efforts?... ce sont les grands voiliers. 

Mais, objectera-t-on, ces oiseaux ont au contraire 
une force musculaire énorme; les aigles, les vautours, 
sont construits pour pouvoir en dépenser beaucoup : 
cette puissance leur est donc indispensable ? 

— Oui, certainement, ils ne peuvent même pas s'en 
passer pour soutenir la lutte pour l'existence : mais, 
entre vivre de la vie de l'oiseau, vie de combat, de 
peur, de chasse, et vivre de la vie de l'homme, qui, lui, 
ne craint rien, le problème n'est pas le même; c'est la 



DE L'OBSERVATION. 25 

lutte permanente comparée à la sécurité absolue. 

Que craint Thomme? Rien, Forage et son sembla- 
ble : en temps de paix ce dernier est négligeable ; 
quant à l'orage, rien ne le force à Tafifronter. 

Pour l'oiseau, c'est tout différent ; il peut être obligé, 
à chaque instant, de prendre l'air, et rondement ; il 
lui faut donc une puissance énorme pour pouvoir fuir 
à toute vitesse par des temps impossibles. 

Au reste^ cette puissance est proportionnelle aux 
besoins. 

Comparons deux grands oiseaux voiliers, Taigle et 
le vautour ; la différence de genre de vie amène la dif- 
férence de facultés. — Ils n'ont qu'un ennemi tous 
deux : c'est l'homme ; seulement, l'un vit de proies 
vivantes, et Vautre de cadavres. — Pour exister, le 
premier est obligé de chasser, de combattre un animal, 
qui, s'il ne se défend pas, développe en place toutes les 
facultés pour fuir. Aussi son vol est-il puissant à Tex- 
trême : il bat Fair comme un rameur, ses exercices 
sont variés; c'est le faiseur de tours de force. 

Le vautour au contraire ne craint pas grand'chose, 
tout au plus un coup de fusil de quelque curieux, 
quand il s'en rencontre dans son pays ; et cetle caté- 
gorie d'hommes a toujours un costume insolite, qui 
éveille de loin son attention. Il n'a, en résumé, besoin 
pour vivre que de pouvoir distinguer de très loin un 
animal mort. Aussi que sait-il faire? Monter très 
haut, pour de là voir très loin, s'y maintenir sans fa- 
tigue, descendre lentement après avoir bien étudié les 
lieux et s'être assuré qu'il peut se poser sans danger, 
qu'il ne sera pas surpris, et surtout obligé de repartir 
précipitamment. — Aussi son vol s'en ressent : pas 
de dépense de force, c'est le roi des flâneurs, toujours 



Î6 L'EMPIRE DE L'AIR. 

à la voile; ses grandes ailes ne battent que pour se 
dérouiller. Il fera dix kilomètres pour réussir à se po- 
ser sans choc, dix lieues pour avancer d'une; il a le 
temps, et a juré de ne jamais battre. — Au reste, 
rien n'est beau comme Tallure de cet énorme oiseau ; 
on ne peut en voir passer un sans s'arrêter et contem- 
pler cette majesté dans le mouvement. Ce sont d'im- 
menses cercles parcourus lentement, sans ressauts ni 
arrêts; puis, quand il prend le vol rectiligne, c'est 
avec une fixité imposante qu'il se meut ; il ne louvoie 
pas ni à gauche ni à droite, ni en haut ni en bas : il 
pénètre. 

C'est le modèle par excellence de l'étude qui nous 
occupe : la cigogne, à côté de lui, est une fauvette, le 
.milan un papillon, et le faucon une plume. 

Celui qui a vu cinq minutes un oricou au grand 
vol, et qui n'a pas reconnu la possibilité de la direction 
aérienne, est au moins... mal organisé pour l'ana- 
lyse. 



ESSAI D'ORNITHOLOGIE 

AU POINT IDE VUE DU VOL. 



Il nous faut faire ici un pelil cours d'ornilliologie, 
cours ayant trait à une question vitale des oiseaux : le 
vol ; question presque complètement oubliée dans les 
traités. 

Le vol est la propriété par excellence de Toiseau : 
passons une revue rapide des êtres qui peuvent se 
mouvoir dans les airs. 

La première classe, en commençant par les plus 
infimes, est Tinsecte. — Tous, moins les papillons 
paon de jour et deux ou trois autres grands lépidop- 
tères, qui ont des instants oîi leur vol est un glisse- 
ment, sont des rameurs. Leurs ailes sont des plans 
élastiques, qui agissent sur Tair par la différence d'é- 
lasticité qu'il y a chez elles enlre leur exhaussement et 
leur abaissement. 

Le docteur Marey a donné des descriptions et des 
tracés graphiques du vol des insectes excessivement 
intéressants : c'est le dessin du mouvement reproduit 
d'une manière exacte : il n'y a rien à désirer au delà. 

Les reptiles n'ont de nos jours à nous offrir qu'un 
petit lézard des Indes, le draco volans^ qui est un 



28 L'EMPIRE DE L'AIR. 

glisseur. Le plus grand espace qu'il puisse franchir se 
borne à quelques métrés ; c'est d'une branche à Tau- 
tre qu'il s'élance. 

Les temps géologiques nous offrent des spécimens 
infiniment plus intéressants. A Tépoque du lias, la 
nature créa une famille de reptiles dont la vie devait 
se passer dans les airs. Les ptérodactyles durent, 
pour pouvoir vivre, avoir la faculté de se mouvoir et 
de stationner dans les gaz, tout comme les oiseaux de 
nos jours. 

La classe des poissons est, comme on peut s'y atten- 
dre, très pauvre en êtres pouvant voler ; une douzaine 
d'espèces peuvent s'élancer, se soutenir quelques 
mètres à force d© battements, et tout se borne là. 

En mer, par les beaux jours de la fin de l'été, il 
arrive quelquefois que le navire traverse des parages 
garnis de poissons volants. 

Celui qu'on rencontre le plus communément dans 
la Méditerranée est un véritable volateur ; il s'élance 
de l'eau avec une force de projection qui pourrait Té- 
lever, d'après une estimation basée sur des journées 
entières d'observation, à environ deux mètres de 
hauteur ; mais, pas avec plus de force que cela. 
Arrivé au sommet de ce saut, ses nageoires, dont il 
se sert comme un rameur, et qui reproduisent tout à 
fait le vol de la sauterelle du désert, le soutiennent et 
le transportent ordinairement, droit contre le vent, 
à des distances qui varient entre quelques pas et 
200 mètres . L'espace moyen qu'il parcourt est 
d'environ 75 mètres ; puis il retombe dans l'eau, 
probablement gêné par la dessiccation de ses mem- 
branes et de ses branchies. Il semble plus redouter 
le dessèchement que la fatigue, car on voit sou- 



ESSAI D'ORNITHOLOGIE. 29 

vent ces poissons, après s^être simplement mouillés 
dans une vague , repartir avec un élancé assuré- 
ment très faible, et fournir une seconde et quel- 
quefois une troisième carrière semblable à la pre- 
mière . Dans la mer Rouge et dans la mer des 
Indes on rencontre quelquefois des poissons volants 
de la grosseur d'un merlan ordinaire. Ils sont aussi 
rameurs, mais déjà se produisent de courts instants, 
de deux ou trois secondes, oîi les battements cessent, 
et où le glissement se produit. 

Les mammifères possèdent toute une grande famille 
qui jouit de cette faculté à un degré très grand, com- 
parable, sous beaucoup de rapports, aux oiseaux les 
mieux doués : ce sont les chéiroptères, presque tous 
rameurs ; les grosses espèces ont seules quelques 
demi-voiliers. — Les galéopithèques et les écureuils 
volants sont deux classes d'animaux qui sont à Fen- 
fance de Fart du vol ; elles se servent plutôt Iftu para- 
chute que des ailes. Leur étude offrirait, malgré cela, 
un très grand intérêt. 

Il faut, malgré ces exceptions, reconnaître que 
l'ensemble des mammifères est organisé pour rester 
sur la terre. Aux oiseaux le royaume de l'air: chez 
eux les exceptions sont ceux qui ne peuvent utiliser ce 
mode de locomotion ; quelques palmipèdes et quelques 
struthions comprennent seuls cette classe de déshéri- 
tés de la nature. 

Le vol est bien certainement la plus belle manière 
de se mouvoir que la nature ait donnée à ses créatures. 
— Tous les oiseaux n'en jouissent pas également ; 
cependant, on ne peut nier que toujours un animal a 
un vol approprié à ses besoins. Au reste, le contraire 
supprimerait l'existence, ou au moins l'entraverait. 



30 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Quel est l'oiseau le mieux doué? 

Question souvent posée, et sur la solution de 
laquelle on est rarement d'accord. 

Est-ce l'aigle au vol majestueux? — Il est beau 
certainement ce roi des airs, mais une humble 
colombe le dépasse au vol comme un lévrier dépasse 
un mâtin. 

Est-ce la frégate à l'immense envergure? Non, assu- 
rément, la frégate est incapable de s'envoler dans 
beaucoup de circonstances. 

Sont-ce les grands vautours? Non plus ; il faut trop 
d'espace à leurs vastes ailes pour que leur vol puisse 
réunir toutes les qualités qu'exige la primauté. Un 
condor ne peut pas s'élever rapidement, sans vitesse 
acquise, comme un passereau. 

Serait-ce notre charmante hirondelle, si vive, si 
preste, si agile ? Pas davantage ; elle a le défaut de 
sa taille qui est celui de ne pas pouvoir résister à 
un coup de vent. Son peu de masse la gêne énormé- 
ment dans tous les grands courants d'air. 

Ce sont les passereaux qui priment pour le vol. 
Vitesse, promptitude, difficultés, tout est résolu par 
eux. Cependant ces oiseaux, en un an, ne font pas le 
trajet que les oiseaux de mer franchissent en un 
mois. 

Après ces remarques, il est facile de conclure, et 
de dire avec raison que tout oiseau vole parfaitement 
bien suivant ses besoins. 

Nous prendrons donc le moineau comme type de 
la perfection du vol. Comme vitesse, il est capable 
de poursuivre avec succès un pigeon ; comme puis- 
sance, il peut monter perpendiculairement à une 
grande hauteur. Comme grand parcours, il est à la 



ESSAI D'ORNITHOLOGIE. :jt 

hauteur de la généralité des autres oiseaux, car il 
a aussi ses migrations périodiques. 

Ce choix, au premier abord, peut paraître curieux : 
cependant, on remarquera que les grandes difficultés 
du vol sont résolues par les petits oiseaux. — Les 
fauvettes, sylvies, oiseaux-mouches, colibris, font des 
tours de force constants. On peut même à ce propos 
poser comme loi d'ornithologie que : La force pro- 
portionnelle est en raison de la petitesse. 

On n'observe généralement pas cette puissance; ce- 
pendant, remarquons l'élasticité métallique des mus- 
cles d'une fauvette qui tourbillonne aux hasards 
d'une chasse à la mouche : remarquons ces batte-* 
ments précipités, produisant une vibration presque 
harmonique. Un condor dont les pectoraux pourraient 
produire de tels battements aurait besoin d'ailes 
d'acier, et produirait un bruit comparable à celui 
du tonnerre. 



ÉTUDE DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR DE L'OISEAU 



Les ailes et la queue sont employées par les oiseaux 
pour se soutenir dans l'air. 

Les ailes, organes principaux de la sustenlion, sont 
composées d'humérus, de radius et de cubitus, de 
carpes et de métacarpes, plus ou moins soudés, aux- 
quels sont adaptées des plumes. 

De la longueur de ces bras, et de la longueur de 
ces plumes, dépendent les différentes propriétés du 
vol. 

VARIÉTÉS DE FORMES D'AILES 

Les ornithologistes ont divisé les différentes for- 
mes d'ailes en deux groupes : ailes aiguës et ailes 
obtuses; puis chacune de ces divisions en sur-aiguës, 
aiguës, et sub-aiguës; sur-obtuses, obtuses et sub- 
obtuses. 

Ce mode de classement, tout excellent qu'il est, 
n'est cependant pas suffisant ; il faut, pour pouvoir 
expliquer avec fruit les nombreux faits que présente 
l'observation, préciser infiniment plus que ne le font 
ces divisions par trop génériques : il faut tenir compte 
de la surface de l'aile par rapport à l'oiseau, de la 



VARIÉTÉS DE FORMES D'AILES. 35 

longueur de l'aile par rapport à sa largeur cl par 
rapport à la masse ; enfin d'une foule de circonstances 
qui font qu'il faut une étude particulière du vol de 
chaque famille pour en avoir une idée satisfaisante. 

Il résulte de l'étude de toutes ces conditions, étude 
dont on trouvera un essai plus loin, qu'on peut établir 
une série de grandes divisions qui peuvent se con- 
denser dans les observations suivantes. 

On peut affirmer : 

Qu'un oiseau qui a des ailes longues et larges est 
fait pour planer : qualité qui croît avec la masse. 

Que celui qui les a longues et minces est fait pour 
voler dans les grands courants d'air, et cette qualité 
croît aussi avec le poids. 

Que les ailes courtes et larges indiquent un vol de 
peu d'étendue. 

Enfin que les ailes courtes et étroites dénotent une 
grande vélocité comme vitesse rectiligne. On peut 
même poser que : La vitesse est en raison inverse de 
la grandeur de la surface. 

Il ne faudrait cependant pas aller jusqu'à l'absurde 
parce que, à ce compte, les aptérix seraient les vola- 
teurs les plus rapides ; mais on peut dire que chez 
les oiseaux qui volent réellement, la vitesse rectili- 
gne (parce qu'elle Test toujours et forcément) aug- 
mente avec la diminution de la surface des ailes. 
Tout le monde connaît la vélocité des canards, sar« 
celles, imbrims, etc., et comme opposition, la lenteur 
des hérons, des vanneaux et de l'effraie. 

Il est inutile que nous nous étendions plus longue- 
ment sur ces principes fondamentaux, parce que nous 
les verrons constamment expliqués et appliqués dans 
l'élude du vol de chaque famille. 

3 



DE LA QUEUE 



La qaeue est un appareil destiné à soutenir, à di- 
riger et à tenir en équilibre Toiseau. 

Elle est formée par une série de vertèbres, de nom- 
bre variable, munies de muscles pour les mouvoir, 
et garnies de plumes. 

La queue chez les oiseaux est très utile, mais non 
indispensable. Un oiseau privé de sa queue vole, de 
son vol à lui, au bout de quelques jours, sans beau- 
coup de différence ni de difficulté. 

Dans plusieurs espèces elle est un pur ornement, 
plus gênant qu'utile, comme chez le paon, le mé- 
nure-lyre, le couroucou pavonin, la veuve, le paille- 
en-queue , les perroquets , etc . Privez-les de cet 
appendice, ils n'en voleront pas beaucoup plus mal ; 
au reste la nature les soumet périodiquement à cette 
épreuve. 

Beaucoup d'oiseaux très fins voiliers ont des queues 
rudimentaires : les hérons, les albatros, les canards, 
sarcelles, pélicans, go&lands, etc. 

Dans d'autres cas elle grandit ou diminue sans 
cause apparente, comme chez la tourterelle sauvage 
et la tourterelle d'Egypte, la pie et le geai, le gypaète 
et l'aigle bateleur. 

La grandeur de la queue est toujours un signe de 



DE LA QUEUE. 35 

faiblesse du vol, surtout lorsqu'elle atteint de grandes 
dimensions. 

Laissons donc de côté cet organe qui ne peut donner 
que des indications trop vagues pour être utilisées. 

Cependant, si on tenait à se rendre compte de la 
cause, du pourquoi de Texistence de cet organe, sur- 
tout lorsqu'il est robuste, on arrive à cette déduction. 

La queue, chez Foiseau, est ou un ornement ou un 
organe du voL — L'ornement n'intéresse pas cette 
étude : négligeons-le. 

Comme organe du vol, la manœuvre suivante 
pourra nous éclairer. 

Un faucon crécerelle suivait une haie, presque rez 
terre, et tout contre elle ; sa vitesse était ordinaire, 
et sa direction rectiligne, quand tout à coup, 
comme mu par un ressort, il changea de direction 
à angle droit pour se précipiter sur un lézard. 

L'angle produit fut d'une précision et d'une rapi- 
dité incroyable. 

Pour le produire, Toiseau a eu besoin du gouver- 
nail très ample et très puissant qu'il possède. 

Là est l'utilité du grand développement de cet or- 
gane, il est destiné à permettre la surprise par des 
changements subits de direction. 

Il est probable que la forte queue du gypaète a la 
même utilité : cette manière de chasser, à coup de 
poitrail, parmi les blocs de rocher, doit être facilitée 
par l'ampleur et la force de sa queue. 

En résumé, c'est un organe destiné à produire le 
vol de chasse, mais qui, par rapport au vol réel de 
longueur, n'est pas indispensable, comme on le dé- 
montre au reste en la supprimant. 

On arrive donc à penser ceci, que la queue est 



36 



L'EMPIRE DE L'AIR. 



l'organe qui sert h produire un changement de direc- 
tion rapide ; et ce qu'il y a de curieux, c'est que» 
quand l'oiseau ne l'emploie pas, elle donne la rec- 
tilignité à son vol. — Ce qui pourrait se résumer 
ainsi : 

L aptitude au changement de direction est en relation 
avec r ampleur et la puissance de la queue. 

C'est seulement au point de vue théorique que 
nous faisons abstraction de l'utilité de cet organe. Il 
est certain que l'adresse permet l'équilibre constant 
sur deux points d'appui seulement : témoin nos 
deux jambes, les échasses, le vélocipède, etc. ; mais, 
au point de vue de la pratique, un troisième support 
devient bien utile, il apporte la stabilité absolue, 
évite cette attention de tous les instants qu'il faut 
avoir pour ne pas choir. 

Ce troisième appui existe même chez les oiseaux à 




Fig. 2. — Pélican au vol. 

queue rudimenlaire. — Prenons par exemple le péli- 
can, qui ne brille pas par le développement de son 
appendice caudal : nous remarquons que la forme 
générale de son corps y supplée. Au vol il a la tour- 
nure suivante. 



DE LA QUEUE. 37 

C'est, comme nous le voyons, dans F angle très 
prononcé que forment son bras et son avant-bras 
qu il trouve l'espace dans lequel peut jouer son 
centre de gravité sans entrer dans l'équilibre ins- 
table. — Ce qui nous amène incidemment à remar- 
quer que : Les oiseaux sans queue ont tous Favani^ôras 
très long. 

La queue, pour agir, demande un vent assez fort, 
ou une vitesse assez considérable : ce qui est tout un 
en aviation. Si l'oiseau n avait qu'elle pour manœu- 
vrer, dans les cas de vol lent ou de vent faible, cer- 
tains mouvements deviendraient impossibles. — Il 
supplée, comme nous le verrons, au manque d'ac* 
tion de cet organe, par une série de manœuvres qui 
produisent les mêmes effets d'une manière bien plus 
efficace. 



VOL DES RAMEURS 



Prenons-le au point de départ. 

L'oiseau est à terre, il s'abaisse sur ses jambes pour 
s'élancer, et laisse pendre ses ailes. 

Étudions ce premier mouvement : l'aile se divise 
en trois plans, un formé par l'humérus, l'autre par 
le radius et le cubitus, et le dernier par la main. — 
L'effet produit par la disposition de ces trois plans 
est de laisser facilement glisser l'air en présentant des 
surfaces inclinées. 

Là ne se borne pas la décomposition de ce mouve- 
ment : toutes les plumes, surtout celles du bout de 
l'aile, s'inclinent de manière à traverser l'air par leur 
tranche et non par leur plat. — Puis, autre complica- 
tion, l'aile n'est jamais élevée étendue, mais bien re- 
pliée sur elle-même, de manière à présenter le moins 
de surface possible, et à pouvoir produire le mouve- 
ment avec moins d'effort et plus de vélocité. 

Voyons maintenant le second mouvement, l'aile de 
l'oiseau frappant l'air. 

Celui-ci est simple, l'aile est tout étendue, raide, 
les plumes garnissent toute la surface, et l'aile est 
creuse. 

Il y a donc grande différence de résultat obtenu 
entre l'élévation de l'aile et son abaissement; — celte 



VOL DES RAMEURS. 39 

différence est ce qui constitue le bénéfice du vol des 
rameurs. 

Pour pondérer cette différence d'une manière exacte, 
pour la palper pour ainsi dire, il faut prendre par la 
tête de Thumérus une aile fraîche de très gros oi- 
seau, et exécuter avec la main ces deux mouvements. 
Cet exercice fera mieux comprendre le vol que tou- 
tes les descriptions et explications possibles : on est 
près, on voit bien, on sent les efforts nécessités par 
les deux manœuvres, et on les juge parfaitement. 

L'élancé donné par les pattes, et ce premier bat- 
tement, ont enlevé Toiseau, qui répète rapidement 
ce battement et s*élève donc en Fair, non perpendi- 
culairement, mais dans un angle de 45 degrés. Pour 
s'enlever perpendiculairement, Toiseau est obligé de 
beaucoup se renverser : manœuvre difficile, employée 
quelquefois par les pigeons pour se déraidir les ailes 
dans le pigeonnier. 

Pour changer cette direction de 45 degrés en un 
mouvement horizontal, l'oiseau se sert de sa queue, 
qu'il abaisse, et qui produit sous l'action de la vitesse, 
et même quelquefois d'un léger battement particulier, 
une décomposition de forces, dont la résultante est un 
changement de direction de 45 degrés à Thorizontale. 

Si la queue est impuissante, il se sert de ses del- 
toïdes qui relèvent son corps et produisent aussi ce 
changement; Au reste, les oiseaux emploient ordinai- 
rement ces deux moyens simultanément. 

Le mouvement horizontal étant obtenu, le vol 
change un peu à mesure que la vitesse augmente, l'aile 
ne frappe plus exactement perpendiculairement, mais 
légèrement dans le sens de la vitesse pour l'accélérer. 

Certains rameurs exceptionnels, pour acquérir une 



40 L'EMPIRE DE L AIR. 

grande vélocité, exagèrent ce mouvement. Le batte- 
ment, chez eux, non seulement soutient, mais surtout 
pousse en avant. 

C'est cette manœuvre qui procure au faucon la cé- 
lérité extraordinaire qu'il possède, malgré qu'il ait 
une masse faible et une grande surface. — La tour- 
terelle bien lancée semble faire des sauts avec ses 
ailes; le coup de fouet est si rapide et si violent, sa 
vitesse est si grande, qu'à chaque battement corres- 
pond un bond, non pas en hauteur, mais en avant : 
oUe se projette à grands coups d'ailes. Dans certains 
cas ces coups de fouet produisent un son presque 
semblable à celui que produirait l'aile si elle frappait 
sur un corps solide. 



VOL DES VOILIERS 



Plusieurs naturalistes ont donné des explications 
curieuses du vol des oiseaux, surtout du vol des voi- 
liers. — Pour eux la légèreté est tout. 

Us ont désigné la porosité des os, les espaces rem- 
plis d'air, qui se trouvent quelquefois sous la peau 
de ces animaux, comme des dispositions indispensables 
à la station dans Fair. 

Il n'en est rien. — Les oiseaux ont toujours une 
grande densité, parfaitement la même que celle des 
mammifères ; privés de plumes ils ne surnagent pas 
dans Teau : ils ont donc 1 pour densité, tout comme 
l'homme, les mammifères et les poissons. 

Pour bien s'expliquer le vol, il faut considérer 
l'oiseau comme une machine qui se soutient par 
la force déployée par ses pectoraux, comme un 
glisseur, comme un patineur, mais non comme un 
ballon. Tous ces appareils de dilatation des fous, 
des pigeons; tous ces os creux des péhcans, alba- 
tros, etc., ne servent à rien pour le vol, leur utilité 
est ailleurs. 

Au reste, rien n^est plus facile à expérimenter : cou- 
pez les plumes du corps à un oiseau, ne lui laissez que 
lesplumes des ailes et de la queue, sonvol n'est changé 
en rien ; il aura froid, ne pourra pas nager si c'est 



42 L'EMPIRE DE L'AIR. 

un oiseau d'eau, mais il n'en \olera assurément pas 
plus mal. 

Expliquons maintenant le vol des voiliers. 

Les oiseaux planent en raison de la grandeur de 
leur surface et de l'importance de leur masse. 

N'oublions pas ce principe indiscutable. Un gros 
oiseau, un moyen et un petit oiseau, tous trois de 
mêmes surfaces proportionnelles à leurs poids, pla- 
neront d'autant mieux qu'ils seront plus lourds. 

Ne nous occupons donc que des gros, ceux-ci seu- 
lement peuvent eflfectuer les décompositions de force 
qui produisent le vol sans battement d'ailes. 

Comme le voilier au départ est toujours rameur, à 
moins d'être perché sur une hauteur d'où il s'élance, 
nouslesupposonsenl'air, possédant une vitesseacquise. 

Sans bouger les ailes il glissera. 

S'il n'y a aucun vent il ira tomber à terre, à une 
distance qui sera en raison, toujours de sa surface, 
et surtout de l'importance de sa masse ; par conséquent, 
un arrian ira plus loin qu'un vautour fauve, et ce der- 
nier qu'un percnoptère ; cependant ils sont construits 
à peu près dans les mêmes proportions. 

Sans vent le voilier tombe, son vol n'est plus pos- 
sible, ilest obligé de devenir rameur ; c'est ce qui fait 
qu'il est rarement matinal, parce que la matinée est 
ordinairement calme, surtout dans les pays chauds. 

Admettons maintenant l'existence d'un courant d'air, 
ce qui arrive presque toujours à une certaine hauteur 
dans l'atmosphère. 

La scène change, le voih'er décrit des cercles, s'é- 
lève en l'air à une grarïde hauteur, puis de là se 
laisse glisser dans la direction oti il veut aller, même 
contre le vent. 



VOL DES VOILIERS. 43 

Essayons d'expliquer ce fait. 

L'oiseau se laisse glisser dans la direction du vent 
en s'abaissant le moins possible, lèvent lui donne une 
vitesse presque égale à lui-même en s'engouffrant dans 
toutes les plumes qu'il retrousse. — Celte poussée 
par l'arrière est puissante ; il y a prise, tandis que 
quand il est le bec au vent, toutes les plumes sont 
lissées, collées les unes contre les autres, et présen- 
tent des surfaces parfaitement construites pour avoir 
Je moins de frottement possible. — Cette différence 
d'action est comparable à celle de ces moulins à vent, 
formés de plusieurs entonnoirs, dont le mouvement 
est produit par la difiTérence de résistance présentée 
à l'air entre la pointe et l'arrière. 

Comme l'oiseau tourne, il arrive à se retrouver à 
marcher contre le vent ; là se produit le résultat de- 
mandé, Télévation. 

Nous énonçons sérieusement cette fraction d'ex- 
plication, parce que cette action est beaucoup trop né- 
gligée, et qu'elle est réellement utile à l'oiseau. 

Arrivé à cette partie du cercle qu'il décrit, le voilier 
dispose ses ailes et sa queue de manière à remonter 
un peu, de sorte que sa vitesse acquise, se heurtant 
contre la force du vent, l'élève plus qu'il n'a baissé 
pour acquérir sa vitesse. 

En résumé, le bénéfice de l'opération, le résultat 
obtenu comme exhaussement est donné par la force 
du vent, qui n'agit pas également lorsque l'oiseau lui 
présente son avant ou son arrière. 

Le voilier répète ce mouvement et gagne de la 
hauteur à chaque tour : ces cercles sont d'autant plus 
concentriques que l'oiseau a plus de masse et que le 
vent est plus faible. Cependant, même chez ceux qui 



44 L'EMPIRE DE L'AIR. 

sont le mieux doués pour produire les décompositions 
de forces les plus approchées de la théorie, le cercle 
n'est exactement concentrique que dans un cas, c'est 
quand le vent est nul ; en attendant le courant vivifî- 
cateur ils figurent l'ascension pour se soutenir, mais 
ne la produisent pas ; ce qui fait illusion et trompe 
presque toujours l'observateur, à moins qu'il ne soit 
placé à la même hauteur que Toiseau. 

Il ne faudrait pas cependant attacher une importance 
trop grande à cet effet de prise du vent sur les plumes ; 
le problème se compose d'autres éléments que celui- 
ci. La variation des surfaces offertes à l'action du vent 
dans les différentes parties du cercle décrit, et la va- 
riation de vitesse ou variation de position du centre de 
gravité, sont autant de facteurs dont il faut tenir 
compte. 

L'exhaussement se produit par le bon emploi de 
toutes ces données, et par le choix d'une» foule de cir- 
constances heureuses, commençant par les courants 
ascendants, dont on a beaucoup parlé ces temps-ci, et 
sur lesquels il ne faut guère compter ; et finissant 
par le choix judicieux de l'instant oîi se produit le 
coup de vent pour lui présenter l'angle utile à l'ascen- 
sion. — Enfin et surtout, par l'inégalité de longueur de 
la partie de la course faite avec le vent, comparée à 
celle qui est faite contre lui. La brièveté de cette der- 
nière partie comparée à la première est d'autant plus 
accusée que l'ascension est plus forte. 

Le bénéfice produit dans l'ascension au moyen des 
ronds s'observe fiicilement, se comprend, mais il faut 
avouer que, quand on veut bien l'analyser, il y a un 
endroit faible, oti franchement ou devient insuffisant 
comme explication : c'est l'instant où l'oiseau marche 



VOL DES VOILIERS. 45^ 

avec le vent. Est-ce qu'un excès de vitesse conservé, 
vitesse capable de produire la sustention, satisferait ? 
Nous ne le croyons pas, car nous ne croyons pas à sa 
véracité absolue, l'observation montrant qu'il y a sou- 
vent arrêt complet. En tous cas, bien ou mal analysée, 
la manœuvre est très employée ; l'observation indique 
même que c'est celle qui donne le plus de bénéfîce 
d'exhaussement, puisque c'est le procédé que le voi- 
lier emploie par le vent le plus minime. 

En attendant une explication limpide, nous nous 
bornerons à nous en servir de confiance, nous en rap- 
portant h la prescience des oiseaux ; nous pouvons le 
faire sans rien hasarder. 

En place, une manœuvre qui supporte facilement 
l'analyse, et dont la compréhension est facile, est celle 
de l'ascension directe, vent debout, soit en reculant, 
ce qui est facile, soit sans perdre du terrain, ce qui 
l'est moins ; ou même en avançant contre le vent. 

L'angle juste, bien présenté, joint à une surface 
utile pour l'instant, et la force irrégulière du vent bien 
employée ; accalmie pour avancer ; accélération de la 
vitesse du courant utilisée à s'élever, toutes ces condi- 
tions réunies rendent le problème facile à comprendre. 

Seulement, ce procédé d'exhaussement nécessite 
un vent possédant une vitesse capable de soutenir 
dans tous les instants l'aéroplane qui est sans vitesse 
propre, tandis que, dans le procédé des ronds, ce 
même aéroplane a une grande vitesse de translation 
qui lui est propre, et lui permet de se servir de vites- 
ses de vent qui seraient, à cause de leur faiblesse, 
inutilisables dans le premier procédé. 

11 ne faut jamais dans les calculs supposer qu'un 
courant d'air a une vitesse régulière, on serait com- 



4d L'EMPIRE DE L*AIR. 

plèlement dans Terreur ; une étude attentive du vol 
des oiseaux fait voir qu'il y a des bouffées irrégulières, 
non seulement à la surface, mais même jusqu'aux 
confins de l'atmosphère visible. 

Les oiseaux ont certainement, comme les bons 
marins, le talent de voir venir le coup de vent ; le frî- 
sement de Teau qui change de couleur, devient plus 
sombre, indique à Thomme de mer l'arrivée de la 
bourrasque. Comment font les oiseaux pour voir venir 
Tair rapide? il est difficile de s'en faire une idée ; 
cependant il est certain qu'ils s'en servent assez sou- 
vent. 

Cependant, c'est là encore une base sur laquelle il 
ne faut pas trop échafauder, parce que les grands 
planeurs dédaignent d'utiliser ces irrégularités du 
vent ; ils les supportent, les emmagasinent comme 
impulsion reçue, mais ne se dérangent jamais pour 
en profiter. 

Pour se faire une idée saine de ce qui se passe 
dans le vol sans battement, pour se l'expliquer, il 
faut séparer deux choses qu'on confond ordinaire- 
ment : le vent régulier et le coup de vent irrégulier. 

Il semble, à première vue, que lorsque dans un cou- 
rant d'air régulier l'oiseau décrit un rond, il doit 
perdre dans la partie où il pénètre le courant juste 
ce qu'il a gagné d'impulsion en étant actionné par lui, 
plus la perte occasionnée par les frottements. — 
Nous avons vu qu'il n'en est rien, parce que l'oiseau 
présente à la pénétration ses formes d'avant, qui sont 
d'autant plus parfaites qu'il est meilleur volateur: 
formes qui n'ont aucune ressemblance avec celles de 
son arrière, où tout est disposé d'une manière con- 
traire, pour faire voile, et être pénétré. — Mainte- 



VOL DES VOILIERS. 47 

nant, à ce bénéfice, il faut joindre la disposition de 
l'angle utile présenté, la surface plus ou moins grande 
offerte à l'action du vent au moment nécessaire, la 
petitesse relative de la course contre le vent, enfin 
ces mille riens qui ne s'analysent pas, qu'on nomme 
la vie, et qui font ces chefs-d'œuvre d'équilibre qui, 
comme la station et le mouvement, font la partie 
active de l'existence. 

Cependant les très gros oiseaux ne semblent pas se 
tourmenter beaucoup pour utiliser tous ces petits 
moyens accessoires ; les maîtres dans l'art, ayant une 
fois établi un angle moyen, jugé bon par leur expé- 
rience pour le temps qu'il fait, ne changent pas faci- 
lement de tournure : ils savent qu'il leur est inutile de 
se livrer à de petites manœuvres, comme diminuer ou 
augmenter la surface à chaque tour ; on dirait qu'ils 
mettent leur aéroplane à un cran fixe^ qu'ils savent 
pratiquement bon, et se reposent pour bénéficier en 
élévation sur le coup de vent. Il y a bien probable- 
ment des mouvements de déséquilihrement qu'on ne 
peut apercevoir à la lunette, tels que mouvements de 
la tête, qui est un balancier précieux et on ne peut 
mieux placé ; même des mouvements inconscients 
d'ensemble ; mais quant aux changements intention- 
nels dans la voilure, par un vent moyen, elle peut 
rester des heures entières au point fixe oîi elle a été 
mise tout comme une voile de navire. — Il nous faut 
donc pénétrer plus avant dans la question, chercher 
une explication plus satisfaisante de cette manœuvre. 
Nous la trouverons en étudiant Teffet produit par le 
coup de vent irrégulier. 

Le coup de vent est une puissance qui est l'âme de 
Tascension : c'est la baguette qui frappe le cerceau 



48 L'EMPIRE DE L'AIR. 

de Fenfant, qui lui donne la force de rester debout, 
de rouler, et même de franchir des élévations. — 
Supposons que nous abandonnions ce jouet à une 
descente rapide : l'attraction lui communiquera un 
mouvement qui le fera rouler jusqu'au bas. Si en 
bas il se trouve une montée, le cerceau poussé par sa 
vitesse acquise, par son inertie, remontera à une 
hauteur égale à sa descente, moins les frottements 
sur le sol et la résistance de Tair. 

Mais, si au lieu de le laisser simplement aller à la 
sollicitation de la chute, on accélère sa marche à coups 
de baguette, il pourra remonter bien plus haut que 
n'est élevé le point d'où il est parti. 

Si maintenant nous supposons autre chose, qu'on 
puisse, lorsque le cerceau est en train de remonter, 
déplacer le sol, de manière à ce qu'il aille en sens 
contraire du jouet, c'est-à-dire lui venir dessus, nous 
activerons encore l'ascension en lui communiquant 
une force supplémentaire, indépendante de son 
individu, dont la résultante sera encore une élévation. 

Étudions maintenant Faction de ce courant d*air 
vivificateur sur l'oiseau en action. 

Si le coup de vent se produit dans la partie oti 
l'oiseau va avec le vent, c'est le coup de baguette que 
le cerceau reçoit par derrière; c'est de la vitesse 
emmagasinée, c'est autant de chute économisée : 
donc, bénéfice pour l'oiseau d'autant. 

Si c'est dans la partie du rond où l'oiseau fait face 
au courant d'air, c'est son sol de glissement qui est 
l'air, qui se projette sur lui, et le force comme 
résultante à s'élever : donc encore bénéfice d'éléva- 
tion, bénéfice qu'il ne doit pas à l'action de la chute. 

Si le coup de ven>. le prend en travers-arrière, en 



VOL DES VOILIERS. 49 

travers-avant, c'est toujours un apport d'action; c'est 
toujours un lancé, une poussée qui lui est imprimée 
par une force étrangère à lui-même, et dont il pro- 
fite; ou une économie de parcours, qui se traduit 
encore à son avoir par un exhaussement. 

Mais, au fait, toutes ces explications ne sont utiles 
que pour les curieux; elles ne prouvent ni ne déju- 
gent rien : qu'on comprenne, qu'on s'explique mathé- 
matiquement une manœuvre ou qu'on n'y parvienne 
pas, le résultat est le même ; il n'en reste pas moins 
la leçon du maître omnipotent, omniscient, qui dit : 
Si vous me comprenez, tant mieux ; si vous ne me 
comprenez pas, tant pis; mais en tous cas, c'est 
comme cela que cela s'opère!... Je vous le démontre 
la journée entière, non pas dans les ténèbres, mais 
en pleine nue ; et si vous ne voulez pas profiter de la 
leçon, c'est que vous avez juré de ne jamais venir me 
rejoindre. 

Ainsi agit l'oiseau ! 

Et que peut faire une formule qui n'arrive pas à 
bien! — Que peut faire une explication plus ou moins 
limpide? — Peut-il rester un doute quand la preuve 
du fait est palpable et visible à tous les instants : 
— l'oiseau n'est pas sorcier, il ne viole pas les lois 
de la nature ; nous ne nous expliquons pas ces mille 
décompositions de force d'une manière rigoureuse, 
parce qu'elles sont compliquées comme le mouvement 
et la vie; — mais elles nous sont démontrées à 
chaque instant, et c'est une invite constante à sou- 
mettre notre vie à cet* exercice, qui ne doit pas plus 
être au-dessus de ses moyens que les exercices d'équi- 
hbre que notre organisme opère inconsciemment à 
chaque instant de l'existence. 

4 



oO L'EMPIRE DE L'AIR 

Nous expliquons-nous bien la marche, le saut, la 
gymnastique ; les mouvements du vélocipède, les 
changements de direction qui Téquilibrent ont-ils été 
calculés mathématiquement? Non. — Notre instinct 
de vie suffit à cette analyse, non seulement exacte- 
ment, mais encore avec la rapidité nécessitée par le 
besoin. — lien sera de même assurément pour cet autre 
problème d'équilibre qui lui ressemble fort : l'avia- 
tion ; la vie, ce chef-d'œuvre de science inconsciente, 
se trouvera certainement à la hauteur de ce nouvel 
exercice. 

Il s'agira seulement de bien savoir ce que Ton doit 
faire, d'être bien au courant de la manœuvre qui 
produit tel effet que l'on désire produire; en somme, 
savoir à fond son métier d'oiseau, tout comme on 
arrive à savoir ceux de glisseur, patineur, nageur, 
vélocipédiste, danseur de corde, et eu somme de tous 
les exercices gymnastiques. 



VITESSE DU VENT 



Le vent est pour les voiliers la source de tout bé- 
néfice de sustention. Sans vent, pas d'ascension, donc 
pas de vol possible pour eux ; aussi par le calme plat 
sont-ils tous perchés. 

Quelle est la vitesse de vent minimum qui peut ce- 
pendant soutenir et exhausser le meilleur voilier. 

L'observation fait remarquer des ascensions de mi- 
lans et de vautours par le calme plat exact. Cependant 
cela est un fait impossible. Il faut absolument qu'à 
une certaine hauteur l'air ait un mouvement sensible, 
peut être indiscernable à l'œil, mais qui cependant 
est décelé parles manœuvres de l'oiseau. 

Un voilier qui s'élève par un temps calme rame or- 
dinairement jusqu'à une centaine de mètres, et arrivé 
à cette hauteur commence à décrire ses ronds, moitié 
ramant, moitié planant, diminue les battements à 
mesure que l'élévationaugmente et finit par les cesser 
tout à fait : ce qui démontre que lair n'est immobile 
qu'à la surface du sol. 

Tout le monde a remarqué que sur les hauteurs il. 
y a presque toujours un grand courant d'air : on quitte 
un bas-fond, où la tranqu'dlité est absolue, et arrivé 
sur la montagne la brise est très sensible. 

Une brise légère, celle des belles journées du prin- 



52 L'EMPIRE DE L*A1R. 

temps, qu^on ne peut appeler un vent, a cependant, 
à une hauteur de cent mètres, au moins 10 mètres de 
vitesse, d'après des observations très précises que nous 
avons eu l'occasion de Faire sur des fumées de bombes 
de feu d'artifice, qui sont la mobilité suprême. 

Sitôt que le vent est franchement sensible à la sur- 
face du sol, il dépasse de beaucoup 10 mètres de vi- 
tesse à 3 ou 400 mètres de hauteur. 

Un bon vent, une bonne brise de mer, celle où le 
marin sans prendre de ris surveille cependant sa 
toile, arrivé à 500 mètres d'altitude a une vitesse de 
20 mètres à la seconde. 

Un grand vent du nord, d'après la vitesse de l'om- 
bre des nuages, a une rapidité de 30 à 40 mètres ; et un 
violent Khamsine à 500 mètres d'altitude a une vitesse 
difficile à préciser. Par ce vent terrible, un grand 
vautour, qui se meut dans son sens, a une vélocité 
épouvantable: en un instant il a traversé le champ 
de la vision, soit 7 ou 8 kilomètres, au moins, pour 
un oiseau de ce volume. 

Ce sont ces vents de tempête qui dépaysent les oi- 
seaux, qui font qu'un volateur se trouvera en une 
journée à 1000 lieues de son habitat. 

Ces vitesses énormes nous sont démontrées exacte- 
ment par des faits précis. Le ballon la Ville d* Orléans , 
parti pendant le siège de Paris à 11 heures 45' du 
soir, est arrivé près de Lif jeld (Norwège) le lendemain 
à 3 heures 40 du soir. Soit environ 300 lieues en 15 
heures, ou 22 mètres à la seconde. 

Le ballon du sacre de Napoléon I" a eu pendant 
sept heures consécutives une vitesse d'environ 40 mètres 
à la seconde. 

Dans les grands jours d'été de 18 heures, un oiseau 



VITESSE DU VENT. 53 

emporté par un courant rrair pareil, et s'aidant dans 
le même sens, pourrait parcourir 3000 kilomètres. 

Trois mille kilomètres font environ 30 degrés, 
qui sont, en gros, la distance qui sépare le Caire de 
Paris, le Caire de Téquateur. C'est la distance de Paris 
à Arkangel, de New- York à Mexico ; l'Australie tra- 
versée, El, de la pointe nord du Spitzberg au cap 
Barow de l'Amérique russe, il n'y a environ que 30 
degrés en passant parle pôle. 

Quels beaux voyages un fort coup de vent permet- 
trait de faire! 

Mais il ne faut point s'illusionner ; il ne faut pas 
croire qu'un accident est une règle. 

De ce que certains jours on pourra faire des mer- 
veilles, il ne faut pas espérer que cela continuera. Lors- 
qu'on voudra aller d'un point à un autre, d'une 
manière exacte, les mécomptes viendront. C'est lana- 
vigation à la voile : on sait quand on part, et on ignore 
quand on arrive. Ces 30 degrés fournis en un jour, 
parce temps extra-favorable, peuvent par un vent con- 
traire en demander 8 ou 10, et plus : ce même vent de 
40 mètres à la seconde force au repos sitôt qu'on a à 
aller ailleurs que là où il mène. Il est impénétrable ; 
on n'avancerait pas contre lui d'unelieueenune heure. 

La voile, c'est l'inconnu, le bonheur, la chance; 
demandez plutôt aux marins. — Ainsi, les 2800 kilo- 
mètres qui séparent l'Irlande de Terre-Neuve ne peu- 
vent pas être franchis sans danger à moins de pouvoir 
passer la nuit sur l'eau ; au reste il n'y a que les oi- 
seaux nageurs qui se hasardent à faire cetle traversée. 

Arrivons à la vitesse moyenne, celle du vent de tous 
les jours. 

L'observation indique, par la comparaison du vol 



54 LEMPIRE DE L AIR. 

avec le chemin de fer, que les oiseaux à vol lent font 
tout au plus 40 kilomètres à l'heure, et les oiseaux 
bien doués, comme les tourterelles et les grands voi- 
liers, en plein vol dans l'espace, font 60 kilomètres. 
Ce qui fait que pour les appréciations moyennes on 
peut se servir de la base de 1 kilomètre à la minute, 
comme donnée sérieuse. 

Voilà ce que fera la direction aérienne à la voile, 
plutôt moins que plus. C'est déjà beau ; c'est 5 à 600 
kilomètres dans la journée de 10 heures. 

Les vents n'ont probablement pas tous la même 
puissance de sustention. 11 semble, en regardant at- 
tentivement les oiseaux, qu'il y a des jours où l'aîr 
porte mieux que d'autres. 

Par les vents du midi, surtout les venis chauds et 
électriques, les planeurs ont une propension très mar- 
quée à exagérer le vol sans battement. Celle faculté de 
suspension est indiscutable pour les corps de peu de 
masse : témoin les poussières et les sables du siroco, 
Khamsine, guibli, etc. Elle serait donc perceptible 
pour les oiseaux, même pour les très gros ? 

Par un vent électrique du désert on est sûr de voir 
beaucoup de vautours; ce temps particulier a la pro- 
priété de les faire voyager. Les oiseaux de proie nobles 
y sont également sensibles. En Europe, le change- 
ment de vent, la chaleur et l'orageaprès, sont pronos- 
tiqués par la crécerelle qui m on te alors très haut dans 
les airs, en criant, ce qui la fait remarquer. Les faucons, 
les milans et les aigles se comportent de même. 

Tout vent du désert, en Afrique, amène les vau- 
tours rares : c'est par ce temps, seulement, qu'on voit 
les ologyps, les arrians et les gypaètes quitter Tinté- 
rieur, et pousser des pointes jusqu'à la Méditerranée. 



VITESSE DE L'OISEAU 



La vitesse de translation de [l'oiseau, étudiée à un 
haut point de vue, surtout chez les voiliers, peut 
être envisagée généralement ainsi : elle se compose 
de la vitesse du vent jointe à celle de l'animal. 

Chez les rameurs le cas est différent, elle se com- 
pose de trois facteurs : la vitesse du vent, la vitesse 
théorique de l'oiseau, vitesse qu*il faut estimer en la 
considérant comme s*il était un voilier, et vitesse 
produite par sa force personnelle. Cette élude, qui est 
actuellement Tobjet d'une foule d'expériences de 
cabinet et de beaucoup de calculs, ne nous intéresse 
nullement, puisque nous étudions le voilier dans toute 
la simplicité de son vol. Nous envisagerons donc 
seulement le planeur dans les enseignements qu'il 
pourra nous donner. 

Pour mesurer la vitesse de translation de l'oiseau, 
il ne faut pas l'étudier dans l'espace, parce qu'on n'a 
point de point de repère auquel on puisse s'attacher : 
c'est sur l'ombre qu'il faut porter son attention. 

Cette ombre est d'une étude facile; elle peut être 
comparée à la vitesse d'un cheval, d'un âne, d'un 
chien, d'une voiture, d'un chemin de fer, on a par 
ce moyen des données sûres, des points de compa- 
raison sérieux, auxquels on peut se fier. 



56 L'EMPIRE DE L*AIR. 

Pour toutes ces observatious il n'y a rien de plus 
instructif que les modèles nombreux. Jugez-en: J'ai, 
dans le moment où je trace ces lignes, deux familles 
de corbeaux familiers qui viennent à quelques mètres 
de moi prendre la nourriture que je leur jette. — Il 
y a sur les mosquées, en face, des milans perchés, 
qui attendent mon arrivée pour plonger vers moi 
au moindre geste que je ferai de jeter un morceau de 
viande. Là il est possible de voir de très près cet 
oiseau lancé à toute vitesse, puisqu'il y en a deux qui 
viennent m'enlever leur pitance dans la main. 

Puis ce sont des batailles sans fin entre corbeaux 
et milans et milans entre eux, et la bataille est tou- 
jours une exhibition de tours de force ; les milans sont 
h chaque instant sur le dos : c'est la position de combat 
dans les airs pour tous les aquilinées. On les voit souvent 
se prendre a^ec les serres, se tenir, et descendre ainsi 
attachés en tournoyant pendant des centaines demètres. 

Par les grands vents cette étude est intéressante 
au possible. 

Essayer d'expliquer ces mouvements par des for- 
mules mathématiques devient une charge. La des- 
cription en est déjà difficile : comment songer à 
fixer dans les rails immuables de l'algèbre des 
évolutions qui varient à chaque coup de vent, à cha- 
que désir? C'est exactement comme vouloir calculer 
la force dépensée par un gymnasîarque dans ses 
exercices, ou la quantité de kilogrammètres ou de 
calories utilisés dans une lutte entre deux athlètes. 

Ce que l'on sait sur la vitesse des oiseaux n'a rien de 
bien précis, car ils ne se prêtent pas aux expériences 
exactes. La rapidité du vol des rameurs est indiquée 
d'une manière assez rigoureuse par les voyages qu'on 



VITESSE DE L'OISEAU. 57 

fait faire aux pigeons par un temps de calme exact. 
Cette \itesse est d'environ 15 à 20 mètres par seconde 
suivant les variétés. 

On sait que la tourterelle vole plus vite que Je 
ramier; cette vitesse est d'environ 80 kilomètres à 
rheure : soit 20 et quelques mètres à la seconde. Les 
canards et les sarcelles ont encore une plus grande 
célérité; mais de combien? il est difficile de le 
préciser. — Puis, ces vitesses effectives, comme che- 
min parcouru, dans la seconde, varient avec la direc- 
tion et la force du vent. 11 est donc impossible de rien 
dire de sérieux sur cette question qui, au reste, ne nous 
intéresse pas d'une manière absolue quant aux rameurs. 

Les voiliers se prêtent quelquefois à l'étude de 1^ 
mesure delà rapidité de leur vol; vitesse qui varie 
naturellement suivant le vent, mais qui indique tou- 
jours un bénéfice à l'avoir des grandes masses. Il y a 
souvent course entre trois oiseaux : le vautour fauve, 
le percnoptère et le milan. 

Près de la porte de TAbbassieh, au Caire, parmi les 
montagnes de poteries, la voirie fait déposer les ani- 
maux morts. On ne les enterre pas, c'est inutile, par- 
ce que entre chiens errants et oiseaux rapaces, ils sont 
mangés en quelques heures. — Sifôt que l'animal 
mort est déposé, sitôt que les écorcheurs ont fini 
leur besogne, les oiseaux carnivores se mettent en 
route; ils passent au zénith de l'observateur, et arri- 
vent à destination, toujours visibles à la lunette. La 
distance est connue, il n'y a qu'à vérifier le temps 
employé à accomplir ce voyage. 

Ce trajet est fait avec la même vitesse par les trois oi- 
seaux; mais la force dépensée est d'autant moindre que 
la masse est plus grande. Quant à la rapidité, elle va- 



58 L EMPIRE DE L AIR. 

rie, naturellement , avec la vitesse et la direction du vent. 

Les oiseaux de forme similaire volent théoriquement 
avec des vitesses proportionnelles à leurs grandeurs : 
ainsi une marouelte et une perdrix, toutes deux 
rameurs à vol semblable, avancent dans l'air avec des 
vitesses en relation avec leurs volumes. Chez les pla- 
neurs reflet produit est le même ; le cercle décrit 
par rhirondelle de rocher a cinq mètres de diamètre, 
celui qui est produit par Farrian en a cent. Cependant, 
pratiquement, sous Faction des accidents et des besoins 
de l'existence, ce n'est pas exactement ce qu'on ob- 
serve : on remarque plutôt que les oiseaux de forme 
comparable, quelque taille qu'ils aient, ont des vitesses 
semblables. Le petit va aussi vite que le grand, et a 
même souvent une tendance à être le plus véloce. 

Cela est dû à l'excès de puissance que possèdent 
les petites espèces : puissance indispensable pour 
leur permettre d'éviter les grosses, parmi lesquelles 
sont les grands carnivores. 

Chez les voiliers, pour tourner les difficultés, les 
oiseaux de peu de volume deviennent rameurs sitôt 
qu'ils ont à agir avec un peu d'énergie. 

Comme, résultats déduits de ces études journa- 
lières, nous pensons approcher de très près la vérité 
en disant que la vitesse moyenne de marche du 
milan qui plane pour étudier le sol est de 5 mètres à 
la seconde, par un venl de 5 mètres à la seconde : 
c'est l'oiseau qui semble se suffire du plus faible courant 
d'air pour obtenir une sustention moyenne. Les grands 
vautours, pour monter avec celte vitesse de venl, sont 
obligés de développer toute leur surface. Il semble 
que, pour eux, la vitesse du vent, pour s'accorder avec 
leurs facultés, devrait aller jusqu'à 7", 50. 



ACTION DE LA VITESSE 



Les théoriciens posent souvent ce problème : 
Quelle est la force dont il faut disposer pour arriver 
à la sustenlion ? 

La force de soulèvement, ascensionnelle si on 
•veut, est si peu de chose dans beaucoup de circons- 
tances, qu'on peut dire qu'elle est négligeable, et 
qu'elle peut se réduire à la force nécessaire pour 
soutenir l'appareil. 

Cette force ascensionnelle n'est indispensable que 
quand le vent est nul. 

Le problème serait mieux posé s'il Tétait ainsi : 
Quelle est la vitesse qu'il faut communiquer à un 
aéroplane, oiseau ou machine, pour qu'il puisse 
se soutenir dans les airs et s'élever? 

Là, comme à toutes les faces de ce problème, il y 
a démonstration dans la nature. 

Les oiseaux qui n'ont pas assez de puissance dans 
les pectoraux pour s'enlever franchement ne sont 
pas rares. — Les voiliers peuvent très peu s'élever, 
surtout les très gros. Un gyps fulvus ne peut 
pas fournir une ascension de 20 mètres par un 
angle de 45 degrés; parla verticale, il n'arrive pas 
à 10. 

Ainsi, voici un des rois des airs qui peut être pri- 



60 L'EMPIRE DE L'AIR. 

sonnier dans une chambre- cage sans plafond, pourvu 
que les murs aient 20 mètres de hauteur et qu'ils ne 
soient éloignés que de 20 mètres. 

Chez les oiseaux à ailes étroites cet effet est encore 
bien plus sensible. 

Le martinet, ce sauvage, ce véloce, ce rustique 
habitant des nues, ne peut s'élever à deux mètres ; 
il est exactement en cage dans une grande caisse 
sans couvercle : et cependant, s'il y a un animal 
doué pour le vol, c'est bien lui. — Les grands oi- 
seaux marins sont dans le même cas. — Une frégate 
est impotente si elle n'a l'espace devant elle : tandis 
que sitôt que ces deux volateurs ont la vitesse ou un 
courant d'air, ce qui revient exactement au même, 
ils redeviennent de suite l'un le martinet et l'autre 
la frégate, ce qui est tout dire. 

Pas de vitesse, pas de vol î 

J'ai eu une fois à résoudre un problème basé sur 
ce principe, qui était assez curieux. 

J'étais en Algérie à cette époque, il y a belles an- 
nées déjà ; c'était, autant que je puisse m'en souvenir, 
en 64, au printemps. A cette époque j'avais déjà la 
solution du problème. Avec un peu d'aide et de 
meilleures circonstances j'aurais pu Texécuter. Le 
désastre de 1870 n'aurait pas eu lieu, la guerre 
russo-turque restait dans les limbes, les peuples 
étaient libres, l'Asie se précipitait peut-être sur l'Eu- 
rope; qui sait?.... enfin, laissons cela. 

Je disais donc qu'un matin à la marine, à Alger, 
étant allé voir, suivant mon habitude, quelle avait été 
la pêche de la nuit; histoire de pousser mes études 
sur la forme des squales, coupe des grands nageurs 
sous-marins, etc., je me trouvai en face d'un mar- 



ACTION DE LA VITESSE. 61 

chand, qui au lieu de poissons vendait des oiseaux 
de mer. Il en avait une cinquantaine. 

Je ne connaissais pas ces animaux; cependant je 
me remis bientôt et décidai que c'était des procella- 
rias, \B,viéié puffinus Kulhiij que j'avaijs déjà aperçus 
au large, mais seulement de très loin. 

Comme ils étaient à des prix modérés, je m'en offris 
quatre, puis je pris le chemin de fer de huit heures, 
et à dix je me trouvais chez moi, en pleine Mitidja. 

Mon but était de les étudier, puis de leur donner la 
clé des champs quand ils m^ennuieraient. 

Je les mis donc sur Teau, dans une petite mare à 
canards, voisine de la ferme. 

Ici je crois utile de donner une description suc- 
cincte de cet oiseau, pour les personnes qui ne le 
connaissent pas, afin de faire saisir toutes mes dé- 
convenues. 

Le procellaria est un oiseau gros comme une pe- 
tite poule. — En regardant au tableau des études, 
type larus^ nous trouvons qu'il pèse 750 grammes, 
que son envergure est de 1",25, la largeur de ses 
ailes de 0", 125. — Il possède donc deux grandes ba- 
guettes qui ne lui permettent de s'envoler que dans 
des conditions spéciales. On s'en formera une idée 
très juste en se figurant une petite poule qui aurait 
pour ailes deux grandes règles à dessin. — Les jambes 
sont longues, minces et faibles, les pieds palmés. — 
Il ne marche presque pas, mais fait huit ou dix pas 
en courant, et se pose tout de suite comme s'il était 
fatigué. 

Mes quatre oiseaux, sur la mare, ne faisaient rien 
d'extraordinaire ; aucun n'avait de velléité de s'envoler. 

J'en pris un, le plus faible, et le jetai en l'air assez 



62 L'ËMPIHE DE L'AIB. 

haut. — 11 prit son vol, piqua une tête contre un 
mur et s'assomma. 

Vexé, j'en pris un second, et le montai au premier 
étage. — Ce second était malade, il se laissa choir 
si stupidement, que je le donnai aux chiens. 

J'en pris un troisième, et je jurai de voir ce jour-^ 
là un procellaria au grand vol. Pour cela faire, je le 
montai au sommet de mon observatoire, qui dépas* 
sait le toit de la maison de plusieurs mètres, — De là 
je le projetai au large. Ce pauvre diable d'oiseau 
n'eut pas plus de chance que les autres : il battit for- 
tement des ailes, s'abaissa, et, au moment où je le 
croyais sérieusement en route, rencontra un poteau 
et se brisa une aile. 

J'avoue que je n'étais pas content de mon emplette, 
et il y avait de quoi. Dépenser de l'argent pour don- 
ner la liberté à des captifs, se creuser la tête, les 
monter au cinquième et ne réussira rien, c'était du 
guignon. 

11 en restait encore un, dernier espoir. Je m'étais 
mis dans la tête de voir cet oiseau en plein vol, et je 
ne voulais pas cette fois manquer mon coup. 

Je réfléchis longtemps; enfin, il me vint une idée : 
voici. 

11 y avait à un kilomètre de la ferme un terrain nu, 
sans herbe ; le sol était plat comme une glace. Je trou- 
vais que ces conditions avaient une certaine similitude 
avec la surface de la mer par un temps calme. 

J'y transportai le n* 4, qui avait l'air rigoureuse- 
ment aussi inepte que ses trois devanciers. — Je le 
déposai sur cette immense aire et m'éloignai. — Il 
ventait frais de l'ouest. Notre animal resta couché 
un bon moment, finit par mettre le bec au vent, 



ACTION DE LA VITESSE. 63 

puis s'étira les ailes. Alors il me montra que j'avais 
sainement réfléchi. 

Prenant sa course en battant des ailes, qui n'é- 
taient pas gênées par les herbes, il parcourut ainsi 
une centaine de mètres, portant de moins en moins 
sur les pieds, puis seulement sur les ailes, mais tou- 
jours rez terre. Enfin, d'un seul bond, en prenant le 
vent, il s'enleva à vingt mètres, revint sur moi, et là 
me dit : Souviens-toi, cher sauveur, que dans la Di- 
rection aérienne^ la question de base est la vitesse. 

C'est certainement ce que j'ai bien compris; et de- 
puis lors je me suis de plus en plus persuadé de la 
justesse de ce principe. 

Vitesse, toujours vitesse, produite par la chute, 
produite par le courant d'air, par le battement si ou 
veut, c'est toujours la puissance qui soutient et hors 
de laquelle l'air ne porte plus. 

C'est cette résistance de lair, cette difficulté qu'il 
éprouve à céder rapidement qui permet au boume- 
rang australien de revenir vers celui qui l'a lancé. 

Le boulet qui, quoique sphérique, ricoche sur Teau 
comme il le ferait sur une plaque de méfal, trouve 
une résistance basée sur le même ordre d'idées. 

En allant plus loin, l'astéroïde qui est déviée de 
sa course et rebondit sur les parties les plus ténues 
de notre atmosphère éprouve une résistance qui pro- 
vient de la même source. Cet air, malgré sa raré- 
faction poussée à la dernière limite, a encore assez 
d'inertie pour supporter le bolide qui a souvent un 
poids énorme. — Tandis que ce même air, au ni- 
veau de la mer, à 0,760 de pression, pesant 1«',03 le 
litre, cède si facilement, si on l'attaque lentement, 
qu'il sera incapable de porter quoi que ce soit. 



VOYAGES DES OISEAUX 



La vif esse avec laquelle les oiseaux se meuvent 
dans Tair varie avec le mode de construction de cha- 
que famille. 

Laissons ceux qui comme les gallinacés n'ont 
d'ailes qiie juste ce qu'il faut pour fuir ou arriver 
à se percher, et remarquons que, malgré cette 
grande inégaUté dans les facultés du vol, ils sont 
presque tous soumis deux fois par an à exécuter 
de grands voyages. Ces pérégrinations sont les mêmes 
pour tous : ce sont au moins 10 degrés de latitude à 
franchir, afin de changer de climat. 

Généralement ce voyage est facile, la terre est 
partout au-dessous d'eux, ils peuvent se reposer 
quand ils sont las. En Amérique, en Asie, aucune 
difficulté ne se présente ; mais pour passer de l'Eu- 
rope à l'Afrique, surtout en face de la France, une 
grande nappe d'eau se présente, qui constitue pour 
les volateurs un danger sérieux. 

C'est bien probablement le point du globe le plus 
funeste à la gent ailée, et c'est certainement à son 
influence qu'on doit attribuer la pénurie de gibier h 
plumes qu'il y a en France. 

Les oiseaux de l'Allemagne et de la Russie ont bien 
plus de probabilités de réussite dans leurs . émigra- 



VOYAGES DES OISEAUX. 65 

lions que ceux de notre pays ; ils ont l'Italie et Malte 
d'un côté, et la Grèce, Candie et la côte de Syrie de 
l'autre, tandis que les nôtres n'ont que les Ba- 
léares : s'ils manquent ces ties, ils sont en danger. 

Gomment ces malheureuses marouettes font-elles 
pour fournir une aussi longue traite?.-. Tous ceux 
qui ont navigué sur la Méditerranée au moment des 
passages ont pu rencontrer ces pauvres passereaux 
exténués, qui viennent demander un quart d'heure 
de repos à l'île mouvante. — Les cailles ont une bra- 
voure qu'on ne leur supposerait pas : on les rencontre 
par petits groupes de cinq ou six individus, rasant 
l'eau, présentant légèrement le ventre à la brise, et 
ramant avec une raideur et un entrain remarquables : 
mais, quand elles arrivent, comme il est temps! et 
quelles courbatures I 

Les hirondelles ne changent pas de manière d'être 
pour se dépayser. Ainsi, le martinet chasse en voya- 
geant tout comme s'il était dans la contrée où est 
son nid, c'est sa vie de tous les jours ; seulement ses 
évolutions ont un sens général. 

Une espèce qui s'embarque sans le moindre souci 
pour celte dangereuse traversée, c'est le canard. 11 
est bien plus à son aise que les chouettes, les fau- 
cons et même les aigles. Nous avons vu cependant 
une paire de ces derniers traverser la mer en face 
du Benghazi avec une fière crânerie. Ils ont gagné 
la hauteur en décrivant des ronds, puis ont piqué 
droit sur la terre d'Afrique sans donner un coup 
d'aile ; mais il faisait si beau ce jour-là qu'ils volaient 
sans aucune crainte; puis, peut-être leur assurance 
venait-elle de la vue de la terre, qui, visible de la 
hauteur où ils étaient, ne l'était pas pour nous. 



66 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Il faut, à ce propos, remarquer que chez beau- 
coup d'oiseaux le sentiment géographique est tout 
simplement donné par la vue. De mille mètres en 
Pair on a un vaste champ d'observation. L'oiseau qui 
est à 500 mètres voit sur mer la côte basse à plus de 
50 kilomètres devant lui; si le temps est clair, une 
grande montagne se distingue du double. 

Ce qu'on a mis sur le compte de la prescience n'est- 
il pas un fait tout simple? On objectera que, dans le 
temps de brouillard, leurs yeux ne peuvent les gui- 
der; c'est exact, mais qui peut affirmer qu'ils arri- 
vent bien tous à destination : la mer est le grand 
piège aux oiseaux : les poissons mangent plus de 
gibier que les chasseurs. — La meilleure preuve que 
ces pauvres voyageurs s'égarent souvent, c'est qu'au 
moment des passages tous les bâtiments sont des re- 
fuges : et ce ne sont pas seulement les petits oiseaux 
qui demandent asile, ce sont de fins volateurs comme 
des pigeons, des faucons, des tourterelles, qui arri- 
vent tellement exténués qu'ils se laissent prendre à 
la main. 

Quelle est la vitesse de l'oiseau en voyage ? 

Là encore point de réponse sûre; cependant, d'a- 
près ce qu'on peut observer, il ne semble pas voler 
plus vite dans cette circonstance que quand il est au- 
dessus de la terre ferme. 

La force et la direction du vent sont des facteurs 
qui font varier la vitesse de translation de l'oiseau 
du simple au décuple. Il est à espérer pour eux qu'ils 
tiennent compte de ces accidents atmosphériques, et 
que quand ils sont surpris par un orage, c'est, que 
par suite de la grande distance parcourue et du 
changement de climat ils n'ont pu le prévoir. En 



VOYAGES DES OISEAUX. 67 

tous cas, une chose dont on peut être sûr qu'ils 
profitent, c'est de la présence de la lune pour les 
éclairer dans les longs voyages de nuit. Ils choisis- 
sent généralement la pleine lune pour accomplir leurs 
migrations. 



EFFETS PRODUITS PAR LA MASSE 



La différence de poids produit chez les oiseaux de 
même forme et de même puissance musculaire des 
effets très variés et réguliers. 

Voyons comment se comportent dans un exercice 
difficile Taigle, le faucon et l'alouette, trois oiseaux 
parfaitement comparables comme allure générale. 

L'aigle reste immobile dans les airs, sans bouger 
les ailes, se servant seulement de sa queue pour 
s'équilibrer : il est aussi fixe dans l'espace que s'il 
était cloué au ciel. — Le faucon aussi reste immobile, 
mais en battant des ailes ; et l'alouette ne peut faire 
cette manœuvre, dans les mêmes circonstances atmo- 
sphériques, sans de grands efforts, encore est-elle 
toujours entraînée. 

Cette loi de la disproportion des aptitudes au vol 
du petit au grand trompe l'œil et toutes les données 
reçues. — Un exemple précis en fera comprendre 
toute l'importance : 

La caille, que tout le monde connaît, est un oiseau 
lourd par excellence, c'est une boule qui a deux 
ailettes qui la soutiennent tout juste. Mise au creuset 
de l'expérience, elle donne les résultats surprenants 
que voici : 
Elle dispose de plus de surface par rapport à son 



EFFETS PRODUITS PAR LA MASSE. 69 

poids : que le flammant dont le décimètre carré porte 
76»', 16 ; cependant on envisage généralement ce grand 
échassier rose comme un tas de plumes ; 

Que le pélican, qui vole très bien, — 66^^,34 ; 

Que le procellaria, qui ne vit que de sa vitesse, 
57^', 14. Enfin, et c'est à n'y pas croire, que le grand 
vautour fauve {gyps fulvus) qui plane des journées 
entières, dont le décimètre carré est chargé de 718^',80. 

Et cependant vole-t-elle mal cette pauvre caille, 
qui fournit ordinairement une traite de deux cents 
mètres, et pas sans souffler. — Je parle de la caille 
moyenne, verte, du poids de 100 grammes : le déci- 
mètre carré n*a à porter chez elle que 44^', 14. 

De la comparaison des rapports qu'il y a entre les 
poids et les surfaces des oiseaux inscrits dans les 
tableaux ci-après, il ressort une vérité qu'on peut 
traduire ainsi : 

La quantité de surface proportionnelle nécessaire à 
un oiseau pour un genre de vol donné diminue avec 
t augmentation du poids de f oiseau^ dans une propor- 
tion qui est à déduire de tableaux plus complets que 
ceux que nous présentons, et d'expériences à faire 
sur la puissance de sustention d'aréoplanes construits 
sur des gabarits pareils, de grandeurs différentes, et 
chargés jusqu'à ce qu'ils produisent des effets de 
sustention pareils entre eux. 

Les bénéfices obtenus par les grandes masses, qui 
sont accusés par les tableaux de cette étude d'une 
manière permanente et régulière, sont assez difficiles 
à expliquer. — Le rapport qu'il y a entre la manière 
de croître des volumes et des surfaces intervient cer- 
tainement; il est un facteur à l'avoir de la masse la 
plus importante par son action sur le traînement 



70 L'EMPIRE DE L'AIR. 

qui diminue : cela est indiscutable. — Les surfaces 
représentent par leur frottement les causes retarda- 
trices, les volumes par leur masse produisent des 
efiTets accélérateurs. Ce bien et ce mal n'augmentent 
pas dans la même proportion. 

La partie de Tanimal où se produit Taugmentation 
de volume est sensiblement le corps : quand le corps 
double de volume, la surface ne grandit pas en pro- 
portion ; là est un grand bénéfice au profit de la 
masse la plus considérable; voilà pour les volumes. 

Quant aux surfaces, c'est bien encore un bénéfice 
qu'il faut constater. Une fois une aile établie, un 
rien la double; et cependant l'envergure ne sera pas 
beaucoup agrandie ; c'est encore vrai, mais tout cela 
est insuffisant pour expliquer les énormes écarts 
que nous rencontrons dans l'examen des tableaux. 
Car il n'en faudra pas moins que, s'il faut une sur- 
face de..., pour supporter un poids de..., si ce poids 
double^ il faut rationnellement à l'aéroplane une 
surface double pour le supporter, moins le bénéfice 
fait sur le frottement, qui est peu important. 

II serait assez naturel de penser que la surface 
nécessaire pour porter le gramme de matière -oiseau 
devrait être presque invariable; l'écart devrait être 
équivalent à l'action nécessitée par le bénéfice ou la 
perte occasionnée par le traînement. 

Et cependant il n'en est rien. Les tableaux nous 
indiquent que les choses se passent différemment; ils 
nous montrent des différences énormes. 

Cette surface de 774 millimètres carrés, nécessaire 
à l'hirondelle grise de rochers pour obtenir la sus- 
tention du gramme de son individu, est représentée 
chez le vautour fauve, qui vole et se soutient au moins 



EFFETS PRODUITS PAR LA MASSE. 71 

aussi bien qu'elle, par 139 millimètres carrés. — 
Différence du simple au quintuple et plus. 

En cherchant une explication à ce phénomène, 
nous voyons intervenir une cause perturbatrice qui 
amène toujours un bénéfice à la plus forte masse : 
c'est la variation de valeur de résistance de tair en 
face de masses différentes. 

11 faut avouer que ce malheureux tube, où Ton fait 
le vide, et où on laisse choir les corps hétérogènes, 
ainsi que la loi qu'il démontre, a bien aidé à fausser 
sur ce point Tentendement humain. — A moins de 
réflexions spéciales sur le cas qui nous occupe, il 
reste dans l'esprit l'affirmation suivante, qui a Tair 
de se poser en axiome : c'est que les corps tombent 
avec la môme vitesse. On oublie toujours d'ajouter : 
dans le vide seulement. 

Au point de vue pratique, les traités de physique 
devraient dire que les corps, sur notre terre, tombent 
avec une rapidité qui est en raison de leurs densités, 
en raison de leurs formes, et surtout en raison de 
leurs masses. 

L'air est un corps tangible, un fluide pondérable, 
mais n'est nullement l'ether immatériel. — Il dé- 
montre sa matérialité, son imperfection de fluidité 
lorsqu'il a à agir sur une masse minime. 

11 est tellement peu mobile que la molécule est 
tenue en suspension dans sa masse. L'attraction n'a 
plus d'action sur elle, et cela malgré la densité la 
plus grande possible. — De petits fragments d'or ou 
de platine restent en suspension dans son sein. 

La masse du poids d'un milligramme ressent déjà 
les effets de l'attraction, mais n'est cependant pas 
encore soumise aux lois de la chute des corps graves; 



72 L'EMPIRE DE L'AIR. 

la matérialité de Tair est encore prépondérante. 

La masse de 1 gramme, densité moyenne de i , est 
sur la limite des corps envisagés par les lois de Fat- 
traction. — Tout le monde a bien remarqué (ju'une 
mouche n'est pas sollicitée par la gravitation comme 
un gros oiseau. On comprend bien d'instinct que 
pour un papillon l'air est plus épais que pour, un 
pigeon. 

L'attraction, et l'inertie par conséquent, n'ont plus 
la même action sur 1 gramme que sur 10. 

Ces effets sont d'une étude peu usuelle, ils sont 
presque inconnus à notre entendement instinctif ; ce- 
pendant ils sont précis et ponctuels : nous les 
verrons, au reste, démontrés d'une manière visible 
dans tous ces tableaux. 

En continuant cette étude des effets de l'impor- 
tance de la masse, nous remarquerons dans celles com- 
prises entre 10 et 100 grammes, se traduire chez les 
oiseaux des propriétés de vol se différenciant franche- 
ment. — De 100 grammes à 300, de 500 à i ,000, de 
2,500 à 5,000, à 7,500, sont autant d'échelons dans 
l'augmentation du pouvoir économique de sustenlion 
et de translation des corps dans l'air, d'après les ren- 
seignements fournis par ceux qui y circulent cons- 
tamment, c'est-à-dire les oiseaux. 

Nous venons donc de voir une douzaine de manières 
d'être de l'attraction et de l'inertie par rapport à la 
masse, depuislemilligramme jusqu'à 7,500 grammes. 
Quels seront les effets de ces deux forces sur des 
masses supérieures ? 

Il est probable que la proportion se continue, et 
qu'arrivée aux poids de 100 kilogrammes elle n'est pas 
dénaturée d'une manière trop sensible ; ou, pour 



EFFETS PRODUITS PAR LA MASSE. 73 

s'exprimer autrement, que les lignes asimptotiques 
qu'on pourrait établir d'après les chiffres contenus 
dans ces tableaux continuent jusqu'à ce poids leur 
marche normale. 

Nous en avons pour indice les grands ptérodactyles : 
celui de 18 pieds de la craie, de M. Rowerbank, et 
celui du Greensand, de 27 pieds d'envergure. — A 
cette époque, Tair était peut-être un peu plus dense 
qu'il n'est aujourd'hui, mais la différence ne peut être 
qu'infime, et tout à fait négligeable. Elle n'était cer- 
tainement pas d'un vingtième en plus; la gravitation 
était la même : toutes les conditions étaient donc 
identiques. 

Voici donc un animal de 9 mètres environ d'enver- 
gure qui se soutenait dans les airs. — Supposons-le 
établi dans la proportion de 5 : 1 , ce qui correspond 
environ à la tournure du pigeon et du corbeau. Nous 
aurons donc pour sa surface 9 X 1 .80 = 16"^, 20. 

Pour une masse pareille prenons pour coefficient 
de charge 10 kilogrammes par mètre carré, nous 
arrivons au poids énorme de 162 kilogrammes. Si 
nous nous contentons de prendre pour coefficient 
7,180 grammes, poids exact supporté par le mètre 
carré du gyps fulvus^ nous avons pour résultat 116 ki- 
logrammes 319 grammes : nous sommes donc pro- 
bablement dans le vrai. 

Maintenant, comment se comportera dans l'air une 
masse pareille ? 

Quand on regarde voler un oricou du poids de 8 à 
10 kilogrammes, une chose qui frappe de suite, qui 
étonne même, c'est la fixité du vol. Une direction 
étant donnée, les accidents de coup de vent sont sans 
effet sur cet oiseau; ils sont enmagasinés dans ce 



74 L'EMPIRE DE L»A1R. 

gros corps, qui semble y être insensible, et qui con- 
tinue majestueusenient à se mouvoir sans montrer 
qu'il en ait ressenti les effets. — L'aéroplane chargé 
de 100 kilogrammes devra donc se mouvoir avec 
encore plus de tenue et de régularité que Toricou. 

Que sera-ce donc quand du poids de 100 kilo- 
grammes on passera à 500 ou à 1 ,000 kilogrammes. On 
peut être assuré que les accidents de vol, à puissance 
de vent égale, diminueront encore bien plus. 

Pour le poids de 100 kilogrammes Tintuilion 
donne une idée saine de cette allure ; on a presque 
des points de repère pour se retrouver; mais arrivé 
au poids de 1,000 kilogrammes on ne sait plus rien, et 
pour 10,000 c'est l'inconnu absolu. 

Cependant, jusqu'à preuve du contraire, il semble 
que les bénéfices continueront à se mettre à Tavoir 
du poids le plus important. 



EFFETS PRODUITS PAR L'AGGLOMERATION 

Il semble résulter de Tobservation que les oiseaux, 
voiliers ou rameurs, ont plus de puissance de péné- 
tration quand ils sont agglomérés que quand ils sont 
isolés. 

Il est assez difficile de s'expliquer ce phénomène 
d'une manière bien satisfaisante, mais il existe cepen- 
dant. 

Il est probable qu'il se développe une action de 
masse, qu'il naît une puissance nouvelle créée par la 
proximité. 

C'est, au reste, un fait bien connu des chasseurs. 
Une charge de plomb, disposée de manière à écarter, 
va moins loin que quand elle est disposée de manière 
à serrer le coup. — Les plombs non tassés, les 
cartouches coupées, grillagées, les plombs collés au 
vernis, sont autant de systèmes tendant à ce but : 
obtenir la plus grande agglomération pour obtenir la 
plus grande portée possible. 

Les oiseaux connaissent cette propriété des corps 
rapprochés, puisqu'ils l'utilisent souvent. — Ainsi, 
les passereaux ne font de longs trajets que groupés 
en masse serrée ; à commencer par le moineau qui a 
un ordre de marche bien fixé, — Les pigeons, les 
canards, les oies, cygnes, grues, etc., ne voyagent 
jamais qu'avec un ordre précis, qui est toujours le 
même pour chaque espèce. 



76 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Il y a chez ces animaux une foule de manières de 
se grouper. Les uns se mettent en masses de formes 
non définies, comme le moineau, Falouette, et la 
plupart des passereaux. D'autres s'en vont tous à la 
suite les uns des autres comme les étourneaux en 
voyage. D'autres encore se disposent en ligne horizon- 
tale, et cheminent ainsi : comme les canards, sar- 
celles, barges, et presque tous les petits échassiers. 
Souvent cette ligne prend la tournure d'un V, comme 
dans les vols d'oies, cigognes, grues, et surtout daus 
ceux de flammants et de pélicans. Enfin, l'ordre le 
plus parfait comme pénétration est celui qui est pris 
par les étourneaux dans un cas, c'est quand ils se 
sont attardés et que la nuit les surprend. Ils se grou- 
pent alors d'une manière excessivement serrée, et 
prennent la forme d'un projectile cylindro-conique, 
ou mieux, précisément la tournure du boulet Piobert. 

Quand l'homme aura plus tard à voyager en grandes 
masses, il étudiera lequel de ces ordres de marche 
lui sera le plus profitable ; quelques expériences 
suffiront pour déterminer l'allure qu'il devra prendre. 

Ces agglomérations d'oiseaux en marche sont sou- 
vent bien remarquables : ainsi, dans nos campagnes, 
en hiver, l'effet produit par les bandes de corbeaux 
traversant le ciel gris attire forcément les regards; 
leurs battements réguliers font que, dans certaines 
positions, le vol disparaît presque complètement ou 
s'enlève vigoureusement en points noirs : la vue est 
forcément attirée par cette variation d'intensité. 

Les vols des grands voiliers voyageurs ont quelque- 
fois une majesté curieuse. — Je me souviendrai toute 
ma vie d'une énorme agglomération de cigognes vue 
à 7 ou 800 mètres en l'air, se détachant sur un de ces 



EFFETS PRODUITS PAR L'AGGLOMÉRATION. 77 

ciels de lorient tout or et azur. On voyait avancer 
lentement cette masse; de temps en temps un batte- 
ment partait du sommet de ce triangle irrégulier et 
se propageait le long de ces immenses lignes. — Ces 
oiseaux avançaient lentement ; la masse se divisa en 
deux parties, qui prirent chacune la disposition an- 
gulaire. 

Ce n'est rien qu'une bande d'oiseaux qui passe, ce- 
pendant cela produit toujours un effet intense, même 
sur les indifférents ; généralement leur apparition vous 
cloue sur place, on s'arrête à les regarder, et on se 
souvient longtemps de ce spectacle. 

Les pélicans en ordre de voyage donnent à leur vol 
la forme d'un coin, ils ont de loin la tournure d'une 
pointe de flèche. Ils se meuvent avec une lenteur 
curieuse et une régularité qui rappelle la marche des 
machines qui rabattent le fer. Ces énormes palmipè- 
des sont aussi quelquefois bien empoignants. Je me 
souviens d'en avoir vu un jour un vol sur le Nil, des- 
cendre de là haut, oîi ils paraissaient gros comme des 
hirondelles, et venir se poser à 200 mètres de ma 
dahabieeh, sur une de ces îles de boue gélatineuse, 
particulières à ce fleuve. Je les suivais à la lunette 
dans toutes leurs évolutions; ce spectacle dura bien 
une demi-heure. Quel étonnant spectacle! Qu'ils 
étaient beaux ces énormes oiseaux dans leurs tour- 
noiements dans les nues ! — A cette distance on en- 
tendait le sifflement de leurs ailes tranchant l'air, 
leurs cris rauques ayant quelque ressemblance au 
braiement de l'âne; et, jusqu'au claquement de leurs 
larges pattes venant frapper cette boue liquide. 

C'est malheureusement un spectacle que, même 
quand on vit sur le Nil, on ne voit que rarement. 



LES TROIS SUPPORTS 



Chaque famille de volateursaau vol un aspect par- 
ticulier qu'il est intéressant d'étudier. 

Il y a des oiseaux qui ont les bras longs, d'autres 
qui les ont courts; les uns ont les rémiges allongées, 
les autres les ont courtes, -7^ Il y en a qui ont les 
ailes longues et minces, d'autres minces et courtes, 
d'autres rondes, d'autres carrées, terminées par cinq 
plumes de même longueur; d'autres pointues, dont 
la troisième plume, la deuxième, ou même la pre- 
mière est la plus longue. 

Chaque forme correspond nettement à une apti- 
tude, est spéciale et parfaite pour un temps donné, 
et se comporte moins bien dans d'autres. En somme, 
tous ces types différents ne peuvent remplir le même 
rôle. 

A quel temps particulier, à quelles aptitudes spé- 
ciales correspondent ces formes? 

Quand la nature a eu à pourvoir un gros oiseau 
(nous n'avons au reste à nous occuper que de ceux-ci) 
d'ailes devant le transporter rapidement, elle les a 
construites petites et étroites, et les a fait mouvoir par 
de puissants pectoraux : — genre canard. 

Quand l'oiseau a eu pour besoin de pouvoir se mou- 
voir avec succès dans les grands courants d'air, comme 



LES TROIS SUPPORTS. 79 

ceux delà mer, elle les a toujours dotés d'ailes étroites 
et longues pour éviter le traînement : goéland, 
mouette, fou, albatros. 

Quand elle a eu besoin, comme pour Faigle, de 
faire un être fort; quand elle a voulu créer un grand 
chasseur, elle lui a donné tout ce qu'elle a, c'est-à- 
dire le pouvoir de planer pour pouvoir étudier le 
sol : — ailes de voilier — auxquelles elle a adjoint 
des moteurs puissants, pour pouvoir le transformer 
au besoin en rameur. 

Quand elle n'a eu à pourvoir l'oiseau que de la fa- 
culté de pouvoir stationner sans fatigue dans l'atmo- 
sphère, elle lui a donné deux choses : une grande 
masse, et une grande surface. 

Quant aux autres, ses déshérités, elle en a fait des 
rameurs ; ce sont ceux qui traînent péniblement leur 
individu au moyen de force peines et fatigues. 

Étudions maintenant quel rapport il y a entre le 
vol d'un oiseau et l'allongement ou le raccourcisse- 
ment du radius et du cubitus par rapport à la main. 

Avant d'aller plus loin, nous devons remarquer 
que l'allongement de Tavant-bras coïncide avec celui 
du bras : il y a relation presque constante entre ces 
deux parties de l'aile, mais divergence ponctuelle 
entre ces deux parties réunies et la main. 

Chaque famille de volateurs a ses proportions ; il y 
a toute une étude très intéressante à faire comme me- 
sures exactes. — En l'absence de ces données préci- 
ses, essayons cependant quelques remarques. 

II est possible de classer tous les genres de pla- 
neurs entre les deux types que nous allons indiquer. 

Parmi les oiseaux qui planent, l'usage usuel de l'an- 
gle aigu, de 100 degrés environ (le sommet de l'an- 



80 L*EMPIRE DE L'AIR. 

gle étant le bec), correspond avec le raccourcissement 
du bras et de l'avant-bras, et l'allongement excessif 
de la main. — Ce sont les planeurs rapides, hiron- 
delle, martinet, et, en moins accentué, milan, nau- 
cler, etc. 

Remarquons en passant que ce genre de vol néces- 
site une queue puissante. 

Dans le type extrême opposé, celui des planeurs 
lents à ailes larges, l'angle affectionné est de 200 de- 
grés, et quelquefois plus, on remarque une diminu- 
tion de longueur de la main et un grand développe- 
ment du bras et de Favant-bras. Le type de ce genre 
est le vautour. 

Queue généralement faible. 

Il y a cependant une famille de voiliers à ailes 
étroites qui possède l'exagération de l'allongement du 
bras; de Tavant-bras, et même ordinairement de la 
main : c'est la famille des pélicanidés, qui comprend 
quatre ou cinq genres qui sont des voiliers excessifs, 
paradoxaux. Les phaétons sont de remarquables pla- 
neurs. Le pélican est un maître charmant qu'on peut 
étudier à son aise, car il est facile de le voir au grand 
vol autour d'une pièce d'eau. Quant à la frégate, c'est 
le nec plus ultra de la création, le chef-d'œuvre delà 
nature en ce genre ; chez elle, l'allongement est gé- 
néral : bras, avant-bras et main, tout est énorme 
comme longueur ; aussi est-elle un planeur lent ou 
rapide suivant le besoin. Ce modèle qui a tout pour 
lui ne peut nous servir : laissons-le, car nous ne pou- 
vons l'imiter. 

Nous arrivons donc à remarquer que les deux types 
extrêmes du vol sont l'un le martinet et l'autre l'oricou. 
— Le premier est l'angle aigu, l'instabilité exacte : 



LES TROIS SUPPORTS. 81 

c'est la i^itesse à outrance ; quelque chose comme le 
vélocipède qui ne peut rester debout qu'étant en mou- 
vement. 

Les vautours, au contraire, ont les ailes ouvertes à 
angle renversé. Les ailes et la queue forment alors 
trois points sur lesquels s'équilibre la station. 

La disposition de ces trois points mobiles produit 
le mouvement ou l'arrêt. 

C'est donc sur les dispositions variables de ces trois 
points qu'est basé le vol des oiseaux équilibristes 
qu'on nomme voiliers. L'angle formé par ces trois 
points comprend tous les types du vol plané et four- 
nit à toutes les manœuvres, depuis la stabilité exacte 
jusqu'à la chute, delà vitesse à Timmobilité, de l'en 
avant au recul; car au point de vue théorique il est 
possible d'envisager le vol en arrière. 



MANŒUVRES DIVERSES 



Écrire sur les manœuvres que font les oiseaux res- 
semble assez au faitderédiger un tableau ou un morceau 
de musique : la meilleure description possible ne vaudra 
jamais la moindre ébauche ou une simple ligne de 
notes. 

Cependant, comme nous ne pouvons nous contenter 
de prêcher Tobservation, nous allons essayer de dire 
quelques mois sur quelques évolutions de la gent ailée ; 
car avant d*oser se livrer à un appareil aussi bien 
fait que possible, il faut au moins savoir théorique- 
ment un peu ce qu'on a à lui faire faire; sans cela on 
serait sûr de ne réussir que dans la descente. 

Le départ chez les oiseaux se fait de plusieurs ma- 
nières. Chez la plupart d'entre eux c'est l'acte le plus 
facile. Ceux qui éprouvent des difficultés sont les gros 
oiseaux d'eau qui sont obligés de courir longtemps en 
s'aidant des pieds et des ailes pour pouvoir acquérir la 
vitesse nécessaire à la sustention. — Les gros oiseaux 
le mer à ailes étroites sont dans ce cas, et en général 
tous les oiseaux d'eau comme les oies, cygnes et péli- 
cans. 

Les rameurs se contentent de faire un saut pour 
s'envoler ; leurs pectoraux ont assez de puissance pour 
les mettre de suite en plein vol. — Au reste, ce saut 



MANOEUVRES DIVERSES. 83 

est déjà un élancement d'une grande action ; on s'en 
aperçoit lorsqu'on regarde sauter un grand passereau 
complètement privé de ses ailes, comme un corbeau 
ou une pie : on voit que ce seul effort les transporte 
à un mètre de hauteur. 

Plus les oiseaux auxquels on s'adresse deviennent 
petits, plus ce saut devient considérable : voyez le 
merle, l'alouette, et en plus petit cette étincelle de 
vie qu'on nomme la mésange bleue. — Chez les oiseaux 
la force des jambes est comme celle des pectoraux, 
elle croît proportionnellement avec la diminution du 
poids. Aussi un rossignol ou une sylvie, dans un buis- 
son, n utilisent-ils la plupart du temps leurs ailes que 
comme appoint d'équilibre et comme direction. 

Les pluviers, certains scolopax, les tringas, etc., se 
mettent au vol en courant. 

La plupart des grands échassîers, les grands vau- 
tours, partent aussi à la course, mais abandonnent dès 
qu'ils le peuvent le pas allongé pour le changer en 
sauts qu'ils continuent tant que les pattes peuvent 
loucher la terre. 

Quant aux oiseaux de proie en général, ils ont deux 
manières de prendre le vol. — Lorsqu'ils partent de 
rez terre, avec ou sans charge, excepté les vautours, 
c'est toujours par un saut d'un mètre environ qu'ils en- 
trent en action. Dans les autres cas, étant toujours per- 
chés très haut, ils n'ont qu'à se laisser tomber et ouvrir 
les ailes pour se trouver en plein mouvement. 

L'arrêt pour lesgros oiseaux est une chose sérieuse, 
qui semble devenir d'autant plus grave qu'ils sont 
plus lourds. — Généralement ils ont toujours soin de 
se retourner le bec au veut; parce moyen ils éteignent 
leur vitesse acquise. — Un pigeon inexpérimenté, 



84 L'EMPIRE DE L'AIR. 

qui se pose la queue au vent, est ordinairement ren- 
versé ; il roule sur lui-même. 

Dans l'état de nature, lorsque le savoir voler est 
exact, jamais un oiseau ne manque son abordage. 

Par les grands vents, les oiseaux lourds et à grande 
surface font des chefs-d'œuvre d'arrêt. Un aigle, dans 
ce cas, se pose avec une douceur incroyable : le choc 
n'est pas supérieur à une chute de 10 centimètres de 
hauteur. 

Quand le vent est nul, les faiseurs de démonstrations 
qui ont peur de se secouer se servent d'un autre 
moyen : ils abordent contre une pente rapide, la plus 
accentuée possible, et par ce moyen éteignent encore 
complètement leur inertie de mouvement, en remon- 
tant autant que leur élancé le demande. 

Dans la direction aérienne cette étude devra être 
poussée à outrance; ou y ajoutera une foule d'embel- 
lissements, tels que : surfaces à ressorts, lits de four- 
rage, immenses cordes tendues, élastiques, avec an- 
neaux auxquels on s'attachera ; abordages sur Teau 
pour les machines disposées pour pouvoir flotter, etc., 
etc. 

L'atterrissement est Teffroi de la gent ailée. Il y a 
surtout toute une classe qui redoute avec juste rai- 
son les chutes même minimes : ce sont les échas- 
siers. Aussijouissent-ilstousd'une surface énorme, qui 
a peut-être pour but unique de leur permettre de se 
reposer sans risquer de briser leurs longues jambes. 

Les pi us heureux sont ceux qui peuvent se reposer sur 
l'eau. Tout le monde a vu l'abordage des cygnes, c'est 
un spectacle qui frappe : ces sillons qu'ils creusent avec 
leurs pattes dans l'élément liquide, ces jets d'eau et 
d'écume qu'ils soulèvent, tout ce tapage les fait forcé- 



MANŒUVRES DIVERSES. 85 

ment remarquer. — C'est le mode d'atterrisseraent 
commode et pratique auquel Thumaiiité devra s'adres- 
ser. 

Les manœuvres du plein vol sont généralement as- 
sez simples : leur description est éparpillée, dans celte 
étude. — Il y aurait bien cependant à parler de la 
chasse et de la lutte, mais comme ces tours de force 
sortent du cadre de l'analyse du vol simple, nous nous 
bornerons à renvoyer le lecteur à l'observation. 



ÉTUDES D'OISEAUX 



Voici une étude sur les oiseaux, qui, malgré son 
exiguïté, a cependant demandé de longues années de 
chasse. J'en possède la fin seulement, les deux tiers 
n'ayant pu résister à mes nombreuses pérégrinations : 
ils ont été perdus, oubliés ou abandonnés. 

Ce n'est pas le tout que de tuer un oiseau, il faut 
encore l'avoir dans des circonstances favorables à 
l'élude, c'est-à-dire avoir deux choses qu'on ne pos- 
sède pas toujours : des balances pour savoir le poids 
de l'animal de suite après sa mort, puis ce qu'il faut 
pour pouvoir mesurer et calculer la surface. 

Les oiseaux qui arrivent sur les marchés des villes 
d'Europe sont généralement impropres à cette étude, 
parce qu'ils sont presque toujours desséchés ou vidés, 
ce qui fait qu'on a toujours un poids problématique. 
— Sur cinquante oiseaux rares qui m'ont été adressés, 
je n'en ai pas reçu trois utilisables; à chacun il man- 
quait quelque chose qui me forçait à le rejeter. Un 
des derniers reçus est bien curieux, il est rapporté du 
Choa par le voyageur Arnous; mais que tirer d'un 
paquet de rémiges et de quelques grandes plumes des 
couvertures? — On peut dire d'après leur examen que 



ÉTUDES D'OISEAUX. 87 

si ce sont des plumes de gypaète, cet oiseau atteint 
une taille extraordinaire dans ce pays : la plus longue 
est au moins aussi grande que celle du condor, elle a 
0°*,74 de longueur. A moins que ce ne soit le grand 
aufouridé de l'Afrique centrale, dont je soupçonne 
l'existence d'après des relations d'Abyssins. Ce serait 
alors, sur l'ancien continent,1e pendant de la harpie 
de l'Amazone. 

J'ai possédé, pendant de nombreuses années, le 
plus bel aigle que j'aie vu ; ni Paris, ni Genève ne pos- 
sèdent, à ma connaissance, rien de pareil comme 
taille et comme beauté : cependant je ne puis donner 
aucune mesure exacte sur les aigles. 

J'en ai tué une forte douzaine et ne puis en pré- 
senter un. 

Enfin, la plus belle fille du monde, comme on dit 
vulgairement, ne peut donner que ce qu'elle a : J'offre 
ce qui me reste. 

Tous ces oiseaux sont pesés frais. Quant à leur sur- 
face, voici comment je m'y prends : Je les étends sur 
le dos sur une feuille de papier ; les ailes sont déve- 
loppées dans l'allure du vol quand il n'y a pas de 
vent : c'est ce qui est coté Vent 0" à la seconde. — 
Quelquefois, lorsque l'aile ne pouvait pas s'étendre, 
l'allure arrivait à ressembler à celle que prend l'oi- 
seau lorsqu'il y a un léger vent : dans ce cas elle est 
marquée Vent 5 à la seconde, soit V5". — Enfin, 
certaines études ont été faites sur des oiseaux dont 
les ailes sont disposées comme quand ils volent con- 
tre un bon vent : dans ce cas ils sont marqués Vent 10", 
Vent 20". 

Une fois sur le dos, bien en position, dans une 
bonne tournure de vol, ils sont immobilisés avec des 



^8 L'EMPIRE DE L'AIR. 

poids : ce soiit des lames de plomb pour aplatir les 
plumes qui se relèvent, et deux ou trois fortes masses 
pour tenir les ailes dans le mouvement et pouvoir 
résister au retrait des muscles: puis, avec un crayon, 
rien n'est plus simple que d'en faire une silhouette pré- 
cise. C'est donc la surface totale de Toiseau qui est 
obtenue, ailes, queue, corps, tète et pattes. — Du 
reste, si on ne s'occupait que de la surface des ailes, 
on ne serait pas dans le vrai, car en marche, tout 
supporte, tout fait aéroplane, plus ou moins bien, 
suivant sa forme. — Assurément, on pourrait négliger 
les pattes aux échassiers; elles ne sont qu'un obstacle 
que l'animal traîne après lui; mais pour le corps, il n'y 
a pas à songera le supprimer, car il porte d'une ma- 
nière sérieuse. 

Donc, on peut dire simplement que c'est la surface 
de l'ombre de l'oiseau. 

Pour le calcul des surfaces il faut de la patience, 
beaucoup de chiffres et beaucoup d'ordre : c'est une 
douzaine de triangles à calculer et quatre ou cinq pa- 
rallélogrammes. C'est un travail très fastidieux à 
cause de sa longueur. On prend alors son courage à 
deux mains, et quand l'opération est finie,on se dit que 
c'est un jalon de plus qui est planté. 

Au poids et à la surface sont joints l'envergure 
et la largeur moyenne de l'aile, qui permettent alors 
d'indiquer les proportions de l'aéroplane de l'oiseau. 
Ces calculs sont marqués dans les tableaux par une 
simple fraction de proportion. : : 5 : 1, par exemple, 
indique que la largeur étant 1, l'envergure est. 5. 

A cela est joint la quantité de surface nécessaire 
pour porter 1 gramme; le poids dont est chargé 
le mètre carré, et enfin quelle serait la surface qui 



ÉTUDES D'OISEAUX. ^^ 

serait en proportion d'un poids de 80 kilogrammes. 

Ce poids de 80 kilog. correspond au poids approxi- 
matif d'un homme muni d'un aéroplane léger : c'est 
donc la surface qu'il faudrait à l'aéroplane pour tel 
type. 

Pour ne pas présenter au hasard de la lettre alpha- 
bétique ces divers oiseaux, ils sont réunis en famille 
de vol. Là on trouvera des groupements bizarres : 
toutes les règles ornithologiques sont hardiment vio- 
lées : les charadrius sont accouplés sans hésitation avec 
les vanellus; voire même les accipitres avec les pas- 
sereaux, ce qui est infiniment plus grave, etc., etc . — 
Il sera visible que la similitude seule de vol a été re- 
cherchée. 



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L'EMPIRE DE L'AIR. 



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TYPE RALLUS 



Sous cette rubrique, sont compris tous les oiseaux 
qui, en volant, donnent à leur corps une inclinaison 
d'environ 45% au lieu de s'étendre horizontalement ; 
position qui est tenue très rigoureusement par les 
autres oiseaux. 

Les marouettes, les râles divers, les poules d'eau et 
les poules domestiques composent cette branche de 
volateurs. Les dindes, pintades, canepetières et paons 
n'en font pas partie, parce qu'ils s'étendent très bien 
au grand vol. 

Ces oiseaux, quoique volant rarement, sont cepen- 
dant obligés de faire de réels voyages; ils choisissent 
probablement les grands vents qui portent beaucoup. 
— Ces grands courants d'air ont, au reste, une puis- 
sance dont on ne se rend pas compte par l'instinct. 

Par un fort siroco d'au moins vingt mètres à la 
seconde j'ai forcé des poules kabyles, qui volent un 
peu mieux, il est vrai, que les poules d'Europe, à faire 
de grands trajets, pendant une partie desquels elles ont 
plané d'une manière surprenante. Les pintades par ce 
vent violent se soutenaient en l'air avec une aisance 
qu'on n'aurait jamais supposée à un gallinacé. 

On voit d'ici poindre une observation de ména- 
gère : 



92 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Elles œufs, ce jour-là, ont-ils été nombreux? 

J'avoue ne pas m'en être inquiété ; j'aurais sacrifié 
toute la basse-cour à une belle démonstration. Au 
reste, quand on veut arriver à savoir, il faut faire ce 
qu'il faut pour cela, et même saccager le.s poules au 
besoin. 

Ce sont mes pauvres pigeons qui en ont vu de terri- 
bles ; ils ont été mis à toutes les sauces : ailes courtes, 
longues, demi-longues, étroites et longues, étroites et 
courtes; ailes agrandies avec des rémiges d'oiseau de 
proie, soudées d'une manière très solide à l'étau et à 
la colle-forte. 

Voici ce qui arrive lorsqu'on change la forme de la 
surface active d'un oiseau. Comme il a la prescience 
de son vol particulier, il vole à sa manière habituelle ; 
mais ses organes ne. sont plus disposés pour produire 
ces effets coutumiers, ils sont taillés de manière à en 
produire d'autres. L'oiseau se trouve donc, par ses 
habitudes et son instinct, avoir un vol, et par sa dis- 
position nouvelle en avoir un autre. Cette dernière 
le rappelle à chaque instant à la nécessité du mo- 
ment; le besoin l'amène, bon gré mal gré, à voler 
comme vole le type qu'on lui a donné. 

Ainsi, un faucon crécerelle qui avait son nid près 
de mon observatoire eut les rémiges coupées de moi- 
tié juste : c'était le transformer forcément en rameur. 
Je lui rendis la liberté, et comme il resta sur son ter- 
ritoire de chasse, j'eus toutes les occasions possibles 
de l'étudier. — Quoique bien gêné il n'était cepen- 
dant pas trop malheureux; ses proies lui échappaient 
bien quelquefois, mais il remplaçait les moyens qui 
lui manquaient par une activité qui suppléait à ses 
nouveaux défauts. — Il était facile à remarquer, car 



TYPE RALLUS. 93 

celte mutilation lui donnait une tournure insolite : 
cette longue queue, qui paraissait encore plus lon- 
gue maintenant qu'elle n'était plus accompagnée par 
deux longues ailes, attirait de loin le regard. 

Il ramait donc constamment; seulement, h chaque 
instant il se laissait glisser suivant sa vieille coutume ; 
mais comme il se sentait choir outre mesure, le sen- 
timent de la sustention le forçait à recourir de suite 
aux battements. 

J'ai transformé des milans en procellarias en leur 
rognant les ailes de la moitié sur toute la longueur et 
en leur supprimant la queue- L'effet produit a été de 
les forcer, malgré leurs habitudes de planeurs par 
les vents faibles, à rechercher les grands vents qui 
seuls les soutenaient sans fatigue. 

Il faut, comme on le voit, pour pouvoir se livrer à 
ces études, disposer complètement de Toiseau, l'avoir 
parfaitement sous la main. 

L'augmentation de surface a moins bien réussi ; je 
Tai essayée sur des pigeons et sur deux milans mes 
voisins; je n'étais parvenu qu'à en faire des oiseaux 
excessivement embarrassés dans leurs mouvements. 
— Il aurait fallu s'adresser à un autour; mais com- 
ment pouvoir étudier un oiseau aussi fugitif, tandis 
que les milans ont un habitat fixe, qui fait que, s'il 
manque une plume importante à celui de votre quar- 
tier, vous pouvez le reconnaître, le préciser, et par 
conséquent Tétudier. 



94 



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TYPE GALLINACÉ 



Le type gallinacé est peu intéressant au point de 
vue de celte étude : ce n'est certainement pas là que 
nous devons chercher des modèles. 

Ils sont tous des rameurs excessifs. 

La loi de disproportion des surfaces comparée aux 
poids suit la même progression que dans les autres 
tableaux. Plus le poids de l'animal augmente, plus 
sa surface proportionnelle diminue. 



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TYPE PASSEREAU 



Type qui, malgré ses qualités exceptionnelles, est 
peu intéressant pour la recherche qui nous occupe. 

Il est inimitable à cause de la grande puissance 
dont il dispose; puis, les grands modèles font défaut, 
la nature ne dépasse pas Toiseau moyen, le kilo- 
gramme est la limite extrême qu'elle s'est permise. 



ÉTOURNEAU [Stumus vulgaris) 



Cet oiseau est un bon rameur, peu intéressant 
cependant comme individu : le lecteur le connaît; il 
niche dans le nord, traverse la France en octobre 
par petites troupes de quinze à vingt individus, se 
rend en Afrique où il passe l'hiver. 

Jusqu'ici il ne présente rien de particulier à nos 
yeux; sa manière d'être est la même que celle des 
merles, des grives et autres oiseaux de cet acabit; 
mais, arrivé en Algérie, la scène change, l'individu 
disparaît pour faire place à la collection. C'est sous cet 
aspect que nous allons Tétudier. 

Je vais raconter ce que j'ai vu bien souvent : 

A trois kilomètres de ma ferme se trouvait la forêt 
de Baba-Ali, oîi se réunissaient le soir ces bandes 
d'oiseaux. C'était à cette époque une immense brous- 
saille de deux ou trois mille hectares. — Des saules 
noirs émergent d'un buisson de ronces, grand comme 
une contrée : voilà le tableau. 

On ne pénètre que sur les bords de cette mer 
d'épines, et encore pas bien profondément : les san- 
gliers seuls peuvent s'y mouvoir au moyen de leurs 
percées boueuses, et cheminent ainsi sous bois dans 
tous les sens. 

Dès que l'aurore pointe, ces oiseaux s'éveillent et se 



ÉTOURNEAU. 99 

mettent à gazouiller. Le chant de l'étourneau est 
excessivenaent fin, c'est tout ce qu'il y a de plus déli- 
cat ; il semble chanter pour lui ; malgré cela, on 
les entend très bien de quatre kilomètres. Les Arabes 
nomment ce chant matinal, qui emplit la contrée, la 
prière des zour-zour (étourneaux). 

Peu d'instants avant le lever du soleil, cette musi- 
que cesse subitement; alors se produit un effet d'opti- 
que curieux : la forêt semble s'élever; ce sont les 
étourneaux qui s'envolent. — Un autre bruit se per- 
çoit ensuite, bruit qui va en augmentant, et finit par 
devenir inquiétant, formidable. Il est produit par ces 
milliards d'ailes qui battent ensemble et font cette 
harmonie étrange. 

Ces vols, alors, produisent de vrais phénomènes 
météorologiques. Ils font des éclipses totales, avec 
celle lumière tremblante, gris d'acier, qui est particu- 
lière à ce phénomène. — Le crépitement des ailes 
imite la grêle, la nuit est venue, les ténèbres ont 
succédé à la lumière. 

On les regarde passer avec stupéfaction ! 11 en passe 
pendant des quarts d'heure entiers, sur cinq ou 
six cents mètres d'épaisseur. 

La fin de ce vol monstrueux va en diminuant d'o- 
pacité, elle s'égrène légèrement; la prairie alors en 
est couverte : non seulement tout touchant, mais sur 
un pied d'épaisseur. — Ils sont là, tous, voletant, 
cherchant une petite place pour pouvoir boire l'eau 
du marais. 

La masse cependant a fini par passer, le ciel s'esl 
éclairci, les retardataires se jettent dans les trou- 
peaux, vont, viennent, sautillent, gazouillent, font bon 
ménage avec les bêtes, leur montent hardiment sur 



«» LEMPiB£ DE LAÎB- 

le dos, prqaent les tiques, et n^ont aocime peor des 
ï^rgers. 

A neuf heures, ils se dirigent par petites familles 
Ters FAtlas, où ils passent la journée à manger des 
olif e$ sauTages. — On ne les revoit plus aTant le soir, 
on, quelques instants aranl le coucher du solei!, appa* 
raii^sent an loin dans les airs dlmmenses serpents, 
qni cheminent lentement yers la forêt, en se tordant 
dans Ions les sens. — D'antres fois, ce sont d'énor- 
mes sphères à mouvements rapides et à cop tours 
changeants : cette manière de se grouper est leur 
ordre de bataille pour résister à Tattaque du faucon. 
Leur ennemi plonge et replonge dans cette boule, 
mais la légion s*écarte, le laisse passer, se referme, 
et ce n'est que rarement que le vorace réussit dans 
son attaque. 

Plus tard, quand la nuit approche, de petits vols de 
retardataires, composés d'une centaine d'individus, 
passent agglomérés en boule. Ces petits groupes se 
meuvent à un mètre du sol avec une vélocité surpre- 
nante* 

L'éloumeau isolé ne présente jamais cette vitesse : 
il y a là un effet d'excitation, et peut-être une action 
de masse. — Le fait est que, serrés comme ils le 
sont, le cent tient dans l'espace de deux mètres cubes ; 
la nuit aidant, — qui ne permet pas de les voir venir, 
— ils causent une surprise, qui rappelle très bien 
l'effet désagréable produit par les projectiles qui pas- 
sent trop près. En cinq minutes ils sont à la forêt : sui- 
vons-les au perchoir, là nous attend un spectacle inté- 
ressant. 

Nous approchons, la forêt est en face, il n'y a que 
l'Arrach à traverser. — La nuit est noire, mais comme 



ÉTOURNEAU. 101 

la rivière n'est pas forte, le gué est vile trouvé. — 
Enfin nous y voilà! 

C'est là qu'il faut des bottes, le sol est un marais 
détrempé; il faut absolument suivre le sentier des 
bestiaux, et il y a de la boue jusqu'aux genoux. — 
Quoique nous ne soyons que sur la lisière du bois, 
nous avons parfaitement conscience de la proximité 
de ce milliard d'êtres. 

Avançons. 

Quel curieux feuillage ont les saules de Baba- Ali! 
et ces branches ! JWais au fait tout cela ce sont des oi- 
seaux; quelle immensité vivante! quelle myriade d'ê- 
tres ailés! 

« Ne risquons-nous rien?... » 

«Gare!.... un arbre vient de casser?.... » Quel 
épouvantable vacarme! nous sommes littéralement 
dans les étourneaux et tout couverts de fiente. Toutes 
ces pauvres bêtes déplacées subitement cherchent 
dans la nuit une nouvelle place : c'est un bourdon- 
nement indescriptible. — Cependant, lentement, petit 
à petit, tout ce monde de volatiles finit par se caser, 
après nombre de coups de bec et force criailleries. 

Mais — silence ! — Qui vient là? — Ne bougeons 
pas, car il y a des panthères et des maraudeurs dans 
la forêt. 

Ce n'est heureusement rien de dangereux. Ce sont 
des Arabes chasseurs ; nous allons les voir à l'œuvre. 

Leurs armes sont de grandes branches enduites de 
glu, qu'ils promènent sur ces masses noires, sur ces 
grappes d'oiseaux. 

C'est un chaos horrible; toutes ces malheureuses 
bestioles, les ailes collées, tombent à terre en criant, 
essayent de remonter dans les arbres, ne peuvent y 



102 L'EMPIRE DE L'AIR. 

parvenir; le tumulte est si grand que c'est à se bou- 
cher les oreilles, quand enfin, complètement affolés, 
les oiseaux de tout ce canton partent en masse avec 
un bruit de tonnerre, disparaissent subitement dans la 
nuit, et vont chercher pour dormir d*autres parages 
plus hospitaliers. 

Nous pouvons partir, la chasse est finie : demain 
matin les Arabes viendront les ramasser. — Tous les 
chacals seront repus, les sangliers auront, la nuit en- 
tière, fait craquer sous leurs terribles mâchoires ces 
pauvres petits corps ; mais il en restera bien encore 
quelques mille pour alimenter le marché d'Alger. 



CORNEILLE 



Cet oiseau est le pendant du renard pour la finesse, 
peut-être même son supérieur comme intelligence. 

Rien de fin, de délié comme ce spirituel animal. 
11 a la malice de la pie, mais moins bruyante, plus 
sérieuse; ses actes sont raisonnes. 

Ce Carnivore est le plus grand chercheur qu'on 
puisse rencontrer. La nature pour lui permettre de 
remplir cette mission lui a donné un jugement, un 
entendement incroyable ; sa petite cervelle raisonne 
avec une justesse parfaite. 

Ce qui lui permet de vivre, ce n'est ni son vol per- 
fectionné, ni ses pattes élastiques et puissantes comme 
des ressorts, ni son bec vigoureux : c'est la pensée qui 
est sa force dans la lutte pour Fexistence. 

Ce qui se passe dans cette petite tête est prodi- 
gieux; il faut étudier la corneille en liberté pour s'en 
faire une idée. Ces animaux, en cage ou en demi-li- 
berté dans une habitation, ne montrent qu'une faible 
portion de leurs dons. — Dans l'Est, dans la Russie, 
la Turquie d'Asie, la Perse, l'Egypte, l'Inde, ils vivent 
aux dépens de la société ; ils sont voleurs, bruyants, 
ennuyeux, par conséquent souvent en butte à des ré- 
pressions; mais, soit paresse de l'homme, soit adresse 
de la bête, ils restent toujours et quand même le 
commensal de la société. 



104 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Us sont ci, là, sur Tarbre de la cour, dans le jardin, 
surveillant de leurs yeux noirs si l'occasion de com- 
mettre un larcin ne se présente pas. Qu'un pigeon 
sorte trop tôt de son pigeonnier, qu'un jeune chat se 
hasarde trop loin de Thabitation, il est aussitôt mis à 
mort à grands coups de bec. Qu'une ménagère oublie 
quoi que ce soit dehors, ce quoi que ce soit disparaît 
s'il brille ou s'il est aliment. — Quant aux poules, 
leurs œufs jouent positivement de malheur, la cor- 
neille va les voler jusque dans le poulailler. 

Voulant voir de près comment ils s'y prennent pour 
s'emparer d'un œuf, j'en pris un jour un et le mis. 
sur une terrasse, à la portée de mes voisins qui étaient 
très familiers. — Ils ne se firent pas prier. — Rien 
n'est plus facile pour eux, leur bec s'ouvre large- 
ment, et l'œuf y tient très bien. 

Vexé de voir avec quelle facilité ils exécutaient ce 
que je croyais être pour eux une difficulté, il me vint 
une idée : 

Ils prennent facilement un petit œuf de poule, me 
dis-je, mais je vais leur en présenter un qui deman- 
dera une autre ouverture de compas pour être en- 
levé. 

Je pris un gros œuf de dinde, et le leur donnai. 

Le mâle, plus hardi que la femelle, vint, regarda 
ce nàonstre avec inquiétude, il n'en avait probable- 
ment pas encore vu de pareil, tourna autour, flairant 
un piège, finit par se rassurer, et chercha une com- 
binaison. Ce travail de la pensée dura bien une 
minute. Enfin, poussant un croo qui devait être 
sûrement un eurêka^ il se précipita sur Tœuf, le 
perfora d'un coup de bec, passa par ce trou sa 
mandibule inférieure, avec la supérieure fit près- 



CORNEILLE. lOo 

sion contre la coquille, et s'enfuit avec son butin. 

Voilà la'pensée dans toute son acception; c'est la 
combinaison pure et simple, la difficulté tournée et 
vaincue. Ceux qui nient la pensée chez les animaux 
auraient-ils fait mieux ? Au reste, à celte catégorie 
de gens qui n'observent pas, qui ne reconnaissent à 
l'animal que Finstinct et nient chez lui la pensée, je 
vais leur proposer un problème à résoudre avec leur 
encéphale perfectionné, apte à trancher ces difficul- 
tés de combinaison. 

Quittons le monde des volateurs, et jetons un 
instant les yeux sur cette créature que Dieu donna 
à l'homme en le voyant si faible, d'après la char- 
mante genèse de Toussenel : 

J'avais en Algérie une petite ferme oti j'élevais 
seulement des bestiaux sous la garde de bergers 
kabyles. — De temps en temps j'y allais coucher 
pour tenir mes hommes en haleine et pour dérouter 
les maraudeurs. 

Un matin donc, que j*y avais passé la nuit, je fus 
réveillé par des cris qui me firent rondement sauter 
à bas de mon lit et me mettre à la fenêtre. 

Voici ce qui causait ce remue-ménage : un veau 
de lait s'était échappé de son box, le troupeau était 
déjà au loin, et la bête folâtre, heureuse d'être en 
liberté, gambadait dans la prairie et s'en donnait 
à cœur joie. 

Je descendis pour donner un coup de main aux 
Kabyles, parce que un veau qui fait de la voltige 
n'engraisse pas ; mais ce n'était pas chose facile de 
l'attraper, nous n'étions que quatre, et il nous 
échappait constamment. 

Parmi la smala de chiens qui me suivait toujours, 



f06 L'EMPIUE DE L'AIR. 

j*en avais un énorme, magnifique dogue de combat, 
gros comme le veau que nous poursuivions. 

Je le sifflai pour avoir du renfort. 

Bobo, c'était le nom de ce vieil ami, en trois 
bonds fut vers nous ; et là me demanda, avec ses 
grands yeux de phoque, ce qu'il fallait faire. 

— Attrape ! lui dis-je. 

— Facile, me fut- il répondu. 

C'était vrai, un taureau de cinq cents n'allait pas 
loin avec lui. 

— Doucement ! dis-je, voyant qu'il allait le prendre 
par le cou ou par l'oreille. 

Bobo, docile comme une machine, fut à l'instant 
sur son derrière. 

— Attrape ! redis-je ; doucement I doucement, ne 
lui fais pas de mal. 

Le chien me regarda bien en face ; ses yeux 
disaient : Tu me dis de prendre et de ne pas prendre, 
que veut dire cela ? Il était complètement dérouté, et 
franchement il y avait de quoi l'être... — Enfin, 
une idée lui vint, il courut après le veau, au petit 
trot, sans l'effrayer, et 

Au fait, que ceux qui nient le raisonnement chez 
les animaux veuillent bien pour un instant se figurer 
qu'ils sont chien de prise, c'est-à-dire qu'ils ont 
quatre pattes, qu'ils sont très forts et ont une mâ- 
choire terrible ; qu'il s'agit d'arrêter un veau gras, dé- 
licat, qu'il ne faut pas blesser. — Raisonnez, cherchez, 
j'attends la réponse; Bobo , lui, a trouvé (1). 

Mais revenons à nos moutons, c'est-à-dire à nos 
corbeaux. 

(1) Dans la seconde édition de cet ouvrage, nous donnerons les 
Boms des personnes qui auront trouvé la solution de ce problème. 



CORNEILLE. 107 

Les faits que je viens de citer sur la corneille 
mantelée semblent étrangers à l'étude qui nous oc- 
cupe; cependant ils s'y rattachent exactement par 
un point, c'est par la démonstration de la variété 
de mouvements que doit permettre le vol à ces oi- 
seaux pour pouvoir mener une pareille existence. 

On pourrait dire d'eux qu'ils sont le type du vol 
sociologique. 

Les grands corbeaux, le corvus corax d'Europe, 
les corvultur oX picathartes de l'Afrique centrale, sont 
souvent de bons voiliers ; ils sont moins actifs que 
les petites espèces ; se servent d'elles en suivant 
leurs indications, et servent eux-mêmes d'intermé- 
diaires aux percnoptères, dans celte grande échelle 
d'êtres ailés qui est chargée de la voirie terrestre. 



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L^EMPIRE DE L'AiR. 



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L'EMPIRE DE L'AIU. 





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15,20 
18,16 
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0,070348 

0,086808 
0,087390 
0,118086 
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Scolopax ruslicola. 
Recurvirostr. avoc. 
Limos. aegocephala 
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Numneius arquata. 

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Bécassine muette 

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— argus. . 
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53 



SCOLOPAX 



Cette branche renferme des oiseaux qui possèdent 
un Yol très rapide. Us en ont besoin pour échapper 
aux oiseaux de proie. 

Gomme ils sont obhgés de Yivre dans des endroits 
complètement découverts ; que nul abri n'est à leur 
disposition, il leur faut une grande vélocité, et sur- 
tout la plus grande puissance de départ possible. 

La bécassine qui s'enlève semble être lancée par 
un ressort. Cette ascension rapide doit dérouter 
les rapaces; au reste, ne s'adressent-ils jamais à elle. 

Ces oiseaux ont ensuite besoin de cette grande 
vitesse de translation pour pouvoir se transporter ai- 
sément d'un étang ou d'un marais à un autre ; et 
la distance qui sépare ces nappes d'eau est ordi- 
nairement très considérable. Pendant ce trajet leur 
célérité les protège efficacement contre toute atta- 
que. 

OUTARDE HOUBARA 

Cet oiseau est le lien qui unit les charadrius aux 
gallinacés. Au point de vue de la conformation exté- 
rieure, c'est un pluvier plutôt qu'une poule : Tab- 

8 



114 L'EMPIRE DE L*A1R. 

seDce de pouce, cette tète de serpent, ces ailes 
aiguës, minces et longues, ne laissent aucun doute 
sur la parenté. — Celte tranche hybride commence 
par 1 œdicnème et devait finir, par l'absurde, au 
dronte, en passant par Tautruche, le dîornis, Tepîor- 
nis, etc. 

Cet oiseau s'envole par un saut en Pair comme 
la canepetière. Son vol, vu son poids et la confor- 
mation de ses ailes, est singulièrement rapide et 
rectiligne. — Il fait par moments, lorsqu'il cherche 
à se reposer, des temps de planement à la façon des 
pluviers qui abordent une terre labourée. 

C'est un oiseau excessivement rare et sauvage, 
qu'on aperçoit quelquefois au loin dans les roches 
du désert; et qui, pour s'éloigner du chasseur, n'a 
pas besoin de lui offrir le spectacle de son vol : la 
vitesse de sa course suffit amplement à le mettre en 
quelques instants hors de portée. 



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Ces oiseaux sont séparés de la grande famille des 
oiseaux de proie, parce que, quoique étant des rapa- 
ces, il y a entre ces deux divisions des différences 
profondes : Tune possède ce qu'on pourrait appeler 
le grand irol, et l'autre le yoI court. 

Chez les aigles, les faucons, les milans et les bu- 
sards, les rémiges sont longues, la deuxième et la 
troisième sont les plus allongées; ce qui leur donne 
des ailes aiguës. Chez les autouridés, c'est la cin- 
quième rémige qui est la plus longue; puis l'en- 
semble des rémiges est remarquable par sa brièveté. 

Ce ne sont plus des oiseaux de haut vol, comme 
hauteur et comme durée ; ils sont fréquemment posés. 

Ils comprennent trois espèces : les éperviers, les 
autours et la harpie qui a la même conformation, et 
est forcée d'avoir le même vol. — Je ne connais pas 
la manière de se mouvoir de cet animal, ne l'ayant 
jamais vu, mais je suis sûr d'être dans le vrai en disant 
qu'il a en grand les mêmes allures que l'autour. 

La nature nous présente en cet oiseau le chasseur 
de la forêt. Sa vie se passe dans les arbres. Son fort 
à lui n'est pas d'attaquer en rase campagne un lièvre 
ou un canard : il n'y réussirait pas; c'est de poursuivre 
sous bois les oiseaux ou les mammifères. La puissante 
queue des oiseaux de cette famille leur a été donnée 




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AUTOURIDÉS. H9 

pour pouvoir produire subitement des angles très 
prononcés : il leur faut pouvoir attraper sous bois un 
pigeon ou une tourterelle, et c'est ce vigoureux gou- 
vernail qui leur permet de se faufiler à toute vitesse 
entre les branches innombrables et les troncs d'arbres. 

Il y a un autre oiseau qui arrive au même résultat 
par un autre moyen, c'est le grand-duc. 

Ses besoins sont les mêmes ; c'est aussi sur la lisière 
des bois et dans les arbres que se passent ses exploits 
cynégétiques. Sa queue est nulle : impossible de s'en 
permettre une dans les trous oîi il a l'habitude de se 
blottir; elle serait trop gênante. 

Comment faire? 

Il s'en sort par une aptitude toute particulière que 
la nécessité lui a fait acquérir : c'est une mobilité et 
une puissance extraordinaires dans la manière de 
présenter les plans de ses ailes. — Dispositions qui 
changent sa direction avec une incroyable célérité. 
Nul autre volateur n'a ce don aussi développé. 

Aussi avec quel étonnement regarde-t-on un de ces 
énormes oiseaux voler sous bois; on ne revient pas 
de cette adresse; l'habitude qu'on a de voir se mou- 
voir d'une manière très rectiligne les oiseaux qu'on 
voit ordinairement, fait que le vol du grand-duc stu- 
péfie; c'est à croire qu'à chaque instant il va se 
heurter contre quelque arbre, et cependant tout est 
évité. 11 passe silencieusement, horizontalement ou 
même verticalement, dans des espaces oti à première 
vue il n'y a pas passage, et cela toujours avec une pré- 
cision mécanique, sans hésitation ni arrêt de vitesse. 

C'est bien le vol le plus extraordinaire qu'il soit 
possible de voir; seulement, c'est un spectacle rare, 
même pour les habitants de la campagne. 



120 



L'EMPIRE DE L'AIR. 



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TYPE LARUS 



Ce genre nous enseigne une chose, c'est que, pour 
pouvoir stationner et se mouvoir dans les grands 
courants d'air rapides, il faut éviter le trainement. 
La grandeur de l'envergure a moins d'action que la 
largeur de l'aile. — C'est rationnel ; mais il faut 
avouer que la nature a bien fait de l'enseigner, car 
c'était une déduction difficile à trouver. 

Nous remarquons que les proportions sont de 6 
à 10: 1. 

L'albatros , qui n'est pas sur ce tableau , doit 
dépasser de beaucoup ce rapport, car on parle de 
5 mètres d'envergure, et cet oiseau a au plus 25 cen- 
timètres de largeur d'aile. Ce serait donc environ 
comme 20 : 1. 

Cet enseignement est excessivement important, il 
aura son emploi dans la construction des aéroplanes 
à forme variable. 



OISEAU-MOUCHE 



Un bijou splendide, mais qui nous est complète- 
ment inutile. 



in L'EMPIRE DE L'AIH. 



HIRONDELLE 



Charmants oiseaux dont le vol esl tellement remar- 
quable qu'il n'est bon qu'à réjouir nos yeux. 



MARTINET 

Oiseau paradoxal, qui vole bien et vole mal ; reste 
cependant en l'air en permanence. Il est tout plumes 
et pectoraux, le reste est nul. Ses défauts sont énor- 
mes ; il ne plane pas du tout, du moins à la manière 
ordinaire; ne rame pas mieux, surtout quand il n'a 
pas de vitesse; va vite, mais pas comme une sarcelle, 
et est cependant étourdissant : c'est le rustique bar- 
bare des airs. 



GUEPIER {Me7^ops apiaster) 



Ce joli oiseau a le vol de rhirondelle. Il est comme 
elle un insectivore. Il se nourrit spécialement de 
guêpes carnivores et d'abeilles maçonnes, qui sont 
très communes dans les pays qu'il fréquente. 

Vapiaster a pour habitat le nord de l'Afrique, la 
Syrie, la Sicile et généralement tout le littord de la 
Méditerranée. Le thebdica se rencontre sur le Nil, à 
la hauteur du tropique. La région des grands lacs 
possède de nombreuses variétés de cet oiseau, qui 
pour la plupart ne sont pas décrites. 

Les guêpiers passent leur vie presque complètement 
en l'air ; ils se tiennent souvent réunis en vols nom- 
breux, sans ordre, poussant continueUement leur cri, 
qui s'entend malgré qu'ils soient trop haut pour que 
l'œil puisse les discerner. 

Le vol de cet oiseau se compose d'une série de 
battements précipités, suivis d'une longue glissade 
très élégante, et souvent d'une simple poussée pro- 
duite par la fermeture complète des ailes qui lui pro- 
cure une chute d'un mètre : chute suffisante pour lui 
permettre de planer une demi-minute. — Par instants 
il est complètement voilier, mais ordinairement il 
pénètre le courant d'air à la manière des hirondelles 
et des martinets, et le fait aussi bien qu'eux. Cepen- 



124 L'EMPIRE DE L'AIR. 

dant son vol est plus lent, plus rectiligne que celui 
de ces deux mangeurs de mouches. Â cause des 
deux longs brins qui ornent sa queue il fait peu de 
crochets ; il cueille l'insecte à toute vitesse sans jamais 
se retourner. 

Ces oiseaux se posent cependant quelquefois: 
quand ils sont près de leurs nids, c'est sur les grandes 
herbes quMIs aiment à se percher; quand ils sont en 
voyage, ils choisissent certains arbres sur lesquels 
ils se groupent en quantité assez considérable pour 
transformer, comme aspect, un arbre mort en un 
arbre très feuille : chaque individu simulant alors, 
à s'y méprendre, une feuille, dont il a la couleur. — 
C'est sur ces agglomérations que se font les grands 
coups de fusil des Nemrod novices, — Comme chair 
il est à peine mangeable ; on ne le met à la casserole 
que dans les pays oh il n'y a pas de gibier. Eu tous 
cas, son plumage vert métallique fait son malheur, 
car il lui vaut beaucoup de coups de fusil, qui n'ont 
d'autre but que celui de pouvoir le contempler de 
près. 

Je n'ai rencontré ses nids, en grand nombre, que 
dans les Bararis, pays inculte et noyé, qui sépare 
les terres cultivées de la Basse-Egypte des grands lacs 
Burlos, Manzaleh, Edko. — Le voyageur qui fait son 
tour d'Egypte, qui voit le Caire, visite les antiquités 
du Saïd et traverse le delta en chemin de fer, part 
avec la conviction d'avoir bien vu la vieille terre des 
Pharaons, ou au moins d'avoir une idée bien exacte de 
tous ses aspects. Cependant, un des grands côtés de ce 
pays lui a échappé ; il est une contrée très vaste dont 
il ne soupçonne pas l'existence : ce sont les Bararis, 
immenses steppes noyées, allant en latitude d'un 




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GUÊPIER. 127 

horizon à Tautre, et en longitude du canal de Suez au 
Bahr-Youssef. 

En entrant dans ce désert marécageux par Belgas, 
on Yoit, à une heure de marche en descendant au 
Nord, les cultures cesser subitement. — La terre, sans 
être cependant improductive, ne possède comme végé- 
tation que des roseaux, quelques tamaris et la bruyère 
des terres salées. 

C'est là qu'est le paradis des chasseurs au marais ! 
— Les canards et les sarcelles s'y voient par millions, 
le scolopax cocorli anime ces solitudes de ses cris 
aigus auxquels répondent les sternes et les mouettes, 
qui arpentent cette plaine immense à grands coups 
d'ailes réguHers. Les deux martins-pêcheurs, le vert 
et le noir et blanc [coryle rudis)^ se rencontrent à chaque 
pas. — L'aigle africain plane sur toutes ces flaques 
d'eau, plonge de temps en temps dans les roseaux, 
d'oîi il s'enlève ensuite lourdement, pour transporter 
avec peine sa proie sur quelque côm qui fait île, et 
dont il fait sa résidence. — Parfois enfin, on voit se 
dessiner sur le ciel d'un bleu cru la gigantesque sil- 
houette de l'oricou, qui du haut des nues étudie cette 
contrée noyée, pour y découvrir quelque cadavre de 
buffle apporté par les canaux. 

Il y a de tout dans ces solitudes, depuis la caille 
jusqu'à l'outarde houbara, depuis le pélican jusqu'au 
petit plongeon {colimbus minor)^ depuis la loutre jus- 
qu'au sanglier. On voit même, de temps en temps, 
des sentiers tracés dans la boue par les pas des hyènes 
et des loups blancs. 

L'homme y est rare ; on ne rencontre pas le moin- 
dre hameau. Par hasard, on apercevra au loin un 
arabe se profiler à . l'horizon : c'est un pêcheur de 



128 L'EMPIRE DE L'AIR. 

bayades ou un chasseur, qu'on fera bien de tenir 
à distance, car dans ces parages, comme au far west 
américain, les relations ne dépassent pas comme 
approche la portée d'un bon fusil. 

Ce pays inhabité et très peu connu est rempli de 
petites montagnes de création humaine : ce sont des 
ruines de villes, dont pour la plupart les noms ne 
nous sont pas parvenus. Cependant quelques-uns de 
ces monticules ont de grandes pages dans l'histoire 
de rhumanité : ceux de S&ne recouvrent les ruines 
de Tancienne Tanis, capitale des rois Hycsos, et celui 
de Sakha, celles, bien plus anciennes encore, de Xoïs, 
berceau de la quatorzième dynastie. — 11 y en a d'é- 
normes, qui couvrent des centaines d'hectares, et 
dont la hauteur est souvent de 40 à 50 mètres. Ces 
petites montagnes sont formées de briques crues par- 
semées de débris de poterie. 

C'est dans ces amoncellements de glaise que niche 
le guêpier : il fait un trou dans le flanc de la butte, 
trou qui pénètre au moins à un mètre dans le monti- 
cule, et c'est là qu'ilélève sa jeune famille. — Certains 
de ces côms, comme on les nomme dans le pays, 
sont criblés de millions de ces trous : le grand côm 
de Sandaleh en est percé à jour, à toutes les hauteurs, 
à portée de la main comme dans les endroits les plus 
inaccessibles. 

Le fellah est tellement apathique que jamais il n'en 
a déniché un seul ; aussi ces charmants oiseaux sont- 
ils d'une familiarité excessive. Ils passent, dans cette 
contrée, à un mètre de Thomme, en chantant et à 
tout vol. 

On rencontre encore des nids de guêpiers dans les 
berges de certains canaux peu fréquentés. Ils sont 



GUÊPIER. 129 

alors disposés en ligne, au-dessus de la hauteur atteinte 
par les plus grosses eaux, et leur ouverture est alors 
tapissée d'un enduit vert sombre, qui semble fait avec 
de la salive, de la glaise et des herbes. 

Grâce à ce tempérament particulier du Sémite, qui 
lui permet de n'être pas curieux, les animaux sau- 
vages qui vivent dans les contrées de l'Orient ont une 
confiance en l'homme qu'ils n'ont pas dans le Nord, 
— L'oiseau voyageur doit avoir deux caractères, deux 
coutumes, deux manières de se comporter, Tune pour 
sa station d'été où il niche, et l'autre pour les pays 
où il hiverne ; habitudes complètement disparates et 
contraires; dans l'une c'est le qui-vive perpétuel, et 
dans l'autre la confiance outrecuidante. Il paraît que 
dans l'extrême Orient, Inde, Chine, etc., cette con- 
fiance méritée se continue. Ce sont les bons pays 
pour les oiseaux ! c'est là que les corneilles viennent 
voler le dîner sur la table ! c'est là que les enfants ne 
prennent jamais de nid ! 

Quelle différence de caractère dans les races ! 

Une des choses qui rompent la monotonie des 
longues courses qu'on est obligé de faire dans la 
Basse-Egypte pour se transporter d'un village à un 
autre, est certainement le spectacle de la familiarité 
de ces animaux. — Celui qu'on risque d'écraser à 
chaque pas, c'est l'alouette huppée. Elle ne veut fran- 
chement pas se lever!.... A un mètre du pied du 
cheval elle se décide cependant, paresseusement, en 
poussant ses petits cris joyeux; va à vingt pas de là, 
pour se laisser réapprocher et repartir de nouveau. 

Après celui-ci, il y a nos jolis guêpiers, au plu- 
mage métallique vert et or, qui attendent le passant 
par bandes de huit ou dix individus, perchés sur les 

9 



<30 L^EMPIKE DE L AIR. 

grandes graminées qui bordent le chemin, et le sa- 
luent de leur grouit grouit sonore et doux ; puis, à 
portée de cravache, s'élancent avec agilité, traînant 
après eux les deux longs brins de leur queue. 

Plus loin ce sont ces cocasseries de huppes, très 
occupées à retourner une immondicepour trouver des 
carabes dont elles sont très friandes : celles-là ont trop 
de besogne pour s'occuper des passants ; on les pour- 
rait prendre avec la main. Eufiu, pour celui qui a des 
yeux, il y a un spectacle continuel ; tantôt c'est le 
faucon qui plonge dans le champ, le milan qui feud 
les airs, se dirigeant avec sa longue queue fourchue, 
la corneille manlelée perchée sur un arbre sohtaire et 
surveillant son nid, le couhiey blak parcourant de 
son vol élégant les champs interminables de bersina. 
— Et enfin, comme bouquet, de temps en temps à 
riiorizon, quelque immense-vol de vautours, descen- 
dant des confins du ciel jusqu'à la terre, avec cet 
aspect de trombe mouvante, qui toujours vous fait 
faire quelques kilomètres pour aller voir ce qui se 
passe là-bas. 

Quant à moi je m'y laisse toujours prendre. 



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SARCELLES ET CANARDS 



Ces oiseaux sont les représenlanls de la rapidité 
dans le vol. 

Ce sont des rameurs excessifs, qui usent leur pro- 
vision de combustible, forte couche de graisse hui- 
leuse qui recouvre leurs pectoraux. 

Voici le type à étudier pour arriver à l'aviation par 
les machines à fonctionnement constant. Là, départ 
et abordage, tout est pratique; ces deux points ont une 
importance capitale. C'est une étude dont le lecteur 
trouvera un aperçu à la fin de cet ouvrage. 

Ces oiseaux sont dans le même cas que les scolo- 
pax, ils ont de grandes distances à parcourir pour 
aller d'un lac à un autre, et comme ils sont sans 
armes, la vitesse est leur seule sauvegarde pendant ce 
trajet. — Elle est efficace, puisque en route ils ne 
sont jamais attaqués. 

L'aigle, qui est leur grand ennemi, abandonne 
la poursuite sitôt qu'il les sent bien lancés. 



CORMORAN 

C'est un oiseau très bien construit pour être heu- 
reux dans l'air, mais son amour pour le poisson lui 




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CORMORAN. 135 

fait négliger les charmes de Téther et préférer Télé- 
ment aqueux. 

Il est assez rare en Europe ; il y en a quelques-uns 
sur le lac de Genève, mais ils sont difficiles à étudier 
parce qu'ils se tiennent au large. Ceux que Ton voit 
sur les étangs ou sur les fleuves sont tout à fait des 
rencontres du hasard. J'en ai vu énormément sur le 
haut Nil, mais c'est loin; il y en a aussi beaucoup 
dans les mers de la Chine. 

Le point le plus rapproché oîi on peut le voir à 
coup sûr est la pointe sud de Ja Corse, 

Je transcris une note de voyage : 

Vu des cormorans dans le détroit de Bonîfacio, 
par une mer parfaitement calme : le bateau les for- 
çait à se lever. 

Le vol qu'ils ont exécuté pour fuir n'a rien d'ex- 
traordinaire; c'est un battement soutenu et assez 
lent. Ils faisaient ainsi deux ou trois cents mètres 
et se posaient sur la mer, on les voyait alors dispa- 
raître complètement, la tête seule dépassait la sur- 
face de l'eau. 

Je ne sais s'il plane. Il le pourrait, mais j'en 
doute, en ayant suivi un à la lunelte pendant plu- 
sieurs kilomètres, et l'ayant vu ramer constamment. 



PELICAN 



Uq philosophe plaisant, un sybarite de la vitesse, 
posté sur deux vastes ailes. 

Où niche-t-il? d'où vient-il? Je n'en sais rien au 
juste. Tout ce que je sais, c'est qu'on en voit beau- 
coup en Egypte. — Il y en a des bancs sur les terres 
noyées, sur le Maréotis, sur le Manzaleh. H y en a 
même dans la ville qui sont apprivoisés. J'en ai 
acheté un cent sous dans le Mouski. — Toutes les 
années on en promène au Caire dans les mois de 
novembre, décembre et janvier. 

Drôle de bête! J'en ai eu deux pour amis; c'est 
plaisant à n'y pas croire. — Je me retiens, parce 
que si je commençais à raconter des farces de pé- 
lican, j'en aurais pour longtemps. Que ceux qui 
veulent rire s'en offrent un, et n'aient pas peur de 
son bec qui est très inoffeusif, ils auront de la gaieté 
pour leur argent. 

Laissons le côté humoristique de l'étude de ce 
charmant animal et occupons-nous de son vol. 

Le pélican présente une particularité de confor- 
mation, c'est une grandeur excessive dans le bras 
et l'avant-bras. Il est sans queue. Sa stabilité, l'es- 
pace dans lequel peut jouer son centre de gravité, 
sans être en rupture d'équilibre, est placé entre les 



PÉLICAN. 137 

branches de celte grande M, figurée par son corps et 
ses ailes étendues. — C'est cette disposition qui lui 
procure son équilibre longitudinal, que sa queue ru- 
dimentaire ne pourrait lui fournir. 

Son Yol est magnifique, il est rarement rameur ; 
sitôt que le vent le permet il tourne au voilier. 

L'effet que produit la masse est toujours surpre- 
nant. Dès qu'un oiseau devient gros, pour peu qu'il 
ait de la surface il devient voilier; témoin celui-ci : 
il a moins de surface proportionnelle que la sarcelle ; 
et cependant quelle antithèse que ces deux vols ! — 
Chez la sarcelle le gramme est porté par 177 mill. q. 
et chez le pélican par 150 millimètres carrés seule- 
ment. 

En pleine action il ne tend pas un cou d'un mètre 
comme les oies, les cigognes et les cygnes, mais au 
contraire le replie comme les hérons et pose molle- 
ment la tête sur les épaules; ce qui lui donne une 
tournure particulière qui est gracieuse au possible. 
Il a alors Pair si à son aise, il paraît si commodément 
posé sur ses deux immenses ailes aux angles pitto- 
resques, qu'une fois lancé il semble parcourir l'es- 
pace sans aucune fatigue. 

Il est bien certainement de tous les gros oiseaux 
celui qui a la silhouette la plus élégante : le grand 
vautour est raide et semble découpé en fer-blanc, 
le cygne et l'oie ont l'air d'être déjà embrochés, 
l'aigle est rigide et tout d'une pièce; le pélican, 
malgré sa lourdeur si gauche tant qu'il est à terre, 
une fois dans le domaine des airs, devient gracieux 
comme une mouette. Les dispositions variées qu'il 
donne à ses ailes, la grande longueur de ses bras et 
de ses avant-bras fournissent à chaque instant des 



138 I/EMPIRE DE L'AI». 

aspects nouveaux que les évolutions des autres oi- 
seaux ne présentent jamais. 

Le pélican est dans les oiseaux ce que Téléphant 
est dans les mammifères au point de vue de l'intelli- 
gence. Comme lui, une curiosité sans borne l'attire 
vers rhomme. Les actions de ce souverain de la créa- 
lion l'intéressent profondément. L'attention qu'on lui 
voit mettre à suivre lous les mouvements est un in- 
dice certain de sa haute intelligence. 

Il n'ira pas faire comme les grands rapaces une 
bouderie sombre qui commencera avec sa captivité 
et finira à sa mort ; il n'ira pas se blottir dans un 
coin, ou s'immobiliser dans les regrets sans fin de 
sa liberté perdue ; point du tout : au bout de deux 
ou trois jours, si, sans le regarder, sans paraître s'in- 
quiéter de lui, \ous êtes occupé à quelque chose, il 
ne se passera pas une demi-heure qu'il ne soit dans 
vos jambes pour mieux étudier vos actions. — De 
temps en temps, il allongera bien encore quelque 
effrayant coup de bec, mais il n'y a pas à trop y 
prendre garde : il n'y a qu'à ne pas retirer la main, 
parce qu'on pourrait se couper en se frottant aux 
scies de ses mandibules. — Quand il remarquera qu'on 
ne lui riposte pas, il deviendra alors d'une familiarité 
presque importune : il entrera dans la maison comme 
chez lui, cherchera les puces aux chiens, volera un 
soulier, escamotera sans en avoir l'air une bille sur le 
billard; et ne cessera même pas ses polissonneries à 
la nuit, car si on le laisse faire, il fera la veillée comme 
un bipède humain. 

Au jardin, il ne faut pas songer à le faire fraterni- 
ser avec la basse-cour, iLa un mépris profond pour 
ces volatiles impotents du cerveau; il ne quittera 




2 



PÉLICAN. 441 

pas le voisinage du point de réunion, se couchera en 
boule au milieu du groupe, mettra son bec sur le dos, 
et de ce poste bien choisi, de son œil intelligent, sui- 
vra tous les gestes et toutes les paroles. 

Il s'impose le compagnon de Ihomme; il décide 
qu'il fera de lui sa société; et, comme il est peu 
gênant, comme loin d'être répugnant il est au con- 
traire propre et magnifique, l'homme se laisse faire et 
devient son ami. 

11 y aurait encore à parler du pélican qui a toutes 
ses ailes, qui peut voler; car jusqu'ici il n*a été 
question que du mutilé : mais alors ce serait sans 
fin. J'ajouterai seulement ceci, c'est que sa familiarité 
croît avec ses ailes. — Jugez alors de ce qu'il est 
quand ses plumes sont au complet. 

Il serait peut-être possible de l'avoir en Europe 
en pleine liberté. Il se trouverait tellement dépaysé 
qu'il n'essaierait pas de se sauver. Si on lui laissait 
pousser les ailes, ses premiers essais de vol ne lui 
permettraient pas de songer à faire un long voyage ; 
tout au plus la première année visiterait-il la contrée 
environnante. En ayant soin de le tenir captif dans 
le mois de septembre, époque des migrations, on 
pourrait, dans un pays où les chasseurs seraient pré- 
venus, se procurer le spectacle très curieux des évo- 
lutions de ces énormes oiseaux d'eau, qui sont aussi 
gentils que les cygnes sont bêtes et méchants. 



CYGNE 



11 y a deux poinls où l'étude du cygne est facile à 
faire : Genève et Londres. — La Tamise avec son 
atmosphère brumeuse ne permet pas de les suivre 
bien loin. Au reste, ils ont Pair bien malheureux sur 
celle eau fangeuse. 

Pour les voir loul à son aise, il n'y a qu'un endroit, 
c'est le lac de Genève. — Là ces beaux oiseaux sont 
chez eux et sont les vrais propriétaires du lac. 

Ils nichent dans les fossés de la ville, et vont 
mendier, c'est quêter qu'il faudrait dire, des mor- 
ceaux de pain jusqu'à Villeneuve. — Ils font même 
plus fort, ils suivent les bateaux à vapeur, se posent 
pour chercher ce qu'on leur a jeté par dessus le bord ; 
puis, lorsqu'ils sont en retard de deux ou trois kilo- 
mètres, ils reprennent leur vol, atteignent le navire et 
se reposent dans le sillage. 

Leur vol est un mélange de battements de peu 
d'amplitude et de planement recliligne. Ils ne tour- 
nent pas comme les pélicans ou les oiseaux de proie; 
c'est toujours en ligne droite qu'ils se dirigent, comme 
les canards, les oies, et tous les oiseaux qui ont peu 
de surface à leur disposition. 



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Quand ou regarde avec atlenlion une de ces grandes 
chauves-souris, on est porté à faire de curieuses ré- 
flexions. — Ce n'est nullement un oiseau, mais bien 
un mammifère ; et même on peut dire que c'est tout 
h fait un être supérieur. — Les roussettes ont un 
faux air d'anthropoïde qui leur attire plus d'un re- 
gard de la part de lobservateur attentif ; elles repré- 
sentent passablement la charge d'un homme ailé. — 
Ouand nous étudions les oiseaux, il reste dans notre 
entendement, par rapport à leurs facultés, un voile 
formé par l'énorme distance qui les sépare de nous 
dans l'échelle de la création ; mais, pour ce mammi- 
fère, la proximité est trop précise pour nous permettre 
aucune illusion : nous l'analysons de sang-froid, et 
nous reconnaissons en lui notre précurseur. 

Les petites espèces sont insectivores, leur vol est 
celui d'un rameur parfait, pouvant joindre à cette 
qualité la faculté qu'ont les chouettes et les autours 
de pouvoir changer très rapidement de direction : il 
le faut au reste pour pouvoir vivre d'insectes. Pour 
parvenir à produire ces crochets, qui sont le point 
remarquable de leur allure, elles se servent de la 
déviation du plan des ailes et de la direction que 
peut donner une voile comme gouvernail mue par les 



CHAUVES-SOURIS. 145 

pattes de derrière et un appendice caudal ordinaire- 
ment très vigoureux. 

Les roussettes d'Egypte, qui ont jusqu'à 60 cen- 
timètres d'envergure et pèsent souvent plus de 
100 grammes quand elles sont grosses, n'ont déjà 
plus la même tournure dans Tair que les petites chau- 
ves-souris de l'Europe ; le poids donne la fixité dans 
la direction, ce qui fait que dans les pays oîi elles sont 
nombreuses, on les confond la nuit avec les chouettes, 
dont elles ont la taille et le vol. 

Elles sont frugivores, tant qu'elles peuvent Têtre, 
c'est-à-dire tant qu'il y a des fruits; mais, comme 
ils ne sont pas abondants dans la vallée du Nil, et 
qu'il y a de nombreux mois oîi il n'y en a aucun, 
qu'avec cela elles sont très nombreuses, il faut donc 
qu'elles puissent se nourrir d'autre chose. — Aussi 
chassent-elles assidûment les insectes sur les canaux 
et les moineaux dans les arbres. — On met toutes 
leurs rapines sur le compte des scops qui sont nom- 
breux aussi; mais elles ont sur la conscience une 
bonne part de ces assassinats nocturnes. Cependant, 
sitôt que les fruits reparaissent, elles retournent à leur 
alimentation végétale. 

Ce goût très prononcé qu'elles ont pour les figues 
du sycomore, les raisins, etc., est en Egypte un écueil 
sérieux pour ces cultures : on est obligé, pour conser- 
ver les fruits, d'entourer les arbres, les treilles, les 
tonnelles^ de filets, sans cela il ne resterait rien. Qu'on 
juge des dépenses qu'occasionne cet animal. 

Elles nichent partout où il y a de l'ombre, dans 
les cavernes de la montagne, dans les ruines, en ville 
même quand l'emplacement leur semble convenable. 
— On a démoli au Caire, il y a quelques années, un 

iO 



146 L EMPIRE DE L*AIR. 

vieil hôpital, qui était traversé par une rue couverte. 
Il y en avait des milliers là-dessous. A certaines heu- 
res le soleil éclairait assez cet affreux passage pour 
pouvoir les distinguer : on pouvait alors suivre leurs 
batailles constantes ; leurs cris attiraient les regards, 
et leur odeur nauséabonde empuantait ce hideux 
cloaque. 

Au vol, on ne les entend jamais pousser de cris. 
Quand elles passent à quelques mètres de distance, 
on entend le bruit que font leurs ailes, qui ressemble 
assez à celui qui est produit par le vanneau en volant. 
— Elles se groupent quelquefois au vol en masse ser- 
rée, formant une boule qui tourbillonne : c'est ordi- 
nairement pour dévaliser un sycomore qu'elles se 
réunissent ainsi ; un coup de fusil dans cette masse 
en jette parfois des dizaines à terre. 

En captivité dans une grande chambre, la roussette 
vit facilement ; elle a alors comme les rapaces noc- 
turnes la faculté de se mouvoir avec facilité dans ce 
local étroit, oh un oiseau de jour, de même taille, ne 
sait se retourner. Elle s'apprivoise assez pour recon- 
naître son maître, et semble douée d'une intelligence 
assez développée. 

Chaque pays, chaque grande île a ses variétés par- 
ticulières : l'Amérique a^ dans les grandes espèces, des 
carnivores et des insectivores, et lancien continent 
des frugivores. C'est seulement parmi ces dernières 
que nous pouvons trouver des sujets qui, par leur 
masse et l'envergure qu'ils possèdent, peuvent nous 
intéresser. On assure qu'il y a dans les îles de la 
Sonde des roussettes qui ont 2°", 50 d'envergure. Cet 
animal, YAcerodqn Meyerii, de la taille d'un vautour, 
vaut assurément, à lui seul, le voyage. Que de choses 




{Pteropus Geoffroyi.) Fig. 8. — Ombre de la roussette d'égypte. Envergure 0,484. 




(Nyctinomus jEgyptiacus,) Fig. 9. — Ombre de la nyctinome. Envergure 0,Î43. 




(Anas clypeata.) Fig. 10. — Ombre du canard souchet. 



CHAUVES-SOURIS. 149 

il y aurait à apprendre, non seulement sur le genre 
de vol, mais encore sur la construction, sur la ma- 
nière d*êlre de ces longs doigts qui forment rémiges, 
et sur l'effet produit, pendant l'action, par la pression 
sur ces (issus élastiques. 



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ACCIPIÏRES NOCTURNES 



Les rapacos de nuit sont certainement les oiseaux 
chez lesquels les facultés qui permettent la chasse 
sont les plus perfectionnées. Les yeux sont des mer- 
veilles. Chez le duc, la pupille est tellement contrac- 
tile, que quand, dans certain éclairage particulier, on 
passe la main entre son œil et le jour, cette variation 
d'inteiïsité de lumière se traduit instantanément par 
un élargissement et un rétrécissement du simple au 
double du diamètre. Les serres sont au moins aussi 
puissantes que celles de leurs collègues de jour. Quant 
au vol, il est généralement remarquable, surtout 
chez les grandes espèces. 

Dans cette famille, les aptitudes au vol, comme 
nous le comprenons, sont rigoureusement en propor- 
tion de leurs poids ; un seul parmi eux fait excep- 
tion, c'est VeSvaie (Siryx flammeajj qui sort de cette 
gamme par une exagération de surface et d'envergure. 
Comme cet oiseau ne pèse que 300 grammes, sa masse 
n'est pas assez considérable pour lui permettre de 
bénéficier de ses qualités. — Attachons-nous de suite 
à celui que son poids rend intéressant. 



GRAND-DUC {Bubo maximm) 



C'est un curieux aDimal que le grand-duc. un pin- 
ceau \audrait mieux qu'une plume pour en douner une 
idée exacte. — Ces oreilles cornues, ces grands yeux 
jaunes, ce plumage constellé de croix et de larmes, le 
bruit qu'il fait avec son bec, qui ressemble à s'y mé- 
prendre à celui que produit un os qu'on brise; tout, 
jusqu'à ses poses, lui donne un air satanique qui est 
peu de ce monde. Laissons de côté cet aspect infernal 
et examinons-le au grand jour. 

C'est un énorme oiseau de proie, ses griffes sont ro- 
bustes, ses ailes puissantes ; son bec, presque entière- 
ment caché sous les plumes poilues qui lui préservent 
les narines, est cependant vigoureux, et possède une 
force qui manque totalement au bec de la plupart des 
oiseaux de proie diurnes. Ses oreilles sont vastes : 
on voit à première vue, à l'énorme développement de 
cet organe, que le sens de l'ouïe doit être d'une grande 
perfection. 

Cet ensemble de brillantes qualités, joint à un cou- 
rage extravagant, font de cet oiseau un animal extra- 
ordinaire de puissance. 

Le grand-duc pourrait certainement disputera l'ai- 
gle le sceptre des airs. L'aigle est comme le lion, il a 
la prestance delà royauté, tandis que le tigre, qui n'a 




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GRAND-DUC. 455 

qu'une brillante réputation de férocité, lui dispute- 
rait sa proie certainement avec succès s'ils se trou- 
vaient tous deux sur le même territoire de chasse. 

Examinons donc encore mieux cet oiseau , nous 
sommes en face d*un être considérable. 

Sa charpente osseuse est robuste, ses plumes sont 
comme celles de tous les oiseaux nocturnes, c'est-à- 
dire d'une douceur de velours ; mais ce duvet si doux 
recouvre des muscles d'un autre ordre d'action que 
ceux de l'aigle : ils ont moins de longueur, sont plus 
brefs et plus rigides dans leurs contractions ; les bras 
de levier sont plus longs. 

Le vol est une merveille : il est excessivement com- 
pliqué. Il plane très bien, quoique rarement ; il rame 
comme un pigeon, et a par-dessus tout le talent de 
s'arrêter brusquement au plus fort de sa vitesse et de 
prendre une autre direction, pour pouvoir éviter les 
chocs qui lui arriveraient à chaque instant contre les 
troncs d'arbres. 

Ce vol est absolument silencieux. On voit passer ces 
énormes bêtes sous le feuillage sans entendre le 
moindre murmure. Ce silence est obtenu par la con- 
formation de ses plumes qui ne sont pas construites 
comme celles des oiseaux de jour. Chez lui, le choc 
des canons entre eux est garanti par un duvet exces- 
sivement moelleux. 

On ne les voit haut en l'air que quelquefois à l'au- 
rore, au printemps; ils tournent alors très haut, par 
paire; puis, quand le jour devient trop fort, ils re- 
descendent rapidement dans leurs antres ténébreux où 
ils restent blottis jusqu'au coucher du soleil. 

J'ai assisté un soir au départ de deux grands-ducs. 
J'étais monté avec un jeune guide à une caverne très 



156 L'EMPIRK DE L'AIR. 

élevée; nous avions au-dessous de nous les forèls de 
sapins. Le jour était sur son déclin. Nous nous étions 
abrités derrière une forte assise de pierre qui nous 
cachait parfaitement, et là nous attendîmes. 

Cinq minutes après le coucher du soleil un grand- 
duc se trouva, comme par enchantement, posé sur un 
rocher en face de la caverne. Nous ne Tavions ni vu ni 
entendu venir. Quelques instants après, un second oi- 
seau apparut plus grand et plus gros que le premier ; 
c'était la femelle, elle était énorme; sa taille était au 
moins de 80 centimètres. Ils tournèrent lentement 
de côté et d'autre leurs faces cornues; puis, Fun 
d'eux jeta aux échos de la vallée trois notes puissantes, 
mais harmonieuses à la façon de la mélodie des 
chats-huants. 

Cette voix est étrange et impressionne fortement. 

Peu après le mâle descendit à un ruisseau qui cou- 
lait des glaciers ; la femelle le suivit ; ils burent, se 
baignèrent légèrement la figure, puis remontèrent 
sur le rocher où ils étaient primitivement. — Là ils 
s'essuyèrent, lissèrent leurs plumes, et se mirent à 
danser. . 

On m'avait annoncé ce spectacle dans des termes 
tellement excessifs que je n'y avais pas cru; mais je 
vis là la scène la plus grotesque qu'on puisse imagi- 
ner : 

Qu'on se figure deux énormes bêtes, peu élégantes, 
sautant en l'air alternativement comme des marion- 
nettes, faisant claquer leurs becs en guise d'accompa- 
gnement. 

A celte vue un fou rire me prit ; le berger me posa 
la main sur le bras pour m'engager au silence. — Je 
regardai les oiseaux, ils n'y étaient plus, le rocher 



GRAND-DUC. 157 

était nu ; ils étaient partis mystérieusement comme ils 
étaient venus. 

Je visitai leur aire, il y avait deux ou trois cents 
kilogrammes d'os de lièvre, de bouts d'ailes de per- 
drix et de boulettes de poils qu'ils rejettent de leur 
estomac. 

J'ai eu une couple de ces oiseaux en captivité, les 
petits de ceux dont je viens de parler. L'année sui- 
vante, le petit berger les dénicha, et vint me les offrir. 

Ces oiseaux, malgré leur envergure de près de 
deux mètres, volaient parfaitement dans une cage de 
12 mètres sur 5 ; ils allaient, venaient, faisaient plu- 
sieurs tours entiers sans se poser, tandis que les grands 
rapaces diurnes, dans le même local, se bornaient à 
en franchir lourdement la longueur en trois bruyants 
battements d'ailes. 



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L*EMPIRE DE L'AIR. 



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Ce tableau renferme des oiseaux qui possèdent une 
surface proportionnelle très grande par rapport à 
leur poids. 

Quel est le but de la nature en les dotant de cet 
excès de bien ? — Probablement de leur offrir la 
faculté de bien voler dans le temps calme, et sur- 
tout de pouvoir se poser sans se briser les jambes. 
Ce qu'il y a de positif, c'est qu'ils sont gênés dans 
leurs mouvements par ce surcroît d'ampleur dans 
la voilure ; aucun, d'eux n'est un volateur remar- 
quable, ni comme vitesse, ce qui est facile à com- 
prendre, ni même comme station dans lair, ce qui 
est plus extraordinaire. 

Ce sont en somme des voiliers tellement exagérés, 
que chez eux le tralnement détruit toutes les autres 
qualités. — Il n'y a que quand le poids arrive à deux 
kilogrammes, que la masse parvient à atténuer 
le frottement de l'air contre ces ailes exlra-em- 
plumées. 

Les premiers oiseaux de ce tableau ont tous un 
vol de papillon; la huppe, le pluvier armé et le van- 
neau, n'avancent contre les grands vents qu'en 
ployant complètement les ailes. Ces défauts s'atté- 
nuent à mesure que le poids augmente. L'ibis vole 

li 



162 L^ËMPIRE DE L AIR. 

déjà mieux que le garde-bœuf, et tous sont distancés 
par les cigognes. 

Nous trouvons dans ce type la preuve que la sur- 
face utile, active, de l'aile, est dans la main et 
l'avant-bras, et que celle du bras est presque sans 
action. — La démonstration est brutale comme celle 
que donne la nature. — Elle a supprimé tout sim- 
plement les plumes de Thumérus à la plupart des 
hérons, et ne leur a laissé que celles de la couver- 
ture, qui ne sont qu'un pur ornement 






CIGOGNE 



C'est cet animal qu'on devrait acclimater en 
France ! car, hélas, nous n'en avons plus sur le sol 
français : celui-ci serait réellement utile et ne coûte- 
rait absolument rien, — Puis, c'est joli, gracieux, 
assez familier pour avoir beaucoup de charmes, et 
assez sauvage pour n'être pas importun. — Ce 
serait si facile à faire : quelques jeunes élevés dans 
une localité, un arrêté du préfet les protégeant, ar- 
rêté auquel on ne demanderait qu'à se soumettre. 

Une fois fixées, quand elles auront niché dans une 
contrée, on peut répondre de leur vie; leurs mœurs 
sont si douces, leurs charmes si grands, qu'elles 
auront pour défenseurs la commune tout entière. 

Quand on voit TArabe qui n aime rien que Targent 
se prendre d'amitié pour elle, il faut que réellement 
elle ait de bien grandes qualités. 

Dans tous les pays bas elle serait un bienfait, car 
sa nourriture se compose uniquement de serpents, 
de crapauds et d'insectes. 

En somme elle ne fait que du bien : aussi est-elle 
chérie des populations auxquelles elle a confié son 
nid. — Demandez aux Alsaciens ce qu'ils en pensent, 
aux étudiants de Tubingue, aux Belges, aux Arabes, 
aux nègres même : tous, ceux du sommet de l'é- 



i64 L'EMPIRE DE L'AIR. 

chelle humaine comme ceux des derniers échelons, 
ne tariront pas sur ses vertus. 

Donc, il faut à la France des cigognes, pour ani- 
mer ses campagnes, pour lui porter bonheur, parce 
que réellement elle a ce don : il y a unanimité de 
croyance sur ce point ; puis, parce que c'est un 
magnifique modèle d'aviation, facile à étudier puis- 
qu'il est presque domestique. 

Il était à croire que de TAIlemagne ou des pays 
flamands nous viendraient des études sur la direc- 
tion aérienne ; ces gens ont un modèle constam- 
ment sous les yeux, et un bon modèle : il y a mieux, 
c'est vrai ; mais le vol de la cigogne est infiniment 
plus facile à analyser et à comprendre que celui des 
oiseaux qu'on a sous les yeux en France, qui sont 
des pigeons, des moineaux, des hirondelles, et de 
loin en loiil quelque malheureuse buse qu'on aper- 
çoit quelques instants au détour d'un bois. — La 
cigogne au contraire s'établit en pleine ville, sur 
le point culminant, afin que nul n'en ignore; elle 
crève les yeux, il faut la voir forcément, à moins 
d'être manifestetnent aveugle. Sans quitter son 
bureau, on peut faire des études. — De temps en 
temps, de crainte d'être oubliée, elle ravive l'atten- 
tion par un roulement de coups de bec qui est tout 
à fait une réclame. 

Et cependant ils n'ont pas compris ! 

La parole de l'Écriture qui dit : « Ils ont des yeux 
pour ne point voir, »> est pleine de justesse. 

Cet échassîer est franchement un gros oiseau ; 
2 kilogrammes de poids, et ordinairement dépassés, 
constituent une masse capable de bien utiliser la 
force du vent. 




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GIGOGNE. 167 

Son vol est tout à fait le planement aussi continu 
que Tétat de Tatmosphère le permet ; ses ailes sont 
alors parfaitement reclilignes. Quand elle aborde la 
terre, elle prend alors la tournure arquée. 

Par le temps calme, elle donne trois coups d'ailes 
et fait une glissade. 

Dans certains cas elle a une particularité dans lal- 
lure qui la fait reconnaître de très loin : c'est Vhabi- 
tude de s'incliner beaucoup plus que les autres 
oiseaux lorsqu'elle décrit des ronds pour monter. 
Cette inclinaison semble dépasser la position utile 
pour résister à la force centrifuge. Ses ailes, dans 
ce cas, font facilement avec l'horizon un angle de 
45^ degrés. 

Quant aux grandes cigognes carnivores qu'on voit 
en pays nègre, leur masse devient telle qu'elle com- 
pense tous leurs défauts. Leur vol arrive à beau- 
coup ressembler à celui des meilleurs voiliers. — 
Sauf les pattes et le cou, c'est à les confondre de 
loin avec les vautours. 



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L'EMPIRE DE L'AIR. 



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{Falco tinnunculm.) Fig. 14. — Ombre du faucon crécerelle. Envergure 0"*,74. 




(Faico peregtinus,) Fig. 15. — Ombre du faucon pèlerin. Envergure ln»,035« 



TYPE AQUILA 



Beaucoup de science, mais trop de force, telles 
sont les qualités de ce groupe, étudiées à notre 
point de vue. Par moment ce sont des modèles re- 
marquables, et à d'autres instants, quand ils se ser- 
vent de leur puissance qui est très grande, ils n'ont 
plus rien d'intéressant pour nous qui étudions le vol 
sans battement. 



ALOUETTE {Alauda) 

Cet oiseau est en tête du groupe des accipitres 
diurnes parce que sa conformation et son vol l'y 
placent forcément. Elle est exactement un faucon 
comme tournure, ou pour mieux dire a parfaitement 
en petit Taspect d'un aigle. 



FAUCON CRECERELLE 

La crécerelle est commune en France, elle habite 
nos grandes villes ; tous les observateurs la connais- 



172 L*£MP1RE DE L*AIR. 

sent et font assurément sur cet oiseau leurs meil- 
leures remarques. — Sa puissance est grande, elle 
rame toujours en chassant; mais, quand le temps 
change, quand le vent du sud cherche à s'établir, 
elle monte très haut en planant, et développe alors 
ses talents de voilier, qui sont aussi complets que sa 
masse permet de le supposer. 



FAUCON PÈLERIN 

Oiseau rare, par cela même difficile à étudier. 
Rameur étonnant, parvenant par instants à une vi- 
tesse qui semble unique : le pigeon, le canard sont 
distancés de beaucoup. 

Il m'en passa un jour un à 10 mètres à cette 
vitesse ; je ne le voyais pas venir : je crus que c'était 
un boulet. 

Cette énorme vélocité est produite par la puis- 
sance du coup de fouet, dans lequel la force est 
uniquement employée à lancer l'animal en avant; sa 
sustention étant fournie par la vitesse et la direction 
imprimée. 

Il plane bien, seulement quand il a le temps. Son 
poids est 600 grammes, et sa surface de 16 déci- 
mètres carrés. 

BUSE 

La buse est très connue de nos chasseurs français. 
On la voit ordinairement passer en ramant lourde- 



BUSE. 173 

ment, puis faire 50 mètres en planant. C'est en 
somme un assez piètre modèle. — Quelquefois, 
au printemps, elles remontent par paire assez haut 
en tournant ; mais elles sont sobres de cet exercice. 
Il faut les avoir constamment sous les yeux pour 
pouvoir en faire une étude fructueuse. 



MILAN 



Le milan est bien plus intéressant, ses ailes sont 
bien plus longues, sa queue plus vaste. C'est aussi le 
planeur par excellence pour exécuter les difficultés. 
Sa queue fourchue très puissante est toujours en 
mouvement. Il faut qu'il voie tout, étudie tout ; les 
moindres accidents de terrain sont vus : et, pour 
exercer ce métier-là, il faut énormément d'adresse. 
Aussi son vol est-il aussi varié que l'exige la nature 
du sol sur lequel il chasse. 

C'est, malgré de nombreux coups d'ailes, un spéci- 
men rare de la perfection du vol des voiliers. 



MILAN DU CAIRE {Milvus œgyptius) 



Cet oiseau, assez rare en Europe, est commun en 
Afrique, surtout en Egypte, On l'aperçoit à Tunis, en 
Algérie, en Asie Mineure, isolément dans la campa- 
gne ; il suit ordinairement les percnoptères, et mène 
la même vie qu'eux. — En Egypte, et surtout au 
Caire, il habite la ville à résidence fixe; a ordinai- 
rement un minaret ou une corniche de mosquée 
comme perchoir de jour, et couche sur les grands 
arbres qui croissent dans les cours des maisons. 

Ils vivent par paire, se quittent rarement, sont 
presque toujours en vue l'un de Tautre, soit en chasse, 
soit au repos. — Le vol de cet oiseau est exactement 
celui du milan royal. Il rame presque autant qu'il 
plane, quoique ses grandes ailes puissent le dispenser 
de se donner tant de mouvement. — Il passe sa vie 
à vérifier toutes les terrasses et à enlever les débris 
de viande qu'il aperçoit. Il le fait en plongeant et 
enlevant sa proie au vol d'un coup de serres. Si son 
butin n'est pas trop gros, il le mange très souvent sans 
se reposer. Quand cet acte se fait par un fort vent, il 
donne le spectacle du vol inconscient : l'oiseau est 
tellement occupé qu'il va presque où le vent le pousse. 

Sa hardiesse passe toutes les bornes. Il ose aller 
partout^ même plonger entre les passants, dans les 



176 L'EMPIRE DE L*AIR. 

rues les plus fréquentées. Il n'est pas rare de lui 
voir enlever un objet entre les mains des fellahs : il 
arrive toujours par derrière, fond sur ce qu'il con- 
voite avec un sang- froid imperturbable, et remporte 
au grand ébahissement du volé. 

Il est le commensal des camps : de peur de n*y pas 
voir assez, il se tient à 5 ou 6 mètres seulement en 
1 air, et fond sur tout ce qui fait ventre, même sou- 
vent dans le plat, au milieu de l'assemblée. 

Il a pour concurrent, moins hardi que lui cepen- 
dant, les corneilles mantelées, qui sont aussi com- 
munes que lui en Egypte. Quand il a une proie, s'il 
ne se dépêche pas de la manger, les corneilles lui 
donnent une poursuite acharnée, et lui font souvent 
lâcher prise. 

Cet oiseau est inofifensif. Il ne dérobe jamais ni 
poule ni pigeon; les poules, au reste, ne font aucune 
attention à lui. 

Au milieu de la journée il s'élève très haut, et de 
là se rend aux abords de la ville, sur le point oîi la 
curée lui paraît la plus abondante. Les abattoirs en 
sont encombrés; ils sont là par centaines, perchés 
sur les murs, et fondant hardiment entre les bouchers 
arabes pour venir prendre à tout vol une bribe de 
chair. 

On ne les gêne guère dans leurs évolutions; les gens 
du pays ne feraient pas un mouvement pour les regar- 
der : il n'y a que les chasseurs novices qui leur adres- 
sent quelques coups de fusil par curiosité. — Aussi 
leur hardiesse est sans limite. Je me souviens un 
jour d'avoir assisté à un curieux spectacle : mon do- 
mestique passait avec une coufife sur la tête, pleine de 
provisions : un grand manche de gigot pointait trlom- 




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12 



MILAN DU CAIRE. 179 

phalement en Tair. Trois milans s'acharnaient à plon- 
ger dessus, el ma femme qui suivait s'escrimait contre 
eux à grands coups de parasol. — Comme je n'étais 
pas parfaitement édifié sur la valeur de la défense, je 
fus obligé de me mettre de la partie et de porter 
secours à mon pot-au-feu. 



AIGLES 



Avec le Pandion fiuvialis nous arrivons dans les 
oiseaux lourds ; nous trouvons encore des battements 
nombreux, mais déjà se prononcent les effets de Ti- 
nertie qui, arrivée à une masse de 1 kilogramme, per- 
met une constance dans la direction qui ne se trouve 
pas dans les oiseaux du poids de 500 grammes. 

Les petits aigles d'Europe, d'Afrique, Taigle impé- 
rial à dos blanc [A.heliaca), et le grand aigle (A. chry- 
saêtos), dont les beaux types se trouvent dans les 
Alpes, ont tous le même vol. Les qualités comme 
voiliers croissent comme leurs poids. 

Leurs besoins exigent beaucoup de qualités diffé- 
rentes : d'abord, ils doivent pouvoir se soutenir facile- 
ment pour étudier le terrain^ guetter une proie souvent 
des heures entières; il leur faut donc pouvoir bien 
planer : ce qu'ils font dans la perfection. — La proie 
une fois trouvée, il faut, pour l'attaquer, une grande 
vitesse, car c'est un canard qu'il faut capturer, et 
cela vole vite un canard, ou un lièvre à prendre à 
la course, ce qui n'est pas du tout facile. — Pour 
obtenir cette vitesse, ils emploient la chute; ils se 
laissent tomber de 200 ou 300 mètres de hauteur, et 
se servent de cette grande vélocité bien dirigée pour 
atteindre le gibier. — Ces exercices violents de la 
chasse à des animaux à fuite rapide exigent une puis- 




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AIGLES. 183 

sance musculaire énorme de la part de ces oiseaux. 

On aperçoit quelques aigles en Savoie, ce sont les 
beaux, mais ils sont rares. En Egypte il y en a aussi 
quelques-uns : de temps en temps on voit passer un 
oiseau à tournure insolite; quand il est loin, on se 
souvient que c'est l'aigle. — C'est en Algérie que j*ai 
pu étudier de très près cet animal. En hiver il y en 
avait toujours trois ou quatre à poste fixe à 200 mè- 
tres de ma ferme. Us chassaient les canards sau- 
vages qui se tenaient sur une prairie noyée. Quelque- 
fois ils venaient passer une revue de la basse-cour, 
mais de loin, parce qu'ils étaient mal reçus. — Us se 
tenaient en résumée la bonne dislance qu on doit désirer 
pour ses poulets. — C'est que ce n'est pas long pour 
eux que d'enlever une volaille : on entend les coqs 
crier, puis un sifflement terrible, et on voit remonter 
dans les airs une malheureuse pondeuse qui. sème ses 
plumes au vent pendant cette ascension vertigineuse. 

Ce que l'on raconte de l'aigle lâchant sa proie lors- 
qu'on lui tire un coup de fusil, même hors de portée, 
est parfaitement exact : mais seulement, là comme 
dans tout, il faut savoir prendre son temps. Je fis 
expérimenter le fait à un chasseur qui en doutait : il 
se pressa tellement que l'aigle n'avait pas eu le temps 
de tuer le canard lorsqu'il le lâcha; il partit donc 
d'un côté et sa victime de l'autre. Comme c'était à 
triple portée, on dut se contenter de le regarder fuir. 

Non loin de là se trouvaient deux immenses frênes 
sur lesquels, au printemps, il y en avait souvent une 
paire. C'est là que fut fait ce célèbre tour de force de 
s'élever en avançant contre le vent : observation d'une 
importance capitale, qui est décrite dans un chapitre 
précédent. 



GRAND AIGLE FAUVE {A. chrysaêtos) 



Voici sans conlesle le roi des oiseaux, il a la puis- 
sance et le courage. N'ayant pas d'ennemi de sa force, 
il passe en paix de longs jours dans la béatitude que 
peut donner l'autocratie incontestée. — L'aigle n'a 
peur que de l'homme, encore le craint-il très peu. 
Cerné, il n'hésite pas à se précipiter sur lui. — En cap- 
tivité il est d'un abord excessivement dangereux : son 
humeur féroce en fait un animal indomptable. — Il 
faut beaucoup d'adresse pour arriver à lui inspirer de 
la crainte, encore ne faut-il pas l'exciter, sans cela il 
se défend jusqu'à la mort. 

La nature l'a créé pour dépeupler, comme les felisj 
les squales et les esox. 

Ce tyran des airs est supérieurement pourvu de tous 
les organes nécessaires à cette vie de meurtre. Ses 
armes sont huit serres de la longueur d'un doigt, 
recourbées, pointues et mues par des muscles terri- 
bles. Son bec très crochu lui sert à dépecer les ani- 
maux qu'il a perforés avec ses griffes. 

Ses ailes sont très grandes et excessivement ro- 
bustes, elles ont la forme des ailes de voilier par 
excellence. Il frappe rarement l'air, à moins qu'il ne 
fasse aucun vent, ou qu'il soit chargé d'une proie. — 
La plume est impuissante à dépeindre la majesté de 



GRAND AIGLE FAUVE. 185 

son allure, l'amplitude des immenses cercles qu'il 
décrit dans les airs. Par moments son immobilité est 
exacte : il étudie un terrain ou surveille une proie; 
puis, soudain, de plusieurs centaines de mètres, il 
se laisse tomber comme un météore, avec la vitesse 
de la chute des corps dans l'espace. 

Cette vitesse est telle, qu'en tombant il produit un 
bruit assez difficile à expliquer : ce n'est pas le boulet, 
ce n'est pas la balle; il faut l'avoir entendu pour en 
avoir une idée juste; puis, arrivé à une dizaine de 
pieds de la terre, il a assez de force dans les ailes pour 
détruire la vilesse de sa chute, et cela en une demi- 
seconde, en les étendant seulement. 

Son adresse est remarquable, jamais il ne commet 
d'erreur; au reste, ses yeux sont excellents : de trois 
cents mètres en l'air il épie le lapin dans le fourré ou 
le canard dans les joncs. — 11 se sert de ses griffes, 
qui sont les armes avec lesquelles il tue, d'une 
manière remarquable; en captivité, lorsqu'il a faim, 
il attrape les morceaux de viande qu'on lui jette, 
avec une seule serre, et ne les manque jamais s'ils 
passent à sa portée. 

Ses mouvements ont la précision des mouve- 
ments des petits oiseaux : il est net, sec, puissant 
dans ses allures ; son coup d'œil surtout est remar- 
quable. — Comme il a les muscles moteurs du globe 
de l'œil très peu développés, il est obligé, toutes les 
fois qu'il veut voir nettement quelque chose, de faire 
un mouvement. Sa tête prend alors des poses splen- 
dides : cette prunelle brillante, logée sous une pro- 
fonde arcade sourcilière, jette des éclair»; son bec 
crochu, son air féroce, les plumes acuminées de l'oc- 
ciput qu'il hérisse et lui forment un diadème ; tout 



186 L*EMPIRE DE L*A1R. 

cet ensemble d'un galbe véhément fait de l'aigle ua 
merveilleux modèle de puissance et d'audace. 

Il est roi d'un territoire qu'il choisit toujours très 
vaste. — Tous les petits mammifères le redoutent; 
les jeunes des grands animaux ont peur d'être vus de 
lui : le jeune chamois se blottit contre sa mère, les 
vieux boucs rassemblent le troupeau et frappent du 
pied avec fureur. L'homme même, enfant, a été l'ol- 
jet de ses attaques. 

Son intelligence n'est développée qu'au point de 
vue de la chasse. C'est un spectacle très intéressant 
que celui d'une famille d'aigles faisant une battue 
pour pourvoir le nid de provisions. 

Le mâle est à une centaine de mètres en Tair, 
immobile dans l'espace^ la femelle bat les fourrés ; son 
vol, dans ce cas, a une mollesse d'une grande élé- 
gance, elle suit les ondulations du terrain sans efforts, 
passe d'une colline à l'autre, descend et remonte les 
penles des montagnes : puis, quand une proie appa- 
raît, les deux époux lui sont presque en même temps 
dessus. 11 arrive souvent qu'un lièvre qui est levé à 
10 mètres de la femelle est pris par le mâle qui est à 
100 mètres dans les airs. Il fond, la tête la première, 
lui est dessus en quatre ou cinq secondes, le prend 
au vol, et, s'il est dans la montagne, plonge dans la 
vallée avec sa charge, et la remonte ensuite à tire- 
d'aile à son aire. 

Là se fait la curée, qui n'a jamais lieu sans discus- 
sion, malgré les charmes des liens matrimoniaux. 

A part cependant ce vieux levain de férocité, qui 
perce constamment, la famille est parfaitement élevée^ 
et surtout abondamment pourvue de nourriture. 

Les aigles font pendant le temps de l'éducation de 



GRAND AIGLE FAUVE. 187 

leurs petits une énorme consommation de gibier : les 
aiglons ont h un certain moment besoin de beaucoup 
manger, pour pouvoir fournir à la croissance des 
grandes plumes. La nature donne alors au père et à 
lamère uneaclivité, qui heureusement pour les liè- 
vres et les lapins du voisinage n'a rien de commun 
avec leur paresse habituelle. A ce moment, ce coup 
de feu qui dure un mois, ils n'ont pas de répit, les 
abords de Taire sont ordinairement encombrés d'ani- 
maux en putréfaction : heureusement que les cor- 
beaux ont l'œil à tout ce qui se gâte et Taudace d'aller 
le chercher jusque dans le nid de l'aigle. 

Tout bien considéré, ils risquent très peu; ils sont 
si adroits que, même dans un très petit espace, ils 
sauraient s'échapper. Le grand aigle fauve que j ai 
possédé de nombreuses années avait toujours une pie 
avec lui. et il n'y a sorte de méchancetés que cette mali- 
cieuse petite bête n*ait faites à son terrible et taciturne 
compagnon. Ils ne s'en occupent pas plus que des 
mésanges qu'on peut voir à la lunette rôder jusque 
dans les branches qui forment l'extérieur du nid. 

Les aiglons, à un mois et demi, sont gros comme 
père et mère. Leurs premiers vols sont assez timides. 
Les parents les suivent à ce moment avec une sollici- 
tude toute particulière; puis, petit à petit, quand le 
savoir du vol et de la chasse augmente, l'amour de la 
famille diminue, l'aire est abandonnée et chacun, peu 
à peu, finit par chasser pour son propre compte. 

L'accouplement de ces oiseaux n'a rien de particu- 
lier : la femelle est toujours posée sur un arbre ou 
sur un rocher: le mâle arrive au grand vol, l'acte dure 
assez longtemps, puis le mâle repart toujours. — Ce 
qui attire l'attention, ce sont les cris stridents qu'ils 



188 L EMPIRE DE L'AIR. 

poussent : ces animaux sont féroces en tout, même 
en amour. 

Il est bien rare de voir deux aigles ensemble^ excepté 
dans la saison où ils ont des petits. Ceux qu'on en- 
ferme dans des cages périssent tous de la même 
manière : un coup de serre qui leur traverse le cer- 
veau. 



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VAUTOURS 



Arrêfons-nous longuement à l'étude de ce type de 
vol, il esl plein d'enseignements utiles : c'est lui qui 
apprendra àThumanité à conquérir l'immensité des 
airs. 

Cette grande famille d'oiseaux résout le problème 
de la station dans l'air avec le moins de dépense de 
force; on pourrait même dire autrement, que c'est 
celle qui vole avec le plus de science. 

Les besoins sont, là comme partout, les dispensa- 
teurs des facultés. Il faut au vautour, pour vivre, 
qu'il puisse s'élever à une grande hauteur pour avoir 
un vasle champ d'observation, puis, qu'il puisse y res- 
ter longtemps sans se fatiguer. 

Aussi voyez sa construction : 

Poids très grand, ailes immenses comme longueur 
et comme largeur : sa grande surface le soutient, et sa 
masse lui permet une grande vitesse acquise. — Aussi 
nous le voyons, après quelques battements d ailes, se 
mettre de suite à planer, s'élever dans les airs et s'y 
soutenir, n'ayant comme force vive dépensée que le 
départ et la direction. — Certaines espèces, surtout 
les grosses, peuvent exactement, par un jour de vent, 
ne donner aucun coup d'ailes. 

La. vitesse chez celte famille n'est utile qu'aux 



VAUTOURS. • m 

petites espèces, qui sont les pourvoyeuses des grosses: 
aussi, les percnoptères, les auras, les urubus, ayant à 
produire dos mouvements plus divers, dépensent beau- 
coup plus de force. 

Voici au reste l'emploi d'une journée de vautour 
sur l'un ou l'autre continent : 

La nuit s'est passée, pour les grosses espèces, dans . 
les anfractuosités de rochers inaccessibles, oïl ils se 
réunissent à Tabri du vent, s'ils n'ont ni œufs ni 
petits. — Les cathartes, les percnoptères sont restés 
dans le bas pays ; ils sont moins farouches et beaucoup 
plus intelligents. 

Le soleil vient sécher la rosée qui mouille leurs 
plumes; les vautours étendent les ailes, font fonction- 
ner leurs jointures, cultivent les canons naissants avec 
le soin qu'on apporte au bon entretien d'un organe 
essentiel. 

 sept heures, nombreux battements d'ailes, sans 
quitter le perchoir, puis ils remettent la tête entre les 
épaules et reprennent leur air sinistre et abruti. 

Entre huit et neuf heures la brise commence ordi- 
nairement à se lever, le vautour plonge de temps en 
temps dans la vallée des regards de ses yeux uniques 
comme puissance dans la création; puis frappe 
quatre ou cinq fois lair et s'élance dans l'espace. — 
11 s'abaisse sans battre des ailes d'une cinquantaine 
de mètres et est ensuite en plein vol. 

Les petites espèces, un peu plus matinales, sont déjà 
à la besogne ou en quête. 

Les grands vautours se tiennent à des hauteurs 
variables suivant les espèces : les vautours fauves, 
les sarcoramphes papa sont ordinairement à 5 ou 
600 mètres en l'air; ils sont à peine visibles de la 



192 L'EMPIRE DE L'AIR. 

lerre. — Les arrians, les otogyps, les condors, se 
tiennent ordinairement beaucoup plus haut ; on peut 
estimer cette hauteur à 2 ou 3,000 mètres; ils sont 
tout à fait invisibles. 

Les arrians étudient les vautours fauves, qui, eux, 
surveillent les percnoptères, et les percnoptères soi- 
gnent les mouvements des milans et surtout des cor- 
neilles. 

En Amérique, les urubus sont surveillés parles aura^ 
les awra par les /?a/?a, et ces derniers par les condors. 

Comme tous ces grands rapaces établissent une 
sorte de réseau d'observation sur la terre, par cela 
même qu'ils se surveillent les uns les autres, sitôt 
qu'un repas est signalé, les voisins d'alentour se met- 
tent de suite en route dans cette direction, et ainsi de 
suite des autres, ce qui fait qu'on les voit réunis très 
rapidement. 

Ils sentent les cadavres, dit-on vulgairement. 

Ceci est un fait parfaitement inexact, impossible 
d'ailleurs lorsqu'ils se trouvent sur le vent d'une bête 
morte. Au reste, leur appareil olfactif est tellement 
peu développé, qu'il est insuffisant pour les guider, 
même de près. Pour s'en assurer, il y a une expérience 
très facile à faire, c'est de cacher de la viande, et 
faire venir un vautour ; il restera à côté sans la trou- 
ver, son odorat ne la lui révélera pas. 

La tournure de ces oiseaux a quelque chose de par- 
ticulier qui mérite d'attirer l'attention. 

Chez les vautours, en action de vol sans battement, 
par un vent de 5 mètres à la seconde, vitesse où 
ils peuvent le mieux développer leurs facultés, leur 
aspect, quand on les voit en l'air, devient intéressant 
à étudier. 



VAUTOURS. 193^ 

11 est clair que, pour pouvoir s'élever avec ce faible 
courant d'air, il leur faut déployer toute leur surface. 
A cette vitesse de 5 mètres, le percnoptère a le& 
ailes parfaitement rectilignes, le gypoierax cathar- 
toïde commence à faire passer ses pointes légère- 
ment en avant, le gyps fulvus les avance tellement ,^ 
que, si on prend la mesure de l'angle en avant qu'il 
produit, on trouve qu'il est de 165 degrés. L'otogyp^ 
oricou va plus loin : pour faire un croquis satisfaisant 
de sa tournure au vol, il faut arriver jusqu'à 140 de- 
grés. 



13 



NÉOPHRON PERCNOPTERE 



Poids 1750 gram., en moyenne. Surface 1°'*^,40*'^. 

Vaulour hardi, ne craignant rien. Sa chair est une 
infection : l'auteur en a goûté par force, et peut cer- 
tifier qu'il faut avoir bien faim pour en ingurgiter 
deux bouchées. 

Comme il est persuadé qu'il ne vaut pas le coup de 
fusil, il est très peu craintif, se laisse approcher à dix 
pas, surtout si on n'a pas les yeux fixés sur lui. 

C'est le vautour chercheur. 

11 plane bien, rame médiocrement ; mais a surtout 
dans le vol une particularité à remarquer, qui au 
reste est inhérente à sa construction : c'est le peu de 
fixité dans la direction. — Cela tient à ce que sa queue 
est faible et que ses ailes sont étroites. 

Tous les oiseaux qui n'ont pas de queue impor- 
tante, qui ont peu de largeur d'aile, et surtout qui ont 
rhabitude de voler les ailes très étendues, présentent 
cet effet. Leur vol change de direction à chaque in- 
stant. Les mouettes, goélands, sternes, font exception: 
cela n infirme pas cette règle, parce qu'ils ont l'ha- 
bitude de tenir leurs ailes très repliées, ce qui com- 
pense leur étroitesse en produisant un traînement. 
— Les types du vol rectiligne sont d'abord les oi- 
seaux qui possèdent peu de surface : chez eux la ligne 



NÉOPHRON PERCNOPTÈRE. 195 

droite, comme marche, est forcée; puis, tous les oi- 
seaux à queue longue et faible et à ailes larges : pie, 
paon, argus, elc. 

Le percnoptère est, dans les oiseaux de haut vol, 
le type de la variation dans la direction. On sent, en 
le regardant, qu'il fait des efforts constants pour se 
maintenir dans une ligne fixe. 

En captivité c'est un animal très doux, très familier, 
charmant même, cherchant toujours quelque chose. 

Il serait certainement un des amis de Thomme s'il 
n'avait un vice rédhibitoire qui force à l'exclure du 
voisinage des habitations : c'est son odeur affreuse. 



VAUTOUR FAUVE [Gyps fulvus) 



Nous sommes en face de notre desideratum. 

Attention au bec! on peut négliger les griffes; 
mais le bec est terrible, d'une force dont on ne se doute 
pas; les vêtements sont insuffisants, et ne protègent 
pas le corps d'une manière efficace. 

Une fois mort, gare les vomissements; c'est horri- 
ble d'odeur. Ce parfum n'est nullement fugace, il 
lient pire que le musc: tout le corps de l'animal en 
est imprégné. La chambre dans laquelle il restera 
seulement quelques heures conservera cette odeur 
nauséabonde pendant des mois entiers. 

Puis gare aux poux, ils sont de belle taille. 

Le premier de ces énormes parasites qu'on voit 
errer sur ses vêtements cause un étonnement indi- 
cible. Le plus bel exemplaire de la production arabe 
(et il y en a de bien beaux) n'est qu'un nain à côté de 
celui du vautour. Cependant, malgré ses énormes 
proportions, il n'est pas dangereux et ne s'acclimate 
pas sur l'homme. 

Mais, si on passe par-dessus ces petits ennuis, quel 
bel animal on a devant les yeux ! 

Cette fois c'est 2", 50 d'envergure, ce sont T^'^SOO 
que pèse cet admirable aéroplane animé; il n'y a 




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VAUTOUR FAUVE. 199 

après lui que trois ou quatre exceptions qui le sur- 
passent, sans cependant le faire oublier. Il est bien, 
en tous cas, leur frère comme similitude de vol. 

11 y a peu de choses à dire des otogyps, si ce n'est 
qu'il faut la plus grande attention pour les recon- 
naître dans un groupe. 

Quant aux condors, comme leur conformation est la 
même que celle des vautours de l'ancien continent, 
on. peut, sans rien hasarder, dire que leur manière 
d être dans l'air est sensiblement la même. 

Comme chaque chapitre de cette étude contient 
quelque aperçu sur le gyps falvus^ nous y renvoyons 
le lecteur, et lui recommandons l'étude spéciale de 
cet oiseau ; il fait mieux comprendre en cinq minutes 
le vol sans battement, qu'une longue étude de toutes 
les autres famijles d'oiseaux ensemble. 

La note dominante de ce vol, ce qu'il a de remar- 
quable, c'est la tendance très marquée à produire 
toutes les manœuvres par le planement, et d'éviter 
tout ce qui rappelle le rameur. Les otogyps et les 
arrians sont dans le même cas, ils exagèrent même 
cette tendance. Tous ces gros oiseaux ne frappent 
l'air que q^iand le vent est absolument calme : circon- 
stance atmosphérique très rare; et, comme le moindre 
souffle d'air leur suffit pour obtenir la suspension, 
c'est rarement la tranquillité de l'air qui les force au 
repos. L'humidité les gêne infiniment plus que le 
calme; il semble, à les observer, qu'ils redoutent 
beaucoup d'avoir les ailes mouillées. Les très grands 
courants d'air déroutent aussi l'économie de leur 
genre de vol : ils sont organisés pour bien voler par 
un vent moyen; aussi, quand le vent fraîchit trop, 
ils commencent à éprouver des difficultés ; et par la 



tJOO L'EMPIRE DE L'AIR. 

tempête, ils n'y sont plus, ils regagnent un abri et ne 
bougent plus. Gela vient de la grande largeur de leurs 
ailes, largeur qui, par le fort traînement qu'elle pro- 
cure, dérange complètement leurs aptitudes de loco- 
motion. 

Pour résister aux grands courants d'air, il faut ab- 
solument les ailes étroites : aussi observez les goélands, 
les pétrels, les albatros ; par un vent à tout carguer, 
vous les voyez en pleints action chasser avec ardeur, 
se mouvoir avec facilité; on comprend qu'ils sont dans 
leur élément : plus de battements ; ils sont alors plan- 
tés sur deux baguettes rigides, très arquées en dessous, 
effleurant la vague avec une précision étonnante ; la 
palpant même du bout des rémiges ; s'élevant et s'a- 
baissant avec elle sans jamais se laisser atteindre. Ces 
mêmes oiseaux, par un vent de 5 mètres, une légère 
brise, sont obligés de rester sur l'eau, occupés à bar- 
botter comme de vulgaires canards ; pendant que par 
ce même vent les grands voiliers décrivent avec succès 
leurs immenses cercles qui les transportent sans fati- 
gue à d'énormes hauteurs. 

Le vautour est donc l'oiseau qui peut accepter 
comme sustention suffisante le plus faible courant 
d'air; il est l'exagération de ce que nous pourrions 
dénommer le type de la station absolue. 

Je l'ai déjà dit et je le répète, un grand vautour peut 
voler sans fournir un seul battement. J'ai vu le fait 
suivant, non pas une fois, mais des centaines de fois : 
aux abattoirs des villes d'Orient, les vautours sont là 
en grand nombre, attendant le moment propice pour 
se jeter sur leur pâture en se soutenant dans les airs 
sans battre une seule fois. Ils montent à perte de vue, 
ils redescendent à 200 mètres du sol, vont au vent. 




3 









VAUTOUR FAUVE. 203 

avec le vent, à droite, à gauche, parcourent en une 
heure toute la contrée environnante pour voir s'il n'y 
a pas de bête morte plus facile à aborder, et font ce 
manège la journée entière; produisent 20 ascensions 
de 1,000 mètres chacune, 100 lieues de parcours ; et 
tout cela sans avoir frappé l'air une seule fois. 

Quandvouschasserezîegrand vautour àTatrût, regar- 
dez-le venir dans les airs : il n'apparaît pas comme un 
gros oiseau ; à la hauteur où il voyage d'habitude, il a 
exactement la même grosseur que les milans et les 
percnoptères ; il ne fait pas plus d'effet qu'eux. 

Vous le distinguerez cependant très vite à l'angle 
en avant formé par ses ailes, à l'absence de batte- 
ment, et surtout à la lenteur et à la régularité avec 
lesquelles il se meut dans l'espace : c'est là un signe 
infaillible pour le reconnaître à perte de vue. Sa gran- 
deur ne se comprendra que bien plus tard, lorsqu'il 
ne sera plus qu'à 2 ou 300 mètres; et, à partir de 
celte distance, il croîtra avec le rapprochement beau- 
coup plus que les autres oiseaux. 

Vous le distinguerez encore à la forme particulière 
des bouts de ses ailes. — On peut dire que c'est 
l'oiseau qui a les rémiges les plus écartées les unes des 
autres: il y a à l'extrémité, entre chaque plume, un 
espace vide de cinq largeurs de plume. 

Puis encore à une autre particularité : la rémige, 
au lieu d'aller en s'effilaut vers la pointe, est construite 
d'une manière inverse ; elle semble implantée dans le 
corps de l'aile par le bout mince ; la pointe se trou- 
vant sensiblement plus large que la partie qui semble 
s'attacher à l'aile et qui précède juste le grand élar- 
gissement des barbes. 

Ces grandes plumes larges du bout, espacées hors 



204 L'EMPIRE DE L AIR. 

de coutume, ont un galbe curieux qui ferait le 
bonheur des peintres s'ils connaissaient cet animal en 
liberté. 

A cette construction particulière viennent se join- 
dre des effets de torsion de rémiges qu'on ne voit que 
chez ces gros oiseaux. Il faut que les canons de ces 
plumes soient bien élastiques, car l'oiseau les soumet 
îi de terribles épreuves. Dans les efforts qu'il fait en 
cherchant à s'enlever, dans certains coups de pecto- 
raux bien appuyés, les pointes se dirigent juste au 
zénith : au reste, au point de vue de Taspect, de la 
ligne, tous ces gros oiseaux en liberté sont excessive- 
ment intéressants. Il y a, rien que dans la reproduc- 
tion de leurs allures inconnues des personnes qui ne 
les ont vus qu'en captivité, des motifs qui feraient le 
succès d'un peintre animalier. 

Mais il fau t la liberté ; autrement on n'a sous les yeux 
qu'un aigle immobile comme une borne, ou un vau- 
tour puant, qui s'ennuie à mourir, la tête engoncée 
entre les deux épaules : aspects qui n'ont rien de com- 
mun avec celui de ces deux rois des airs parcourant 
fièrement l'immensité des cieux. 

Ce qui prive souvent l'observateur de ces évolutions 
intéressantes, c'est la peur. A la moindre appréhen- 
sion ces gros oiseaux deviennent rameurs; ils veulent 
rnpidement se mettre hors de la portée du danger, et 
alors, développant toute leur puissance, c'est au plus 
vite et à grands coups d'ailes qu'ils se mettent à fuir. 

La puissance de leur vue doit être énorme; et il est 
rationnel de l'admettre, parce que ces oiseaux sont, de 
lous les volateurs, ceux que leur genre de vie force à 
avoir la vue la plus longue. 

Un passereau n'a pour champ de vision nécessaire 



VAUTOUR FAUVE. 205 

que quelques centaines de mètres ; un organe plus 
puissant serait sans emploi, et par conséquent atro- 
phié au bout de quelques générations ; les oiseaux de 
mer étudient la surface de Tonde de quelques di- 
zaines de mètres seulement ; ce n'est pas là non plus 
qu'il faut chercher ces lentilles parfaites, capables 
d'éteindre tous les rayons divergents. 

Les oiseaux de proie chasseurs, tels que les faucons 
et les aigles, se permettent Tétude du sol souvent de 
fort haut ; ces derniers surtout chassent quelquefois de 
4 à 500 mètres de hauteur. Mais qu'est-ce que cette 
distance comparée aux 5 ou 6 kilomètres et plus qu'il 
faut aux vautours pour étudier leur champ de re- 
cherche ! 

Il est judieieux de penser que le besoin constant de 
voir plus loin que les autres oiseaux leur a fait acqué- 
rir dans Torgane de la vue une perfection que les au- 
tres ne possèdent pas. Il faut donc absolument être 
invisible pour leur voir faire leurs évolutions extraor- 
dinaires, ou bien se trouver dans les pays sau- 
vages où ils n'ont pas peur de l'homme; et encore, là, 
avoir un costume qui soit couleur locale, sans cela ils 
ne descendent pas. 

Pour les voir, les observateurs français doivent se 
déplacer; il n'y a à proximité d'eux que les hauts pla- 
teaux de l'Auvergne centrale, les Alpes et les Pyré- 
nées 011 on rencontre, mais très rarement, le gyps 
occidentalis , qui est en plus petit le sosie du fulvus. 

Si le hasard n'intervient pas pour faire voir ce roi 
des planeurs, il faut lui venir en aide : la bête morte 
dans un endroit très isolé est le moyen suprême pour 
l'attirer. En Iraversant la Méditerranée et se rendant 
en Algérie, on est sûr, avec un appât, de le voir sur- 



?Ofi I/EMPIRE DE L*AIR. 

tout en automne ; car, le chercher dans le nord de 
rArrique^dansdesmois autres que septembre, octobre 
et novembre, est chanceux. Il y en «i certainement 
quelques-uns à toutes les époques de l'année, mais 
c'est seulement dans ces trois mois que, soit par suite 
d'une émigration qui aurait lieu annuellement du sud 
au nord, soit pour d'autres causes ils sont en plus 
grand nombre. En tous cas, même dans les pays oh 
il y en a beaucoup, ils ne sont pas abondants ; on peut 
rencontrer par hasard un vol d'une centaine, puis 
rester des années sans en revoir de près. 

C'est malheureusement l'oiseau inconnu de ceux 
qui étudient, car certainement 99 personnes sur 100 
ne l'ont jamais vu au vol. En Algérie, au Caire mênae, 
où pendant trois mois de Tannée il y en a tous les 
jours au-dessus de la ville, la plupart des Européens 
ignorent son existence. 

Mais, lorsqu'on se détange pour aller où on le ren- 
contre, lorsqu'on voit cet énorme animal, gros comme 
un mouton, s'élever d'abord péniblement, avec des 
battements dont les siflements s'entendent de 300 mè- 
tres dans le silence du désert; lorsqu'on le voit en- 
suite décrire ses cercles sans fin, on a sous les yeux 
un spectacle intéressant : tout être humain est cloué 
sur place, l'Arabe lui-même est émotiouné. On a ren- 
contré en lui le mouvement sous un aspect dont on 
n'avait pas d'idée : c'est quelque chose de ressemblant 
comme majesté et curiosité à l'effet produit par une 
locomotive en marche. 

Quand on voit voler un martinet, on songe à une 
mécanique; quand c'est une bécassine ou une perdrix 
qu'on a sous les yeux, on éprouve l'impression d'un 
ressort qui se détend; une mouette rappelle le mou- 



VAUTOUR FAUVE. 207 

vemeut perpétuel ou le balancier d'une horloge ; mais 
la vue du grand vautour amène tout de suite une idée 
d'imitation : c'est le parachute dirigeable qu'on s'in- 
génie à reproduire. — Ce que nous allons essayer 
de faire dans la troisième partie de cette étude. 



208 



L EMPIUK DK L'AIR. 









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THÉORIE DE L'AÉROPLANE 



Maintenant que nous sommes au courant des mou- 
vements des oiseaux, que nous avons pour ainsi dire 
vécu de leur vie, que nous sommes édifiés en un mot, 
cherchons à comprendre la base du vol des voiliers, 
c'est-à-dire la sustention de l'aéroplane animé, ou de 
son imitation l'aéroplane mécanique. 

Avant d'aller plus loin, je suis forcé d'énoncer une 
propriété de l'attraction sur les corps en mouvement: 
propriété qui est connue ou inconnue, je ne sais; 
mais qui en tout cas existe, c'est celle-ci : 

Qand un corps se meut^ son centre de gravité se dé- 
place^ et se transporte en arrière du sens du mouvement. 

Pour démontrer cette propriété de l'attraction, il 
faut s'adresser à un corps de forme régulière. Prenons 
donc une surface rigide, une feuille de carton ayant 
la forme d'un parallélogramme rectangulaire, d'un 
carré long : par exemple une feuille de bristol, de la 
forme ci-dessous (fig. 20). 

Son centre de gravité doit sensiblement correspon- 
dre avec son centre de figure ; il doit être en C, si 
le carton est bien homogène. 

Si nous prenons l'appareil par le point P, que nous 
le tournions la tranche en bas, et que nous l'abandon- 



THÉORIE DE L'AÉROPLANE. 2M 

nions à sa chute, pourquoi se produira-t-il un mouve- 
mentde révolution régulier du carton sur lui-môme? et 
dans quel sens se produira ce mouvement de rotation ? 
Dans le cas de la chute d'un corps présentant une 
grande surfaôe, nous devons écarter la chute perpen- 
diculaire, qui est impossible pratiquement, parce qu'il 



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FiG. 20. 

se trouvera toujours quelque imperfection qui désé- 
quilibrera l'action des surfaces sur la résistance de 
l'air, et donnera de suite naissance à un mouvement, 
soit dans un sens, soit dans un autre. 

Ce cas éliminé, faisons intervenir une force qui le 
décide à aller dans une direction : soit une imperfec- 
tion quelconque. 

Sous l'action du mouvement donné par la chute, le 
centre de gravité qui était en C s'est déplacé ; il s'est 
transporté sur la ligne CP (d'une quantité que je crois 
proportionnelle à la vitesse)^ et est venu se fixer en C. 

Les résistances que présentent les parties du carton 
séparées par ce nouveau centre de gravité ne sont plus 
les mêmes qu'auparavant; elles s'équilibraient sen- 
siblement avec le centre en C, maintenant avec le 
centre en C; il est clair que la surface HABI est beau- 
coup plus grande que la surface HDIE ; par consé- 
quent elles ne se font plus équilibre comme résistance. 

Qu'arrive-t- il alors? 



212 L'EMPIRE DE L*A1R. 

Il arrive forcément que la plus grande surface res- 
tera en arrière de la petite, puisqu'elle sera plus 
retenue par Pair; la tranche AB se soulèvera, la 
tranche DPE prendra l'avance, le carton finira par 
faire une révolution entière. Sous l'action du mouve- 
ment donné par la chute il y aura déplacement 







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21. 





constant du centre de gravité, et production d'un 
mouvement de rotation. — Ce mouvement une fois 
produit se répétera; c'est un véritable élancé de 
révolution, qui se poursuivra, entretenu qu'il est 
par chaque poussée produite par le déséquihbrement. 
Il s'accélérera même jusqu'au point où il sera équi- 
libré par la résistance de l'air. 

Nous avons remarqué que la chute du carton tour- 
nant sur lui-même n'est jamais verticale, mais qu'il 
se produit au contraire un écart constant de la per- 
pendiculaire, soit dans un sens, soit dans un autre : 
ce sens est déterminé par l'accident quelconque qui 
en décide; mais ce sens de tournement a cela de par- 
ticulier qu'il se produit toujours de la même manière. 
Étant donné le grand sens de direction, le mouvement 



THÉORIE DE L'AÉROPLANE. 213 

rotaloire a toujours lieu d'arrière en avant, comme 
dans la figure 21. 

Le grand sens de mouvement qui est produit par 
l'accident peut Têtre encore par une autre cause : il 
peut être fourni par l'inclinaison du carton au départ. 
Dans ce cas, la direction générale de la chute sera 
toujours la même que celle du carton. La rotation 
aura lieu ensuite, forcément et toujours, de dessous 
en dessus de ce sens, et jamais de dessus en des- 
sous. 

Si cependant nous prenons ce carton, et que nous 
le lancions fortement dans une direction, devant nous 
par exemple; mais en ayant soin de lui communiquer 
un mouvement de révolution dans lequel le haut doit 
passer en avant, c'est-à-dire une révolution contraire 
à celle que prendrait ce corps plat si nous n'interve- 
nions pas, et que nous lui laissions choisir son sens 
de torsion : il arrive que le mouvement imprimé se 
continue ; mais, ce qu'il y a de particulier, c'est que 
c'est aux dépens du sens de direction, — Ainsi, on 
a lancé violemment la carte devant soi ; si on l'avait 
abandonnée à elle-même, en tournant d'arrière en 
avant, elle serait allée tomber à environ 2 mètres, 
tandis qu'elle revient sur elle-même, en décrivant une 
courbe, et tombe aux pieds de l'expérimentateur. 

Dans les expériences qui précèdent nous avons 
admis que le corps plat a un centre de gravité qui 
correspond sensiblement à son centre de figure. 

Examinons maintenant l'effet produit par le cas 
contraire, c'est-à-dire, par un corps à grande surface 
dont le centre de gravité s'éloigne fortement du centre 
de figure. — Qu'arrive-t-il à notre surface rigide de 
carton si nous reportons le centre de gravité de A en 



214 



LEMPIRE DE L'AIR. 



B, au moyen d'un chargement qui Tamène environ 
à ce point (fig. 22) ? 

En l'abandonnant à l'action d'une chute, la tranche 
CD, en vertu de la résistance de l'air sur celte surface 
inégalement chargée, tendra h tenir le devant ; mais, 



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Fig. 22. 



sous Taclion de la vitesse produite par la chute, le 
centre de gravité abandonnera le point B, il viendra 
environ en A; si le poids n'est pas trop lourd et que 
la vitesse soit suffisante, il reculera même au delà, et 
le carton tournera encore sur lui-même, de dessous 
en dessus : le dessous se dirigeant, bien entendu, 
toujours en avant, dans le sens du mouvement qui se 
produit, autre que la verticale. 

Si le poids est trop fort, s'il ne permet pas au centre de 
gravité de se porter assez loin du côté de H sur la ligne 
GH, le carton cherchera bien à se retourner, mais il 
ne pourra y parvenir. Au lieu de faire une série de révo- 
lutions sur lui-même, il produira une série de ressauts. 

A chacun de ces ressauts il y a arrêt de vitesse 
de chute et de translation^ car elle s'est consomméii 
à faire d'abord changer de direction le carton, puis 
à le faire remonter. A ce moment d'arrêt, le centre 
de gravité retourne à sa place normale. Il se produit 
donc une nouvelle chute qui procure une vitesse 



THÉORIE DE L'AÉROPLANE. 215 

nouvelle, le centre de gravité recule de nouveau, 
la tranche CGD se relève jusqu'à équilibre, le carton 
s'arrête et retombe ; et ainsi de suite. 

Le graphique de la marche est donc (fîg. 23). 



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FiG. 23. 



A-t-on jamais vu un corps possédant une grande 
surface par rapporta sa masse suivre dans une chute 
une direction rectiligne, n'avoir pas de temps d'arrêt 
ou même de remontée ? ce genre de marche d'un 
corps ne peut se rencontrer ; cette loi de l'attraction 
s'y oppose. Ainsi, expérimentons avec la plaque de 
carton : nous aurons beau nous y prendre de toutes 
les manières possibles, nous n'arriverons pas à la 
faire tomber verticalement, pas plus que nous ne 
l'empêcherons de tourner sur elle-même; dans les 
deux cas elle prendra le mouvement de torsion dont 
nous avons déjà parlé. 



216 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Oa peut cependant y parvenir, mais pour cela il faut 
détruire Teffet de cette loi en communiquant à la pla- 
que un mouvement de rotation dans le sens de sa sur- 
face. Dans ce cas l'action du déplacement du centre 
de gravité n*a plus le temps de se faire sentir, et la loi 
semble détruite : elle n'est cependant qu'esquivée, pa- 
ralysée. 

Les ricochets que Ton fait faire aux pierres plates 
en les lançant horizontalement sur Teau offrent une 
démonstration de ce phénomène. On ne parvient à 
maintenir la face plate de la pierre parallèle à la sur- 
face de Teau qu'en lui communiquant un mouvement 
de rotation qui empêche le déplacement du centre de 
gravité. En lançant la pierre sans la faire tourner ho- 
rizontalement, au moyen d'un coup violent par exem- 
ple, elle se met tout de suite à tourner verticalement ; 
ce qui rend le ricochet impossible. 

Il resterait à parler, à propos de ces surfaces lan- 
cées avec un mouvement de révolution sur elles- 
mêmes, d'un autre mouvement lent de torsion qui se 
produit dans la marche de ces surfaces. Cette étude 
ne va pas jusque-là; puis, ce fait n'intéresse qu'in- 
cidemment la question qui nous occupe. 

Cet effet produit par le déplacement du centre de 
gravité, qui est très facilement appréciable sur une 
feuille de carton, est beaucoup moins facile à saisir sur 
les corps qui s'éloignent de la forme plate. Cependant, 
cette loi une fois bien comprise, avec un peu d'atten- 
tion on la voit se produire dans tous les corps en mou- 
vement d'autant moins qu'ils approchent davantage de 
la forme sphérique, et cependant la sphère elle-même 
y est soumise. 

Ne serait-ce pas cette force qui communiquerait 



THÉORIE DE L'AÉROPLANE. 217 

aux astres leur mouvement de révolution sur eux- 
mêmes ? Si Téther est pondérable, s'il est matériel, 
cela pourrait devenir une explication de ce phénomène. 

Question aux astronomes. — Y a-t-il des exceptions? 
Y a-t-il des astres qui tournent à contre-sens du mou- 
vement indiqué par cette loi ? 

Si maintenant, dans la chute de cette surface trop 
chargée à Tavant pour pouvoir se retourner sur elle- 
même, nous faisons intervenir une force corrective, 
qui ait pour action de faire remonter le carton : 
comme par exemple un pli que nous ferons sur la 
tranche EHF, nousarrivons à produire un mouvement 
qui a une tendance à Thorizontalilé, et cela d'autant 
plus exactement que la coupe de l'appareil sera plus 
parfaite et qu'il sera mieux équilibré. 

Nous sommes donc arrivés à l'aréoplane. 

Le vol des oiseaux voiliers repose exactement sur 
les faits que nous venons d'étudier : les plans de leurs 
ailes représentent la surface du carlon, et leur queue 
exerce la même action que le pli que nous venons de 
faire à l'arrière. 

La marche de l'aréoplane est donc devenue, grâce à 
l'action de ce pli correcteur, une série de chutes et de 
relèvements, tellement minuscules que la marche de 
l'appareil peut être représentée par une droite. C'est 
le même ordre d'idées que celui de la ligne courbe qui 
est composée d'une série de droites, que la circonl'é- 
rence qui est un polygone, etc. 

Très souvent un aréoplane produit, à part ces mou- 
vements imperceptibles, on pourrait dire théoriques, 
d'autres grands mouvements de chutes et de relève- 
ments : cela tient à ce que la correction du gouvernail 
n'est pas parfaite. 



ANGLE DE LA CHUTE 



De quelle quantité l'aréoplane tombe-t-il ? Quel est 
Tangle de celte chute ? 

Cet angle est variable, suivant : la perfection de la 
coupe, la surface et la masse de l'oiseau. — Il semble, 
d'après l'observation, qu'il puisse arriver jusqu'à n'être 
plus en grand qu'un angle de 10 degrés. — Un oiseau 
planeur parcourt ordinairement, dans le sens horizon- 
tal, cinq fois la longueur de sa chute. 

Comme ou le voit, il y a de la ressource dans un 
parcours pareil. On comprend comment avec le moin- 
dre secours du vent on peut réparer le déficit occa- 
sionné parla chute. On ne pense généralement pas à 
cette perfection dans le glissement ; un parfait pla- 
neur, bien lancée par un temps calme où il ne trouve 
aucune branche pour se raccrocher, pas la moindre 
brise pour s'aider dans la sustention, ne tombe cepen- 
dant pas d'une quantité appréciable, surtout si on le 
voit de bas en haut ;il semble pouvoir tourner indéfi- 
niment. 

C'est cette faculté de ne presque pas perdre de ter- 
rain comme chute, qui permet, en utilisant bien les 
propriétés de l'aéroplane et les accidents du vent, de 
produire le bénéfice dans le vol à la voile. 

Ce problème posé ainsi : Par un vent régulier et un 



ANGLE DE LA CHUTE. 219 

aéroplane fixe, serait un contre-sens, quelque chose de 
semblable au bénéfice de force que certaines per- 
sonnes cherchent dans le mouvement perpétuel. 

Je ne sais si je me suis bien fait comprendre à l'ar- 
ticle Explication du vol des voiliers? — Il est bien en- 
tendu queTaéroplane, oiseau ou machine, est placé à 
un point d'équilibre qui lui permet de tomber d'une 
quantité telle, que son centre de gravité en se portant 
à l'arrière arrive à relever l'appareil de la quantité né- 
cessaire pour produire le glissement le plus horizontal 
possible. Qu'en d'autres termes la chute est réduite à 
son minimum. 

Si maintenant, sous l'action de ce mouvement de 
translation, nous transportons rapidement très à l'ar- 
rière le centre de gravité en portant les pointes des 
ailes en avant, l'aéroplane sera donc forcé de monter : 
c'est la manœuvre de l'oiseau qui monte brusquement. 

Si les pointes sont transportées en arrière, le centre 
de gravité porté eu avant amènera la chute : c'est alors 
celle de l'oiseau qui plonge ; il le fait, au reste, toujours 
ayant les pointes des ailes très en arrière. Il n'y a pas 
d oiseau qui plonge les ailes étendues, parce que le fait 
est impossible : c'est le cas du carton qui ne peut pas 
choir verticalement. S'il l'essayait, arrivé à une cer- 
taine vitesse, il serait forcé par le déplacement de son 
centre de gravité, par le déséquilibrement des surfaces, 
de remonter forcément. — Aussi, à quelque type qu'il 
appartienne, l'oiseau pique-t-il toujours les pointes 
très en arrière. 

Les vieux fauconniers avaient remarqué que le 
faucon qui cherche à lier sa proie ne dépensait pas de 
force dans cet exercice, qui semble à première vue 
en exiger beaucoup. Ils s'en étaient assurés en étu- 



220 L'EMPIRE DE L*AIR. 

diant la respiration de l'animal qui n'est presque pas 
accélérée; qui en tous cas Test infiniment moins 
qu'elle ne Test par des exercices bien moins rudes, tels 
que par un battement consécutif de quelques minutes. 
— L'explication qu'ils en ont donnée est naïve; ils at- 
tribuaient au violent courant d'air le pouvoir de rafraî- 
chir l'oiseau. 

Nous comprenons maintenant que ce calme de rani- 
mai est naturel : il ne dépense, dans cet exercice épou- 
vantable, exactement que la force nécessaire pour se 
porter sur ses deux ailes déployées ; le retournemeut est 
produit, aux jj, par le déplacement du centre de gra- 
vité sous l'action de la vitesse. 

Cette faculté de déformation possédée par l'aéro- 
plane, qui permet de présenter des surfaces de gran- 
deurs différentes, au lieu de compliquer ce problème, 
en facilite au contraire la compréhension. — Dans la 
partie où il doit acquérir de la vitesse, l'oiseau ne 
présente que la surface nécessaire au parf^iit glisse- 
ment. Dans la remontée, il peut offrir à ce parcours 
toute sa surface, ce qui aidera singulièrement cette 
opération. — Si maintenant nous nous remémorons 
ce qui a été dit de la brièveté de cette remontée com- 
parée à la longueur de la carrière où s'acquiert la vi- 
tesse, de l'action génératrice du coup de vent, il sera 
facile de comprendre que, si on a l'adresse de choisir 
l'accalmie pour se procurer delà rapidité, etle coup de 
vent pour heurter cette vitesse acquise contre l'air 
animé, on aura rencontré une source de force capable 
de remonter l'aéroplane plus haut que le point d'où il 
est parti. 

Celte périodicité. du coup de vent est indéniable. Il 
n'y a pas encore^ que nous sachions, d'appareils pour 



ANGLE DE LA CHUTE. 221 

l'enregistrer: ils seraient cependant bien simples à 
construire; mais, en leur absence, pour se pénétrer de 
ce fait, on n'a qu'à se souvenir des hurlements succes- 
sifs de la bise d'hiver dans nos cheminées : cette har- 
monie lamentable est la meilleure démonstration qu'on 
en puisse donner. 

Tout vent se meut par à-coup et non par une mar- 
che .régulière, depuis la modeste brise, presque insen- 
sible, jusqu'au khamsine rouge du désert et au tour- 
billon du cyclone. 



DE LA RÉSISTANCE DE L'AIR 
A L'AVANCEMENT 



La résistance opposée par Tair^ la difficulté que l'aé- 
roplane oiseau ou machine éprouve à pénétrer ce gaz, 
est en raison de la perfection de sa coupe ; exemple : 

Il est clair qu'une chouette-effraie (strix flammea), 
qui a pour avant un vaste disque plat qui est sa laide 
figure, aura beaucoup plus de difficulté à pénétrer 
l'almosphère que rimbrim (co/ymdw^ glacialis), qu'on 
peut citer comme un modèle de coupe. — L'im- 
brim commence par un bec pointu comme une aiguille, 
l'ensemble de la tête est conique, elle s'emmanche sur 
un cou conique qui se lie à un corps conique. Quant à 
son arrière, il présente des surfaces d'effacement par- 
faites ; la contre-pression, Teffet des remous pourra 
s'employer d'une manière utile. Aucune force ne vien- 
dra se perdre ou se briser, soit contre de longues 
pattes, soit contre une longue queue à traîner : chez 
lui tout s'emmanche bien, glisse bien l'un dans l'au- 
tre, rien, n'accroche l'air; tout passe bien T un après 
l'autre. Mais, une fois lancé, quelle vélocité possède ce 
palmipède : c'est un boulet qui rase la mer, qui peut 
pénétrer des courants aériens qui font reculer tous les 
autres oiseaux. 

C'est quelque chose 'de semblable à ce qui se pro- 



DE LA RÉSISTANCE DE L'AIR A L'AVANCEMENT. 223 

duit dans la marche des bateaux. II est clair qu'une 
{îabare de la Seine, avec son avant carré, a bien plus 
de difficulté à trouer Félément liquide qu'un bateau 
à vapeur de rivière dont l'avant est traochant comme 
une lame de couteau. 

Quant h la résistance que l'aile éprouve pour pé- 
nétrer l'air, et la résistance présentée au maître-bau 
pour le corps, nous remarquerons que, quoique les 
ailes aient des formes bien variables comme longueur 
et largeur, elles ont toutes une forme creuse, très 
accentuée chez les oiseaux à vol faible, et s'atténuant 
comme convexité à mesure qu'on arrive aux oiseaux à 
vol paradoxal tels que : duc, frégate et martinet. 

Cependant, comme ensemble, cette forme creuse 
est générale. 

Elle est indispensable, pour pouvoir dans l'acte de 
sustention arriver sous Faction de la pression à la 
forme plate. 

Puis, même en conservant une courbure, c'est pour 
elle un faible obstacle à l'avancement dans le fluide. 
— Tout le monde a remarqué le peu d'eflTorts qu'il 
faut pour maintenir un parapluie contre le vent; cet 
eflTort est infiniment moindre que celui qu'il faudrait 
pour maintenir une surface plate égale à la tranche 
qu'il présente au courant d'air. 

Il y a certainement une pression de l'air sur la sur7 
face de l'avant, mais il faut qu'il y ait une pression 
contraire fournie par un remous. — Cette contre- 
pression ne semble pas égale à la pression directe, 
mais son infériorité n'est pas bien grande; elle est 
produite, peut-être, par les imperfections de la cons- 
truction, et à coup sûr par le traînement. 

Une surface d'une courbure parfaite recevrait une 



^-n L'EMPIRE DE L'AIR. 

poussée égale ou tratnement. (Ce théorème est pure- 
ment intuitif.) 

L* oiseau de grand vol, bien construit par dame na- 
ture, doit éprouver peu de résistance pour pénétrer 
Tair. — Nous n'irons pas jusqu'à l'aspiration ; non, 
mais d'après ce que nous avons observé des milliers 
de fois, la résistance est presque négligeable. 

A mesure que la construction de l'oiseau diminue 
comme perfection, la résistance s'accentue davantage. 

Pour que l'aéroplane machine jouisse de cette pro- 
priété de pénétration, il faut apporter à sa construction 
une foule de conditions dont on ne doit pas se dé- 
partir, sous peine de produire un appareil à chute 
rapide, lequel, au lieu de pouvoir produire par un 
temps calme Tangle minimum de lU degrés, ne four- 
nira qu'une carrière représentant un angle plus fort ; 
ce qui gênera de plus en plus Tascension, et finira, en 
s'exagérant, par la rendre impossible. 

Nous avons vu que l'avant doit être bien chargé et 
larrière aussi léger que possible. Que le redressement 
produit par la résistance de Tair, sous l'action de la 
vitesse, contre ce pli correcteur qui peut être une 
queue, doit être parfaitement juste ; enfin que les 
surfaces gauches, surfaces difficiles à décrire, soient 
bien comprises. 

. La résistance de Tair est presque nulle si les cour- 
bes présentées par Taéroplane sont bonnes. — Dans 
la nature ces courbes sont diverses, et leurs effets 
sont meilleurs en raison de leurs perfections. Il y a 
dans leur confection un point spécieux, difficile à 
expliquer, tout à fait sympathique. L'intuition est 
pour beaucoup, on pourrait dire tout dans leur com- 
préhension. C'est en somme exactement le même 



DE LA RÉSISTANCE DE L'AIR A L'AVANCEMENT. 225 

problème que : produire des courbes d*un boume- 
rang, un dessous de navire heureux comme vitesse, 
un projectile dont la forme lui permet d'aller plus 
loin qu'un aulre à charge égale ; toutes questions sur 
lesquelles les calculs ne pourront rien tant que les 
bases manqueront. 

On en est donc réduit à Tintuition pure ; la preuve 
en est, qu'on \oit des mathématiciens remarquables, 
en fait de constructions navales, faire des caisses, et 
des ignorants inspirés construire des bijoux, comme 
par exemple les embarcations de TOcéanie, ou, sans 
aller si loin, les biadés de Constanlinople et les pa- 
langriés d'Alger. 

Il y aura donc toujours des appareils réussis, et des 
constructeurs qui réussiront mieux que d'autres; tout 
comme il y a des constructeurs de canots et de na- 
\ires qui font de meilleurs marcheurs que leurs con- 
frères. 

La nature, au reste, n'est pas parfaitement explicite 
sur ce point délicat : ainsi, étudions-la seulement sur 
deux grands oiseaux, d'environ même masse, Faigle 
et le vautour ; nous la voyons arriver à la perfection, à 
la réussite parfaite, par deux moyens différents. L'aile 
de l'aigle est sensiblement semblable dans sa partie 
d'avant à celle des autres gros oiseaux. La partie qui 
fend l'air possède son plan de relèvement, formé par 
les deux premières plumes, et ce plan n'a de remar- 
quable que sa rigidité. — Chez le grand vautour, le 
procédé employé est totalement différent; dame nature 
n'a pas attaqué la difficulté en bloc, elle Ta tournée. 
L'avant de l'aile^ quand l'oiseau est en marche, oflfre le 
spectacle suivant: toutes les plumes se recourbent et 
s'élagent sous l'action de la pression du poids de l'ani- 

15 



226 L'EMPIRE DE L'AIR. 

mal et du courant d*air. Toute action d'ensemble des 
rémiges est supprimée : leur grand écartement les unes 
des autres empêche au reste toute solidarité. Chaque 




FiG. 24. 



plume a donc sa torsion, qui fait de chacune un plaa 
particulier de relèvement. 

Le type de ce genre d'arle estVoncou{otogt/ps auri- 
cularis, fig. 24). 



ÉQUILIBRE VERTICAL ET HORIZONTAL 



Pour déséquilibrer son aéroplane dans le sens ver- 
tical, le voilier se sert de sa queue, qui sous l'action 
<lu vent donne des directions tout comme un gouver- 
nail ; mais il a un aulre moyen bien plus énergique 
de déplacer son centre de gravité, c'est en changeant 
«on centre de figure, c'est-à-dire en variant la 
forme de sa surface et en la déplaçant par rapport h 
«on corps. 

Quand l'oiseau a disposé sa voilure de manière à 




FiG. 25. 

avoir un équilibre pratique, que son aéroplane est 
•réglé pour bien marcher, comme par exemple dans la 
figure ci-dessous (fig. 25) ; si un besoin quelconque 
l'oblige à monter brusquement, il n'emploiera pas 
:sa queue, surtout si elle est faible, parce qu'elle 



228 



L'EMPIRE DE L'AIR. 



n'aurait pas une action suffisante, mais il étend ses 
ailes en avant (fig. 26). 

Le centre de gravité et le centre de figure sont donc 




Fig. 2G. 



énergiquement porlés en arrière ; l'ascension et le re~ 
lèvement sont donc forcés. 

Si, au contraire, il prend Tallure suivante (fig. 27) : 




FïG.27. 

le centre de gravité porté en avant sollicite la chute. 

Ces déplacements produits par la position variable 
à volonlé des ailes, et la direction procurée par Tac- 
lion du vent sur la queue, font la direction dans le 
sens vertical. 

Quant à la direction dans le sens horizontal, elle 
est très simple. Elle est aussi presque toujours donnée 



ÉQUILIBRE VERTICAL ET HORIZONTAL. n9 

parle déséqui librement de Taéroplane, excepté chez 
les oiseaux à queue très ample, possédant un organe 
-capable de le diriger; ils s*en servent alors constam- 
ment : type naucler, milan. 

Quand un oiseau décrit un rond, l'aile du côté du 
-centre est toujours moins étendue que celle dont la 
pointe décrit la circonférence ; de sorte que, en voyant 
«n \oilier ployer légèrement une aile, on suit qu'il va 
tourner de ce côté. 

Le corps tout entier se prête à ce mouvement: 
l'oiseau se porte de ce côté, la queue, même rudi- 
oientaire, bien qu'elle agisse peu, apporte aussi 
son concours à l'exécution de cette manœuvre. — 
€'est chez les \olateurs une action instinctive, 
absolument, comme chez l'homme, de se servir des 
bras pour équilibrer les jambes. 

L'équilibre exact dans le sens de l'envergure 
n'existe jamais complètement; un côté est toujours 
plus lourd que l'autre, les surfaces ne sont pas exac- 
tement réparties. Les différences de poids et de sur- 
face ont pour effet de faire pencher le côté le plus 
chargé ou le plus petit, ce qui revient au même; de 
là viennent ces ronds qui sont toujours décrits par 
les aéroplanes, soit machine, soit oiseau. 

Pour obtenir la marche rectiligne, il faut faire in- 
tervenir une force corrective, qui dans l'aéroplane 
-animé est la vie. Dans la direction aérienne ce sera 
l'homme qui sera chargé de ce soin. 

On pourrait produire la marche rectiligne automa- 
tiquement dans les grands aéroplanes au moyen 
d'appareils électriques. Il suffirait pour cela de faire 
produire les contacts par du mercure qui chercherait 
5on niveau. 



Î30 I/EMPIRE DE L'AIR. 

Quand on regarde attentivement un voilier se mou- 
voir dans un grand courant d'air irrégulier, un& 
chose qui frappe le regard, c'est la rapidité avec la- 
quelle le centre de gravité est déplacé pour satisfaire 
aux besoins de la station et à la continuité de la di- 
rection. — Une bouffée de vent correspond instanta- 
nément à une flexion des ailes, les pointes sont por- 
tées de suite en arrière, le centre de gravité est par 
cette disposition nouvelle transporté à Tavant, et neu- 
tralise par conséquent l'effet de déplacement à Tar- 
rière que produirait cette accélération de vitesse du 
courant d'air. 

Cette manœuvre adroite, ponctuelle surtout, qui 
au premier abord semble faire partie de l'action ins- 
tinctive de l'animal, n'est cependant probablement 
au fond qu'un effet de mécanique simple. Ou peut 
assurer que ce changement de surface, ce transport 
d'équilibre, n'est nullement produit par un acte de 
la vie des nerfs d'action, mais est tout simplement un 
phénomène d'élasticité des muscles. — L'oiseau re- 
çoit le choc du vent sans y prendre garde, son atten- 
tion est portée ailleurs, ses ailes sont étendues avec 
une force moyenne habituelle. Si elles reçoivent une^ 
pression dépassant la tension des muscles, les poin- 
tes cèdent, reculent à l'arrière, et font automatique- 
ment la manœuvre nécessaire. 

Dans les machines aéroplanes, il sera indispen- 
sable et très facile d'imiter la nature dans cet acte : 
deux ressorts, d'une force calculée, maintenant les 
ailes dans une position de stabilité pratique, rempli- 
raient très bien l'emploi. 

D'après ce que nous venons de voir, les oiseaux 
voiliers voleraient souvent d'une manière incons- 



l'équilibre vertical et horizontal. 231 

ciente. — C'est au reste à quoi Tobservation atten- 
tive amène. Pour qui a bien étudié les planeurs, les 
trois quarts du temps il n'y a chez eux ni force, ni 
volonté dépensée; l'action directe de Tanimal se 
montre dans toute prise de décision, comme chan- 
gement d'allure et de direction. 

Cet ordre d'idées porte à penser au sommeil en 
plein vol. — Assurément aucun oiseau ne dort exac- 
tement en volant, mais cependant ceux d'entre eux 
qui sont assez bien organisés comme surface pour 
passer six ou huit heures en Tair, sans autre but que 
celui de se procurer de la fraîcheur, doivent arriver 
à un état qui en approche beaucoup; qui en tous cas 
est certainement, quoique en pleine action, un repos 
très réel. Cela doit être quelque chose de compa- 
rable au sommeil debout du cheval, qui conserve 
assez d'action pour satisfaire aux besoins de l'équi- 
libre de la station sur ses quatre jambes. 

Jusqu'où la mécanique automatique mènera-t-elle 
les aéroplanes? Il est facile d'entrevoir à première 
\ue que l'homme n'aura guère à intervenir que 
comme mise en marche, décision et arrêt, le reste 
du temps ses facultés pourront se porter à autre 
chose, et certainement toutes les questions de sta- 
tion se feront sans qu'il ait besoin d'intervenir à 
chaque instant. 



DD VOL THÉORIQUE 



Serait-ce à croire que Fauteur a osé rêver la possi- 
bilité de dépasser la nature dans les évolutions aé- 
riennes?... 

Assurément qu'avant de parler de faire mieux 
qu'elle, il conviendrait d'essayer de l'imiter; non 
pas comme ses maîtres dans l'art, mais seulement 
comme les intimes. — Mais enfin, puisque sérieuse- 
ment il y a pensé, et que malgré la non-expérimen- 
tation il peut y avoir du bon dans ces réflexions, 
nous oserons aborder la question du vol adapté à des 
combinaisons humaines. 

Nous sommes poussés à l'envisager ainsi par la 
nature elle-même : elle nous soulève par moment 
quelque coin du voile, dans certains exercices de ses 
enfants chéris. Effectivement, quand on s'obstine à re- 
garder l'oiseau, quand on dépense à cette étude 
une somme importante de temps, d'action et de ré- 
flexions, on est, rarement il est vrai, mais enfin 
quelquefois, de loin en loin, récompensé par la vue 
d'une manœuvre qui vous fait rêver. 

On se dit en la voyant : mais pourquoi l'oiseau, au 
lieu de se fatiguer à tourner, à ramer, à se démener 
d'une manière impossible, comme il le fait générale- 
ment, n'emploie-t-il pas loujours ce procédé si éco- 



DU VOL THÉORIQUE. 233 

nomique de force, qu'il vient d'uliliser devant nos 
yeux? 

La réponse est simple : s'il y a un être pour qui, 
une fois en Tair, temps est, nous n'oserions dire 
argent, mais vie, c'est bien l'oiseau. Ce sentiment 
<îst chez lui irréfléchi ; il est provoqué ordinairement 
par le grand excès de puissance qu'il possède, et 
comme rien n'est volontaire comme lui, il ne sait 
résister au désir et y court au détriment de sa force. 

La simple comparaison des différents genres de 
vol est déjà un pas fait dans cette voie; nous sommes 
arrivés à en choisir un comme plus abordable pour 
nous, et plus à portée de nos moyens d'imitation. 
Avançons encore d'un autre pas, et voyons dans 
les nombreuses manœuvres que fait notre type choisi, 
le grand vautour, quelles sont celles qui sont les 
plus faciles à reproduire et les plus avantageuses à 
notre individualité. Puis, tout en faisant ce choix, 
«i nous rencontrons quelque bonne idée, analysons- 
la froidement et sans timidité ; en l'exagérant, nous 
arriverons peut-être à quelque chose de nouveau. 

Assurément que, lorsque l'homme sera arrivé à se 
mesurer avec les courants d'air, il apportera dans cet 
art son ingéniosité, qui lui permettra, non seule- 
ment d'imiter la nature, mais même de la dépasser. 
— Ainsi, il ne lui sera pas impossible de faire un voi- 
lier plus lent que le condor et l'oricou, et un ra- 
meur plus véloce que la sarcelle : il le fera en exa- 
gérant les quahtés de ces vols différents. — Mais, où 
il brillera davantage, c'est dans l'étude approfondie 
de la science du vol. 11 ne sera pas distrait comme 
l'oiseau par le besoin et la peur; comme chez lui 
tout mouvement sera prévu et calculé, tout obstacle 



234 î/EMPIRE DE L'AIR. 

à la vie \aincu d'avance, il n'aura à s'occuper que- 
de sa manœuvre, et il le fera résolument avec la 
science qui le caractérise. 

Comme mode de locomotion, sans parler du che- 
min de fer, du bateau à vapeur et du ballon, il a in- 
tenté deux procédés nouveaux, de toutes pièces, qui 
n'ont aucune racine dans la nature : nous voulons^ 
parler du patin et du vélocipède; pourquoi alors ne 
perfeclionnerait-il pas un sujet tout trouvé, et que 
rien ne garantit être arrivé à sa dernière limite ? 

Lorsque la première frayeur aura été surmontée^ 
lorsque Thorreur du vide sera maîtrisée par l'habi- 
tude, l'inlelligenee humaine, après avoir essayé toutes 
les allures des oiseaux, voudra les perfectionner- 
L'homme alors se dira : voyons s'il n'y a rien au 
delà. — Alors, muni de surfaces excessivement va- 
riables, il essayera Fascension vent debout, il pro- 
duira l'ascension vent arrière, sans décrire de cer- 
cles, et surtout la marche en arrière. 

Pour le vent debout, il y aura à étudier si l'ascen^ 
sion directe, même en avançant sur le vent, comme 
cette manœuvre d'aigle déjà décrite, est plus avan- 
tageuse par les bons vents que Tascension en ronds 
en perdant du terrain pour le regagner ensuite. Ce 
dernier procédé est celui employé ordinairement par 
les oiseaux, mais comme nous savons qu'ils peuvent 
faire mieux, il faudrait peut-être expérimenter. Les 
oiseaux sont comme tous les êtres inférieurs : ils 
n'aiment pas travailler longtemps de la tête, et les 
ronds leur permettent de se distraire à l'étude de 
la recherche de la pâture; comme nous n'aurons à 
nous occuper que d'aller le mieux possible, et que 
nos facultés de combinaisons sont autrement puis- 



DU VOL THÉORIQUE. 235^ 

santés que les leurs, celle attention ne sera pour 
nous qu'un jeu. 

Pour le vent largue, rien n'est plus simple, il n y 
a pour ainsi dire qu*à se laisser porter. Les voiliers 
dans l'exécution de cet exercice ont l'air heureux ; 
on sent qu'ils ne travaillent ni de corps ni d'esprit, 
siirlout si le vent est assez actif pour bien porter. 
S'il est faible, il faut en venir aux ronds de temps 
en lemps; mais quand il est suffisant, c'est certaine- 
ment le système de marche le plus commode et celui 
qui sera le premier réussi par Thomme. — Ce. sera 
en tous cas l'ordre de marche qui suscitera le moins 
d'embarras, et que Thomme utilisera autant que l'oi- 
seau s'en sert peu, étant toujours trop pressé d'arriver. 

Un vent vif doit pouvoir permettre l'ascension di-^ 
recte, vent arrière, en présentant la tête et se lais- 
sant enlever et reculer ; et même en présentant la 
queue, c'est-à-dire filant avec le vent par l'accalmie 
et offrant un angle en piquant légèrement de la tête 
par le coup de vent. — Ces deux procédés nous sont 
indiqués par les voiliers , mais si rarement qu'on 
peut dire qu'ils ne sont pas dans leurs cordes. — Par 
les bons vents, lorsqu'on aura à aller où le courant 
d'air mène^ l'ascension et la marche ne se feront pas 
autrement. 

En somme, en admettant qu'on ne trouve rien 
d'exactement nouveau, il n'en restera pas moins un 
choix de manœuvres , exécutées spécialement par 
l'homme, qui constitueront ce qu'on devra nommer 
le vol type humain. 

Résumons-nous donc, et disons : 

Quand un corps entre en mouvement^ son centre de- 



236 L*EMPIRE DE L AIR. 

gravité se déitlace dam le sens du mouvement d'une 
quantité qui est proportionnelle à la vitesse. 

La direction aérif^nne peut être obtenue de deux 
manières dans l'ordre d'idées du plus lourd que 
Tair : 

1" Par des machines à propulseurs; 

2* Par des aéroplanes sans propulseurs. 

La première série est tout à fait hors de ce cadre ; 
la mécanique, en se perfectionnant, arrivera à une 
foule de solutions différentes telles que : ailes de 
rameurs, héhces, fusées, etc. 

La deuxième manière, c'est-à-dire Taéroplane sans 
propulseur, est l'objet de la présente étude. Ce qui 
est démontré dans le courant de cet ouvrage permet 
d'affirmer : 

Que dans le vol des oiseaux voiliers (vautours, aigles, 
oiseaux qui volent sans frapper Tair) V exhaussement 
eH produit par l'emploi adroit de la force du ventj 
et la direction par f adresse; de sorte qiCavec un vent 
moyen ^ on peut avec un aéi^oplane qui nest pourvu 
d aucun appareil pour s exhausser^ s'élever dans les airs 
et se diriger^ même contre le vent. 

L'homme peut donc avec une surface rigide, bien 
organisée pour pouvoir être dirigée; répéter les exerci- 
ces d'ascension et de direction que font les oiseaux pla- 
neurs, et naura à dépenser eyi fait de force que celle 
nécessaire à la direction. 

Quant à la forme de ces aéroplanes, nous n'en par- 
lerons pas à ce chapitre parce que le problème peut 
être résolu, comme on le verra, par une foule de for- 
mes et moyens différents. Cependant tous ces appa- 
reils, quoique très dissemblables, sont tous basés sur 
€ette idée : 



DU VOL THÉORIQUE. 237 

V ascension est produite par F utilisation adroite de la 
puissance du vent, et nulle force autre n'est nécessaire 
pour s'élever. 

Certainement qu'il sera bien difficile, pour beau- 
coup de gens, d'admettre qu'un oiseau, par un vent 
moyen, peut rester une journée entière dans les airs 
sans dépense de force. On essayera de faire intervenir 
des pressions indiscernables, des battements imper- 
ceptibles. — 11 est de fait que l'esprit humain ne 
se prête pas facilement à admettre cette affirmation ; 
* elle Télonne ; il cherche à s'en défendre au moyen 
de toutes les échappatoires qu'il pourra trouver. — 
Tous ceux qui n'ont pas vu, lorsqu'on leur parle de 
Tascension sans dépense de force, ont de suite à la 
pensée la phrase suivante : il y a des mouvements qui 
vous ont échappé. 

Il arrive même que l'observateur superficiel ou 
d'occasion, qui s'est trouvé de par le hasard en face 
de cette évolution bien exécutée, en y repensant plus 
tard, sent le doute envahir son entendement ; le fait 
lui semble si insolite, et un tel contre-sens, qu'il se 
demande s il a bien vu. 

Cette observation, pour être indéniable, demande 
à être faite, et cela absolument, sur les très grands 
vautours seulement; et voici pourquoi : c'est parce 
que les autres oiseaux qui s'élèvent par ce procédé 
dans les airs n'exécutent pas ce problème de décom- 
position de force dans toute sa simplicité. 

Si nous étudions les petits oiseaux, nous voyons 
des volaleurs de 50 grammes, martinets, guê- 
piers, par certains temps d'orage, se livrer à cette 
manœuvre lorsqu'ils sont très haut. Mais, les aurait- 



^38 L'EMPIRE DE L*AIR. 

on éludiés à la lunette, avec toute la précision dési- 
4'al)le, comment ne pourrait-il pas rester de doute, 
lorsqu'on songe à la puissance du martinet, qui, d'une 
simple pression de ses pectoraux^ peut dans certains 
cas se projeter à plus d'un mètre. 

Les milans, buses, busards, lorsqu'ils se haussent 
en tournant, ont un vol assez compliqué pour per- 
mellre au doute de venir; celte mauière parliculière 
de présenter le plan d'une aile sous un angle différent 
■de celui de Faulro embrouille l'analyse et prête à 
toutes sortes d'échappatoires. 

Le percnoplère, le petit aigle, ont des irrégula- 
rités dans Tascension qui autorisent presque la dis- 
<;ussion, surtout lorsqu'on ne les a qu'accidentelle- 
ment sous les yeux. 

Les cigognes, les grands oiseaux de mer ne sont 
pas concluants. 

11 faut, pour arriver à la démonstration rigou- 
^reuse, indéniable, dépasser le grand aigle, qui se 
prête peu à ce genre d'étude, et arriver absolument 
aux vautours. 

La théorie n'ouvrait pas cette voie; puis, on peut 
considérer comme lettre morte son dire, lorsqu'il 
5*agit d'un fait aussi grave que celui de lui confier 
son existence. L'observation a une action morale 
infiniment plus persuasive; seulement, hélas 1 elle 
est impossible dans la plupart des cas. — Ce n'est 
assurément pas à Paris qu'on se convaincra ; ce n'est 
même pas en Europe, où les modèles sont si rares, 
qu'on peut passer des mois sans les rencontrer. 

C'est en résumé une voie nouvelle tracée à l'étude ; 
c'est celle par laquelle nous sommes arrivé, et que 
devront suivre absolument tous ceux qui voudront 



DU VOL THÉORIQUE. 239 

«e persuader. En s'y livrant, on verra se reproduire 
tous les fails que nous avons relatés sur le vol des 
oiseaux, et probablement encore d'autres qui nous ont 
échappé. 

11 faut absolument avoir vu ; car voir, seulement 
une fois, vaut mieux que tout un volume d'explica- 
tions. Alors, dans ce cas, lecteur qui vous intéressez 
à cette recherche, allez voir, faites ce qu'il faut pour 
vous édifier. Cherchez les pays où se rencontrent les 
modèles qui produisent ces démonstrations ; et quand 
vous les aurez vus quelques instants, étant déjà ini- 
tié, la compréhension .viendra tout de suite. 



APPLICATION 



Nous voici arrivés à l'application. 

Il h'agit trimiter ce que nous avons vu et ce qui nous 
a été démontré. 

Pour bien imiter, il n'y a qu!à se laisser aller tout 
simplement; les modèles sont là, prenons le meilleur, 
celui qui s'adapte le mieux à nos désirs, à nos apti- 
tudes, et reproduisons-le. 

Faisons donc notre choix dans celte série d'êtres. 

La première question à se poser est celle-ci : Quels 
sont nos besoins ? que voulons-nous être ? que vou- 
lons-nous pouvoir faire? 

Les rameurs sont nécessairement misde côté, puis- 
que nous n'avons pas la puissance ; la question est 
donc de suite simplifiée de moitié. 

Mais ensuite, dans cette série de types de voiliers^ 
lequel devons-nous prendre? 

A coup sûr celui qui dépense le moins de force, 
car nous n'en avons que juste ce qu'il faut pour la 
direction. 

Les vautours sont donc tout indiqués comme mo- 
dèles: en effet, que désirons-nous ? pouvoir monter 
sans fatigue, par un vent ordinaire, et de Ih. nous di- 
riger où nous voulons. 

Si nous avions à braver l'orage, il faudrait pren- 
dre les voiliers à ailes étroites, mais nous n'en 



APPLICATION. 2H 

sommes pas encore là, nous voulons nous contenter 
de stationner aisément dans Tatmosphère ; et si le vent 
devient trop fort, fuir sans honte devant lui et nous 
mettre à Tabri. 

Nous n'avons ni à faire des manœuvres difficiles 
comme les autours ou les oiseaux de nuit, ni à repro- 
duire des exercices de lutte comme Taigle, mais tout 
simplement à aller comme nous pourrons, le plus 
simplement possible, par un temps de choix. 

11 est donc rationnel que pour les premiers essais 
nous prenions pour objectif les grands voiliers, que 
nous exagt'irerons pour augmenter la sustention,afinde 
pouvoir être de suite en plein vol, et surtout pour n'avoir 
pas à craindre, lorsque nous voudrons nous poser, ces 
chocs qui sont la répulsion de Tinslinct humain. 

L'appareil y perdra certainement comme maniabi- 
lité; il ira moins bien contre les vents un peu accen- 
tués; mais pour commencer, c*est bien suffisant. — Plus 
tard, lorsque nous serons habitués à avoir le vide au- 
dessous de nous, nous corrigerons ces petits défauts. 

Voici un résumé de mes essais. — Ils aideront à 
faire comprendre les difficultés qu'il y a à créer une 
machine simple, quand on est constamment tenu en 
lisière par deux questions de base, dont il faut à cha- 
que instant tenir compte : je veux parler du poids et 
de la résistance des matériaux. 

Je laisse le côté anecdotique, qui a cependant eu 
une importance énorme; mais ces peines et ces écœu- 
rements importent peu à l'humanité ; elle ne demande 
à connaître que les résultats. 

Voici les principaux essais que j'ai faits ; je les 
juge bien froidement, étant à vingt-cinq années de 
distance du premier. 

16 



PREMIER ESSAI 



Un bâli léger, en perches souples et fortes de châ- 
taignier, ayant la forme du corps d'un oiseau. 

J'étais placé horizontalement, le torse supporté par 
une toile. Les jambes manœuvraient des cordes qui 
passaient sur des poulies et faisaient mouvoir les ailes. 
€et appareil n*a pas été fini ; il était mal conçu ; les 
bois pliaient, les poulies coupaient les cordes ; c'était 
«ne ébauche. 

J'étais trop influencé par les rameurs, c'était un 
mélange du planeur et du rameur. J'ai abandonné. 



DEUXIEME ESSAI 



Poussé beaucoup plus loin que le premier. 

Un bâti en bois, remarquablement fait comme 16- 
•gèreté et puissance, recouvert d'une feuille de caout- 
<;hoûc afin de pouvoir l'essayer sur l'eau. 

J'étais debout, actionnant les ailes par un méca- 
nisme assez défectueux que je passe. 

Les proportions de l'appareil étaient assez grandes. 

Là, j ai commencé à me heurter contre un écueil 
terrible, qui m'a causé alors et depuis bien des dé- 
convenues ; je veux parler du fléaulement. 

Lorsque j'ai mis en mouvement les bâtis des ailes, 
41 y a eu dès ruptures ; ils n'ont pas pu résister* — 
Abandonné, 

Lorsqu'on s'attaque au fléautemenl, on a toujours 
-des déconvenues^ parce qu'on est retenu par le poids, 
et qu'il est difficile de faire fort sans faire lourd. 

Ces échecs font reporter les yeux sur les œuvres 
-delà nature ; on étudie alors les moyens qu'elle em- 
ploie pour trancher ces difficultés. 

Elle est comme toujours miraculeuse ! il ne reste 
qu'à se prosterner devant ses merveilles. 

Je me bornerai à appeler l'attention sur quelques- 
unes, sur une rémige de martinet par exemple, qui, 
irisée, éraillée, se redresse, se répare toute seule. 



1244 L'EMPIRE DE L'AIR. 

par son élaslicilé, sa vie propre, et qui au premier 
frottement se remet en place. 

Un humérus de pélican est un gros os qui a un 
poids négatif, si j*oserais m'exprimer ainsi. Quand on 
le prend, son poids surprend comme le fait une masse 
d'aluminium qu'on soulève. Il n'a pas la pesanteur na- 
turelle ; et cependant sa résistance est étonnante ; elle 
est due à une série d*aiguilles en os, qui le traversent 
dans tous les sens et font autant d'arcs-boutants. 

Et lorsqu'elle se mêle de faire des tissus et des res- 
sorts, quelle perfection ! — Les oiseaux ont un ten- 
don élastique, qui part delà lête de Thumérus et va 
s*attacher à Temmanchement de la main ; ce qui fait 
pour un pélican une longueur de 60 centimètres. 
C'est une corde élastique à tension égale ; chose 
rare. 

Quant aux tissus, c*est la feuille de caoutchouc 
vivante : voir et palper, pour s'en faire une idée, les 
ailes des grandes chauves-souris, ou seulement la 
poche d'un pélican. 

Cet essai était un progrès, il y avait bien toujours 
l'influence du rameur, mais, par la position debout, 
j'attaquais sérieusement la question du déplacement 
du centre de gravité. — Les articulations des ailes 
étaient bien pensées ; cependant j'avoue que c'était 
autant rinstînct qui m'avait poussé à les faire que le 
raisonnement. — Le fruit n'était pas exactement 
mûr; 



TROISIEME ESSAI 



Influencé par la déconvenue du deuxième essaie 
je combinai l'aéroplane suivant : 

Deux ailes parfaitement réussies comme légèreté. 

Elles étaient construites en hampe de fleur de 
grand agave; bois très léger, fibreux et résistant. Il n'y 
a pas en Europe des matériaux de celte qualité : je ne 
connais que le nambag du haut Nil qui soit plus léger. 
— La densité du premier est environ quatre fois celle 
de la moelle du sureau, et celle du second deux fois* 
seulement. 

Voici les détails de l'appareil (fig. 28) : AE^ humé- 
rus, radius et cubitus, figurés par deux planches 
évidées et renforcées, sur lesquelles venaient se fixer 
c.ÇyCjC... les hampes d'agave ayant une bonne cour- 
bure, amincies, remplissant parfaitement l'emploi. 

Les deux ailes étaient reliées entre elles en BB par 
deux charnières, malheureusement trop élémentaires. 
Je me plaçais dans l'espace C, suspendu par des cour- 
roies fixées en D. Deux courroies me passaient sur les 
épaules et deux autpes entre les jambes. 

Aux points EE venaient se fixer deux barres de bois 
qui s'attachaient à mes pieds et servaient à actionner 
les ailes. 

Étant debout, muni de cet appareil, j'avais la char- 



248 L*EHPIRE DE L'AIR. 

nière de devant à la hauteur du creux de l*estomac, 
les deux bras appuyant sur chaque planche et fixés 
par des courroies. 

Le transport du centre de gravité se faisait en me 
déplaçant h la force des bras dans Tespace C. 

L'appareil pesait 15 kilog. : c'était trop léger, les 
bois étaient un peu faibles ; ils avaient craqué sous 
l'action d'essais violents de la force de mes jambes, 

11 y avait du bon dans cet aéroplane, mais il avait été 
fait trop précipitamment. — L* essai fut fait par un 
vent trop fort; je ne voulais pas me montrer, je fus 
obligé de saisir un moment où j'étais seul. — Je me 
mis donc dehors avec mon appareil, je courus contre 
le vent : la sustention était très forte. 

Je n avais pas confiance, je l'ai dit, en la solidité de 
mon aéroplane. — Un coup de vent violent survint : 
il m'enleva ; je pris peur, je cédai devant lui et me 
laissai renverser. — J'eus une épaule luxée par la 
pression des deux ailes, qui avaientété ramenées l'une 
contre l'autre comme celles d'un papillon au repos. 

Des circonstances, qu'il est inutile de relater, fi- 
rent que je ne pus renouveler ces essais. 

Il y avait du bon dans cette expérience. — Si j'a- 
vais été libre de recommencer avec le même appareil, 
renforcé, j'aurais repris confiance, surtout en es- 
sayant sur l'eau, afin de ne pas craindre la chute; et 
je crois que, tout imparfait qu'il était, j'en aurais tiré 
quelque chose d'intéressant, malgré l'insuffisance des 
déplacements, et par cela même de la direction. 



QUATRIEME ESSAI 



10 mars 1878. — Je vais le mettre sur chantier. 

Je crains que ma mauvaise santé ne me permette de 
le mener à bien. 

A six mois. 

Août 1879. — Une année et plus est passée, et je . 
n'ai rien pu produire. Je renonce. Je me rends. 

Voici ce que je voulais faire; c'est le même appa- 
reil que le troisième essai, mais perfectionné. 

Je remplace les planches renforcées qui faisaient 
fonction de bras, par une espèce d'échelle double; 
ces planches étaient trop légères, pliaient, n'avaient 
pas une tenue suffisante (voir fig. 30). Elles sont 
à angle plus prononcé que ne Tétaient les planches 
précédentes; c'est pour donner plus de base à l'appa- 
reil . 

Les points d'attache des ailes et de suspension du 
corps sont réunis, simplifiés, et offrent plus de sécu- 
rite. 

Les attaches des bretelles et des courroies de sus- 
pension, qui étaient fixées aux bois, aussi près que 
possible de l'axe de flexion, sont maintenant fixées à 
l'âme même de la charnière ; il n'y a donc plus de 
force perdue. 

Ces attaches sont multiples pour pouvoir offrir 
toute la sécurité désirable (fig. 29). 



250 L'EMPIRE DE L'AIK. 

L'espace desliné à recevoir le corps est toujours 
vaste, de manière à pouvoir permettre, sous Factioa 
des bras, les déplacements du centre de gravité. 

Après mûre réflexion je suis arrivé à trouver ce 
moyen de direction insurfisant, surtout pour les chan- 
gements brusques de direction verticale. J'ai cru 
obligatoire de lui joindre la flexion des ailes, pour 




FiG. 29. 

pouvoir manœuvrer sérieusement, et u'êlre pas à cha- 
que instant en perdition et obligé de mettre l'appareil 
en V. 

Le point difficile, Técueilest la charnière. — J'en 
ai trouvé plusieurs très bonnes, mais trop compli- 
quées. 

Tout bien réfléchi, une charnière simple peut suf- 
fire, à la condition d'y joindre l'appendice A qui fait 
levier et la fixe (voir fig. 30). 

Cette planchette fait l'office de main, les rémiges 
y isont fixées. Je les fais cette fois en gros joncs de 
3 centim. de diamètre et longs de 2 mètres : on en 
colle deux ensemble et on les taille dans la forme dési- 
rable. 



QUATRIÈME ESSAI. 253 

Ces joncs sont bon marché, ils ne valent aux Indes 
que 50 cent, l'un. 

Pour actionner la main, on peut se servir de ce sys- 
tème qui est tout à fait simple {B, fig. 30). 

Effectivement, en repoussant les manettes, on 
commence par se repousser soi-même contre la 
charnière d'arrière, ce qui fait reculer un peu le cen- 
tre de gravité ; puis, en forçant, l'aile est obligée dô 
tourner sur son pivot P et le bout de Taile est amené 
en avant, ce qui reporte encore en arrière le centre de 
gravité. 

Ces deux mouvements se complètent, ils com- 
mandent même la queue, comme on peut le voir sur 
la figure d'ensemble. Cette queue a pour point d'atta - 
che les bouts des barres c,c'. Elles n'existaient pas 
dans l'essai précédent, je les ai ajoutées pour donner 
plus de stabilité à l'appareil. Les ailes sont actionnées 
par les bras qui ont des attaches en C pour les coudes, 
et en D pour les mains ; ils feront plutôt leur partie 
dans la direction que dans les courtes ascensions 
qu'on pourra se permettre. 

Comme il faut tirer parti de tout, qu'on peut avoir 
besoin, pour partir, de s'aider de quelques battements, 
j'ai pensé que les jambes et les reins, qui sont si puis- 
sants, pourraient donner la sustenlion pendant quel- 
ques instants : comme, par exemple, donner quelques 
coups d*ailes pour le départ ou l'arrivée, ou encore, 
pour accélérer la marche ou la soutenir au besoin, de 
manière à permettre un abordage commode. 

Elles sont donc actionnées par les jambes, voici 
comment : 

A la chaussure sont fixés des étriers portant une 
boucle. A cette boucle viennent se fixer deux joncs 



*254 LEMPIRE DE L*AIR. 

par des pitons, qui ont lenr attache h une partie résis- 
tante de l'aile, au point E (tig. 30). Comme, en les 
tiranti les pieds tendent à s'écarter, on les réunit au 
moyen d'un crochet et d'une boucle fixés à la hauteur 
de la malléole interne. D'un mouvement on peut les 
déclancfaer, ce qui alors rend la marche possible. 

Ces deux joncs, qui sont réunis comme le serait un 
bâton qui serait fendu dans le sens de sa longueur, 
transmettent la tension d'abaissement de l'aile sans 
difficulté; ils font alors l'effet de cordes. Quant à la 
pression de relèvement qu'ils ont à communiquer à 
l'aile, il se présente là une difficulté : il faut qu'ils 
remplissent l'office de barres rigides dans tous les 
cas autres que celui de l'abordage, où ils doivent alors 
l'emplir le rôle de ressorts. 

Pour obtenir ces deux effets divers et contraires, il 
faut pouvoir lier rapidement ces deux joncs : on y 
parvient en faisant glisser un anneau qui vient les 
unir. — Dans le cas d'abordage, on relève l'anneau 
au moyen d'une corde, et alors les deux joncs, pou- 
vant s'écarter, esquivent ainsi les secousses terribles 
des atterrissements qui briseraient l'appareil. 

11 y aurait encore à décrire une foule d'accessoires, 
iels que : engin pour éviter le trop grand écartement 
des ailes, moyen de les fixer dans une position de 
marche pratique, de manière à pouvoir prendre une 
position plus commode et plus rationnelle pour le vol, 
etc., etc. 

Le cadre de cette étude ne comporte pas tous ces 
développements, ri faut nous restreindre ; et cepen- 
dant, qu'il y aurait encore à dire!... 

Je me suis bien rendu, c'est vrai, mais comment 
^'y résoudre? 



QUATRIÈME ESSAI. 255 

Comme je vais mieux, je vais me remettre à l'ou- 
vrage. 

Je fais quelques changements de détails que voici : 
après avoir bien raisonné, pesé toutes les difficultés, 
vérifié tous les écueils, j'en suis arrivé à penser que, 
pour éviter les chocs, il faut posséder une très grande 
surface : .témoin les échassiers. 

Cette grande surface doit être expérimentée par un 
temps calme, parce qu'elle est difficile à manier, sur- 
tout lorsqu'on n'en a pas l'habitude. Elle doit être 
essayée sur l'eau, afin d'avoir son sang-froid ; car il 
est essentiel de ne pas le perdre dans ces moments, et 
il n'y a rien de tel, pour le conserver, que d'être sûr 
de ne se faire aucun mal. 

Pour la produire, je remplace les joncs qui ne 
permettent pas de construire des rémiges bien longues, 
par des bambous avec lesquels je pourrai en obtenir 
de légères et solides de 5 ou 6 mètres. 

Nous aurons donc : bras 2 mètres; mains 6 mètres ; 
soit donc: 6+2=8x2=16. Admettons 3 mètres de 
largeur moyenne de l'aile ; qui donnera une propor- 
tion de 5.03 : 1, représentant à très peu près celles: 
de l'étourneau 5.05, du biboreau 5.20, du corbeau 
5. 37. Nous aurons donc pour surface x 163=48. 
L'appareil pèse 25 kilog. ; mon individu 60; soit 85. 

Le mètre carré est donc chargé de 1770 grammes, 
charge excessivement minime, qui correspond au 
rollier, 1766 grammes; à la roussette 1748: c'est 
moins que le martinet 2073, que les mouettes 2000 à 
3000 grammes^ que le vanneau 2024, et par conséquent 
que tous les oiseaux moyens. Quant aux gros, leur 
charge par mètre carré varie de 4 à 7 kilogrammes et 
plus. 



236 L'EMPIRE DE L'AIR. 

Nous sommes donc sûr d'être supporté avec beau- 
coup d'aisance par cette surface, et déposé à terre ou 
h Feau sans une trop forte secousse. Au reste, rien 
n'estplus facile que de faire d'abordFessai avec une pièce 
de bois de 85 kilog., densité 1, et d'étudier sa marche. 

Je pendrai Faéroplane chargé à une grande vergue 
do bateau ; ou le hissera aussi haut que possible, et 
de là haut on Tabandonnera à sa chule. — Lorsqu'il 
se sera bien retourné, qu'il sera réglé de manière à 
produire une course horizontale satisfaisante, je me 
mettrai h la place du poids d'essai et je mehvrerai à 
mon tour à la chute. 

S'il y a le moindre vent, sa force, la mienne, et 
surtout une bonne présentation des surfaces utiles^ 
me permettront, j'en suis sûr, d'aller plus loin. 

Il est plus que probable que la première fois je serai 
surpris, j'irai peut-être moins loin que le tronc d'ar- 
bre mon prédécesseur; maison s'habitue à tout, même 
à une descente précipitée, et petit à petit, l'habitude 
aidant, un coup de vent un peu plus fort arrivant, je 
dois finir par me lancer complètement. Une fois au 
grand vol, bien parti, ayant l'espace devant moi et 
l'eau au-dessous, je crois que cela ira si bien que le 
difficile sera de s'arrêter. 

On ne peut douter de la possibilité du départ. Pour 
le forcer, pour le rendre inéluctable, il n'y a qu'à par- 
tir par un grand vent; on est sûr d'être emporté: j'en 
sais quelque chose ! . . . 

Mais, autre est d'être emporté comme un chiffon, 
que le vent roule et retourne, autre chose est de se 
mouvoir consciemment dans ce courant d'air; le fait 
n'est même peut-être pas possible avec cette grande 
surface. Pour résister à ce vent violent, il faudra des 



QUATRIÈME ESSAI. 257 

appareils plus solides^ moins vastes, et par consé- 
quent plus maniables ; et enfin^ une habitude donnée 
par une longue pratique. 

Avec cet appareil plus rationnel, il est clair que si 
on porte rapidement les pointes en avant, et que le 
vent ait assez de force, on doit être enlevé. 

Une fois parti, le reste est une question de savoir. 
Le vent soulèvera l'aéroplane, lui fera faire un saut 
assez haut, et il ira retomber en arrière si les pointes 
restent en avant. Mais si, au plus haut de ce saut, les 
pointes sont reportées en arrière, d'une quantité à 
chercher par le tâtonnement, la course en arrière sera 
finie, et l'aéroplane restera ou stationnaire ou ira tom- 
ber en avant. 

Là est le tour d'adresse à bien exécuter : il faut se 
pénétrer de cette manœuvre et la faire en maître. — 
Sur l'eau, elle sera peu dangereuse; on en sera 
quitte pour un bain si on la manque, mais sur terre 
elle ne doit être employée que quand on sera complè- 
tement maître de son appareil. 

Les oiseaux se servent souvent de ce procédé : on 
voit alors d'énormes masses s'élever sans le moindre 
effort tout comme le ferait un ballon. Ils sont là, 
quelquefois pour aborder une pointe, obligés de mon- 
ter et de descendre, de se poser, de se réenlever plu- 
sieurs fois avant de se sentir bien en position de sta- 
tion; mais, nous le répétons, il faut absolument une 
grande surface et un grand vent. 

Cependant, en observant bien, on voit quelquefois 
les grands voiliers employer ce procédé de départ 
par un vent moyen ; ils ont alors le soin de développer 
tout ce qu'ils peuvent produire de surface. 



il 



AEROPLANE A MOTEUR 



Pour éviter cette gymnastique qui n'est accepta- 
ble que par un certain âge et une certaine puissance 
musculaire, il faut songer à un appareil demandant 
des exercices moins violents. Il faut aussi penser aux 
dames, car l'aviation sans elles serait une œuvre boi- 
teuse. 

Il faut donc nous adresser aux machines, qui seules 
pourront procurer la force nécessaire au départ et à 
l'abordage. 

Le desideratum de la direction aérienne est, nous 
l'avons dit, une machine pouvant partir par un temps 
calme de la surface de l'eau. Nous disons temps 
calme, parce que plus il y aura de vent, plus il y aura 
de facilité à s'enlever. 

Sur l'eau toutes les conditions pratiques sont réu- 
nies. L*abordage est facile, il s'opère presque sans 
précaution, le sommier est ample. Il n'y a pas de pays 
au monde où dans cinquante lieues carrées il n'y ait 
de mer, de lac ou de fleuve. Un simple étang de 300 mè- 
tres suffit. On est à l'abri des surprises, et toujours 
en bonne position pour partir. 

Comme écueil, il y a la tempête et le requin sur 
mer, encore son attaque est-elle problématique; il 
n'est pas sûr du tout qu'il ose entreprendre de s'assi- 
miler un appareil aussi grand. 



AÉROPLANE A MOTEUR. 261 

Quant à la tempête, comme elle a toujours de grands 
vents, elle transporte vite; et ensuite, dans ces gran- 
des machines, il sera possible de se relayer et d'aller 
jour et nuit, par conséquent voir beaucoup de pays et 
de points où Tabordage est possible. 

Voici, au reste, l'appareil que je construirais si 
j'avais le temps et les moyens de le faire. 

Sur un bâli puissant, en ormeau, châtaignier ou 
bambou, le plus résistant possible, je fixerais une 
enveloppe légère en osier, ayant la forme du corps 
d'un oiseau. 

Cette forme d'osier serait recouverte d'une feuille 
d'aluminium, de manière à faire bateau. 

Sur le bâti solide je fixerais une de ces petites chau- 
dières américaines, à surface de chauffe énorme, de 
Herreshoff, qui serait destinée, par son piston, à 
actionner : 

Un propulseur construit de la manière suivante 
(fig. 31) : 

Il est facile de voir, par le graphique de chaque 
position de marche, que cette machine produit les 
mêmes effets que ceux produits par la patte du palmi- 
pède : c'est la patte de l'oie simplifiée. 

En même temps, le piston actionnera les ailes, et 
procurera ainsi le battement. 

Par l'emploi d'un débrayage simple, il sera facile 
de mettre toute la force sur le propulseur ou sur les 
ailes^ ou sur les deux appareils à la fois. 

On peut donc maintenant saisir la marche de cette 
machine. 

Lorsque la pression est suffisante, les pattes agis- 
sent de manière à donner une marche en avant et en 
même temps soulever l'appareil. Ce soulèvement est 



262 L*£MPIRE DE L'AIR. 

augmenté par Tactioii des ailes qui battent ensemble : 
il doit y avoir course au bout de sept ou huit coups de 
ces rames-support, et finalement Tappareil doit repro- 
duire ce que les oiseaux d'eau font lorsqu'ils s'envo- 
lent de la surface de Fonde. 

A propos de ces chaudières Herreshoff, on pourrait 
craindre de ne pas pouvoir, ce qu'on appelle en terme 
de mécanicien s'alimenter, — Cela est vraî^ surtout 
si on considère que le piston est énorme, hors de 
toute proportion avec la chaudière qui lui fournit la 
vapeur, et que par conséquent il doit user beaucoup 
plus de vapeur qu'elle ne pourra lui en fournir. — 
Mais ce qui semble un danger n'en est pas un. Le 
piston est ainsi volumineux pour pouvoir dépenser le 
plus de force possible en peu de temps. — Il faut 
qu'il puisse fournir cinquante battements. — Après 
cet effort, si on n'est pas en route, on ne le sera 
jamais. — Une fois ces cinquante battements fournis, 
et probablement il n'y en aura besoin que de vingt ou 
vingt- cinq, mais très énergiques, la machine n a plus 
besoin de tant d'activité : le jeu des rames est sup- 
primé, les ailes fonctionnent plus ou moins longtemps 
suivant les besoins ; mais il faut penser que cent bat- 
tements doivent mettre l'appareil en pleine course, et 
par conséquent en position de pouvoir planer; sinon, 
c'est qu'il ne fait pas assez de vent pour se tenir en 
l'air ; il faut alors faire comme les grands voiliers par 
le temps calme, c'est-à-dire rester à terre. 

Une fois les manœuvres de planement attaquées, 
la pression remonte vile dans la chaudière, et si le 
temps est bon, elle peut être tenue sous ses feux, car 
les battements ne doivent plus être utiles et doivent 
être remplacés par la direction intelligente. 



AÉROPLANE A MOTEUR. 263 

Ces considérations font comprendre la possibilité de 
marcher avec une aussi faible chaudière. 

La provision de combustible n*aura pas besoin d'être 
énorme pour un voyage ordinaire. 

Quant à l'eau, il n'y a aucune difficulté à en faire 
en marche, au moyen d'un tube recourbé en avant 
qu'on fera plonger dans Teau d'un fleuve, d'un lac ou 
de la mer au-dessus duquel on passe : la vitesse exces- 
sive de la marche fait remonter l'eau jusque dans la 
caisse destinée à la contenir. Au reste, ces grandes ma- 
chines auront une puissance de sustention très grande, 
qui permettra de faire des provisions d'une certaine im- 
portance. 

Quant aux ailes, ce serait toujours le même système : 
humérus^ radius et cubitus d'une seule pièce, et main 
mobile, mue par le procédé des cordes, qui est assu- 
rément le plus pratique de tous ceux que j'ai rêvés. — 
Il y a cependant une petite difficulté à tourner, qui 
est celle de faire concorder cette action de direction 
avec le mouvement des ailes : on y arrive facilement, 
avec un peu d'adresse. 

Avec un pareil aéroplane à moteur on peut attaquer 
de bien grands voyages. 

La question d'alimentation de la machine et la 
question de l'eau sont élucidées ; reste celle des provi- 
sions de bouche. Elles peuvent se réduire à des extraits 
de viande, coca, café : enfin, vivres sous une forme 
réduite. 11 faudra, pour se procurer des vivres sérieux, 
se livrer à la chasse, ce qui devra être très facile lors- 
qu'on peut embrasser comme on le pourra une im- 
mense surface oîi il sera facile de choisir un territoire 
de chasse giboyeux. 

Avec un véhicule pareil on doit pouvoir fournir les 



264 L^EMPIRE DE L*AIR. 

plus grandes excursions que notre globe peut présenter 
sans se fatiguer et sans dépasser les bornes de la pru- 
dence : ainsi, le continent africain, les deux pôles, 
dans la saison favorable, les grandes mers, tout cela 
peut être franchi en peu de temps. — On trouvera 
très souvent des vents d'une durée de trois jours com- 
plets : soit 4,320 minutes, gui, s'il n'est pas trop con- 
traire, permettront de faire au bas mot de 2,500 à 
5,000 kilomètres, soit le */g du tour de la terre. 

Un pareil parcours est plus long que toutes 
les expéditions qui actuellement demandent des an- 
nées de fatigue et une énergie qui n*est pas tou- 
jours suffisante pour préserver les voyageurs de la 
mort. 

Les passagers de cette machine aérienne ne se- 
ront pas bien nombreux; deux ou trois seront 
certainement la quantité qu'elle pourra contenir. — 
Ils seront tenus à une immobilité assez précise, afin 
de ne pas troubler par leurs mouvements les ma- 
nœuvres de celui qui a la direction. 

On ne sera assurément pas là dedans comme 
dans un salon, mais ces voyageurs auront cependant 
infiniment plus de confortable que les pauvres mal- 
heureux qui par amour de la science ou de la re- 
nommée vont se faire geler dans les glaces du pôle 
ou se faire manger par les cannibales de Téquateur 
de l'Afrique. 

Certainement qu'on peut aspirer à faire encore 
mieux que cette machine mal commode, on peut 
aller jusqu'à penser au salon et à la couchette 
tout comme dans les bateaux. On peut même as- 
pirer à la direction presque exactement automatique. 
Mais, cependant, il faut reconnaître qu'il y aura 



AÉROPLANE A MOTEUR. Î65 

toujours une difficulté qui entravera (Vune façon 
absolue la construction des très grands appareils, et 
finira par leur tracer une limite : c'est la résistance 
des matériaux qui sera la barrière qu'on ne pourra 
franchir. — Cependant, en employant les tubes 
d'aluminium et les jeunes bambous géants, on peut 
entrevoir la possibilité de la construction d'aéroplanes 
de 20 mètres d'envergure, qui dans la proportion de 
5 : 1 donneront environ 80 mètres carrés de surface, 
et pourront supporter 750 kilogrammes. 

Avec une pareille marge on peut faire beaucoup 
de choses très curieuses comme construction et ins- 
tallation. 

Comme on le voit, c'est toujours le même principe 
et ce sont les mêmes moyens employés : c'est tou- 
jours sur le déplacement du centre de gravité que 
repose cette machine, tout comme chez nos maîtres 
les oiseaux. — Quant au moteur, il peut changer; 
on peut employer une machine à acide carbonique, 
à poudre, à ce qu'on trouvera de meilleur : cela 
ne change en rien le principe de base sur lequel elle 
repose. 

Assurément, le moteur à poudre deviendra un 
jour le moteur spécial de l'aviation. Il s'agît seule- 
ment de trouver une poudre lente à combustion com- 
plète : c'est-à-dire, ne laissant théoriquement aucun 
résidu, et pratiquement en laissant le moins possible. 
Problème simple 1 c'est de la chimie pyrotechnique 
pure. Mais pour s'y livrer, cependant, il faut d'autres 
ressources que celles que possède un modeste cher- 
cheur, qui est entravé à chaque instant par les be- 
soins de la vie matérielle. 

A ce propos, à quoi donc s'occupent les heureux 



266 L'EMPIRE DE L AIR. 

de ce monde? dorment-ils? ou n*ont-ils rien dans 
le cerveau ? Qu'ils doivent être malheureux !... 

L'aéroplane bien construit aura de grands avan- 
tages sur Toiseau; le volateur est organisé d'une 
manière immuable : il est voilier ou rameur ; il a des 
ailes longues et larges, longues et étroites, moyennes, 
courtes, aiguës ou rondes; mais il ne peut changer 
sa conformation. — Tandis que l'aéroplane bien 
fait devra pouvoir se transformer suivant les besoins 
du moment, du temps qu'il fera, et quelquefois de 
la marche qu'on voudra obtenir. 

Il devra donc pouvoir passer de la forme du 
voilier excessif à celle du rameur à ailes aiguës et 
étroites. 

C'est surtout dans les très grands appareils que 
ces combinaisons pourront être utilisées avec facilité. 
La complication pourra s'ajouter sans augmenter de 
beaucoup le poids proportionnel, ou ces augmenta- 
tions deviendront peu sensibles comparées à la masse 
totale de l'appareil. Les surfaces croissant comme le 
carré des mesures linéaires, un allongement insigni- 
fiant correspond à une surface importante qui pourra 
soutenir un poids dont l'utilisation permettra beau- 
coup de perfectionnements. 

Avec un système à coulisse, il sera possible, en 
marche, de diminuer de beaucoup l'envergure, sur- 
tout dans la partie représentant l'humérus, le radius 
et le cubitus. — Par cette diminution on ferait 
passer l'appareil du type vautour au type passereau ; 
ce qui donnerait beaucoup de facilité pour braver 
les grands vents. — Il sera même possible de dimi- 
nuer la largeur de l'aile pour éviter le traînement et 
procurer par cela de la vélocité. 



AÉROPLANE A MOTEUR. 267 

Avec le temps, les perfectionnements arriveront 
en guantilé : chaque constructeur adroit, bien péné- 
tré de la théorie, apportera son contingent de trou- 
vailles, et les grands appareils surtout arriveront 
à une perfection de mécanique qui laissera peu à 
désirer. 

Cependant on ne peut nier que ce sont les ma- 
chines type rameur excessif qui donneront les plus 
grandes vitesses. Elles seront d'accord en cela avec 
les principes exposés dans l'étude du vol des oi- 
seaux. 

Elles seraient, d'après les revues qui se publient 
sur cette matière, le point par où l'humanité abor- 
derait ce problème. — Le fait est rationnel au reste. 
— La presque totalité des chercheurs n'a pour 
sujet d'étude que des rameurs; il est donc naturel 
qu'elle s'inspire d'eux et non des grands voiliers 
qu'elle n'a pas eu le bonheur d'étudier. 

Mais, machine type rameur ou machine type 
voilier, doivent toutes deux être basées sur cette 
question d'équilibre instable qui se résume en la loi 
du déplacement du centre de gravité sous l'action 
de la vitesse. 

Pour faire une machine type rameur, il faut 
d'abord trouver une machine puissante et légère, 
qu'on puisse alimenter presque sans provision : c'est 
affaire aux mécaniciens et non aux chercheurs de 
la direction aérienne (1); puis ensuite construire des 
ailes très résistantes et de peu de surface : ce qui 
est un problème bien plus facile à résoudre que le 
premier. — Avec cet appareil on aura certainement 

(i) La machine Herreshoff de la force de 4 chevaux- vapeur et 
du poids de 22,750 grammes est parfaitement ce qu'il faut. 



268 L'EMPIRE DE L'AIR. 

des vitesses plus grandes, et une bien plus grande 
ponctualité dans la marche qu'avec l'appareil voilier; 
mais, ce gui lui manquera toujours, c'est la séduc- 
tion du planement, de cette manœuvre qui procure 
le mouvement sans dépense de force et sans se- 
cousse. 

Dans l'aéroplane rameur, qui sera certainement 
très employé un jour pour franchir par tous les 
temps de petites distances, il y aura toujours le jeu 
du moteur qui viendra par son cliquetis troubler les 
rêveries de Pascension; et surtout la crainte du 
dérangement de la machine ou du manque de provi- 
sions qui mettraient les voyageurs sinon en péril, 
an moins dans un grand embarras. 

C'est bien le même problème, c'est vrai, que ces 
deux aéroplanes ; je ne dis même pas ne pas cons- 
truire le type rameur le premier, quand je pourrai 
construire ; mais, j'avoue sans honte que je ne le 
ferai que dans l'espoir de construire le second après. 

Il se présente ici une série de considérations à 
établir : d'abord, sur la meilleure forme à donner au 
dessous métallique de l'appareil pour pouvoir réunir 
les qualités de pénétration dans l'air et de glisse- 
ment sur l'eau ; considérations très intéressantes sans 
doute pour mettre cette idée en pratique, mais 
qui, à cause de leur étendue, ne sont pas à leur 
place ici. 

La direction rectiligne automatique pourra être 
obtenue au moyen d'une boussole puissante qui don- 
nerait des contacts utiles comme direction, actionnée 
par une machine dynamo-électrique. — Si la bous- 
sole est insuffisante, on pourrait se servir d'un gy- 
roscope. 



AÉROPLANE A MOTEUR. 269 

L'effort moyen utile pour pouvoir tenir les pointes 
dans une position juste par rapport à la force du 
vent pourra probablement être en rapport exact avec 
les effets produits par un ressort, qui tendra à rame- 
ner les pointes en avant : et cela d'autant plus et 
avec d'autant plus de force qu'il sera plus étiré et 
que par conséquent les pointes seront plus portées 
en arrière. — 11 doit être possible d'équilibrer son 
effort avec l'effort du vent. 

A ce compte, une grande partie des manœuvres 
seraient supprimées. 

Il doit en être ainsi pour les voiliers : nous avons 
déjà vu qu'il est fortement à croire que très souvent 
ils se meuvent dans l'air d'une manière inconsciente. 
Naturellement qu'au départ et à l'abordage ces deux 
ressorts seront commandés par la direction humaine, 
et leur action comptée comme nulle; mais, une fois 
en marche, surtout par le vent debout, ils doivent 
produire une bonne part de la besogne. Un simple 
déséquilibrement produit par le changement de place 
du conducteur pourra suffire alors pour apporter les 
corrections suffisantes à la bonne marche de l'aéro- 
plane. 

Comme on le voit, cette direction se réduirait 
comme force dépensée, comme fatigue occasionnée, 
à bien peu de chose. 

Cependant il n'en faudra pas moins toujours sur- 
veiller l'appareil, être constamment prêt à intervenir, 
surtout pour éviter une chute : cas dans lequel l'ac- 
tion de la vitesse se joignant à celle du vent agirait de 
concert pour forcer les pointes à se porter en arrière. 

Pour parer à cet accident, qui n'aurait rien d'agréa- 
ble, il faut, si on veut à toute force se dispenser de 



270 L'EMPIRE DE L'AIR. 

la surveillance, muDÎr les ailes d'un arrêt, tel que : 
deux cordes permettant seulement un mouvement 
de.... en arrière, ou tout autre système équivalent. 

A quelle perfection Fétude amènera-t-elle cet appa- 
reil? 

11 y aurait même encore quelque chose d'infiniment 
mieux à faire que tout cela : ce serait de le cons- 
truire! enfin... 

On a beau aimer Tavialion, il ne faut pas moins, 
malgré cela , admettre que les grandes vitesses se* 
ront toujours fournies par les chemins de fer, surtout 
lorsqu'ils seront étudiés et construits pour aller vite. 

— Mais, malgré cet avantage, ils n'en resteront pas 
moins dans leurs rails (du moins il faut Tespérer). 

— Ils seront toujours l'esclave de l'heure et de la 
direction ; tandis que la direction aérienne sera l'an- 
tithèse de la voie ferrée : irrégularité, oui! mais 
liberté absolue ! — tel sera son lot. 



MACHINES IMPARFAITES 



Il est malheureux que l'espace nous manque pour 
placer ici un petit cours sur Tes flèches en papier. — 
Ce jouet d'écolier, tout innocent qu'il semble être au 
premier abord, est cependant, quand on Tétudie à 
fond, plein d'enseignements de la plus grande utihté. 

La flèche peut se construire depuis la forme aiguë, 
qui est le type de la rapidité, jusqu'au type aéroplane 
procellaria dans lequel la longueur devenue nulle a 
été remplacée par la largeur. 

Au reste, ne voit-on pas que la nature n a pas con- 
struit les voiliers sur le même modèle : qu'on com- 
pare l'aspect du gyps fulvus à celui du procellaria^ qui 
est voilier lui aussi à ses heures, avec celui de la 
sterne, ou encore celui du fou et de la frégate, quand 
ils prennent leur allure de flèche, et ou verra quelle 
diversité de modèles, on pourrait même dire quelles 
oppositions dans ces modèles; car nous avons vu 
qu'ils sont tous la perfection dans le vol en relation 
avec leurs besoins. 

Mais, malgré ces diversités, le vol, pour les uns 
comme pour les autres, pour les baguettes comme 
pour les carrés, est toujours fixé à la même base; c'est 
toujours cette faculté de pouvoir maîtriser le dépla- 
cement du centre de gravité par le changement de 



272 L'EMPIRE DE L'AIR. 

forme des surfaces, qui leur procure la faculté de 
pouvoir s'équilibrer dans l'air. — Les aéroplanes 
qui auront et la surface nécessaire, et cette faculté, 
seront donc dans des conditions suffisantes pour 
reproduire cet exercice. 

Nous arrivons à remarquer qu'une forme spéciale, 
particulière, n'est pas indispensable pour produire la 
direction aérienne ; les formes les plus curieuses 
pourront, à la rigueur, être utilisées : elles produiront 
la décomposition utile des forces en raison de leurs 
perfections. 

On peut réussir avec des surfaces rondes, triangu- 
laires, carrées, avec des radeaux aériens en forme de 
flèche, avec même des formes irrégulières; pourvu 
qu'on puisse transporter à volonté le centre de gra- 
vité où le besoin l'exige, que la surface soit suffisante 
et qu'on ait une vitesse de vent ou une vitesse per- 
sonnelle de 10 mètres à la seconde. 

Le problème ainsi exposé ne manque pas de curio- 
sité. 

Plus tard, nous serons tout surpris de voir circuler 
dans l'atmosphère des appareils rien moins que con- 
fortables, des aéroplanes troués, rapiécés, perdus, se 
tenant par la grâce de Dieu ; et cependant fonctionnant 
tant bien que mal. Ce ne seront pas ceux qui résis- 
teront le mieux au vent, mais ils iront tout de même. 
— Au reste, voyons l'expérience. J'ai donné la liberté 
à des milans et à des percnoptères, qui étaient comme 
surface dans un état déplorable ; les uns avec des 
ailes réduites à l'état de baguettes, d'autres avec une 
aile et demie (ce manque d'équilibre dans les surfaces 
les gêne énormément). Je me souviens d'un pélican, 
qui volait avec des ailes incroyables ; il lui manquait 



MACHINES IMPARFAITES. 273 

au moÎDS six ou sept rémiges, et le reste était loin 
d'être au complet. — Par les bons vents il s'élançait 
sur un terrain en pente, et finissait quelquefois par 
s'enlever. Une fois en l'air, il devenait surprenant : 
porté sur ses deux loques d'ailes, il passait à un mètre 
des spectateurs, le cou replié, la tête sur les épaules 
avec un air souverainement impertinent. Il allait faire 
un tour en mer, revenait inspecter le marché, et 
finissait ses pérégrinations en se posant sur les vagues. 
Une chose curieuse était de voir, de très près, cet 
animal, parfaitement familier du reste, passer à 
grande vitesse près des spectateurs; on éprouvait une 
sensation étrange en le voyant glisser sans peine et 
sans fatigue ; c'était un véritable avant-goût des volup- 
tés de la vitesse qu'il vous faisait percevoir : on se 
trouvait tout à fait devant le vol en chambre, l'oiseau 
professeur enseignant Fart de voler. 

La question qui se pose après ces digressions est 
celle-ci : quelle est la surface minimum suffisante 
pour soutenir 80 kilogrammes? 

La réponse sera donnée par l'expérience; mais déjà 
nous pouvons dire qu'il est plus que probable qu'elle 
étonnera par son exiguïté. — Cependant, ce que 
nous pensons est ceci : 7"*^ 60***^ peuvent suffire, à 
la rigueur, pour soutenir 80 kilogrammes. 



18 



CONSIDÉRATIONS GENERALES 



L'homme transporté subitement du sol qui est son 
habitat dans les grands courants d'air de l'atmosphère 
ne pourra y vivre qu'en prenant beaucoup de précau- 
tions. Il aura à lutter contre les vents violents, le froid 
subit d'une intensité destructive, contre le soleil qui 
sera souvent d'une ardeur dangereuse; contre enfin 
tous les éléments dont Faction néfaste sur l'orga- 
nisme sera exagérée par la grande vitesse de transla- 
tion avec laquelle il circulera dans le milieu aérien. 

Pour pouvoir résister à toutes ces causes de destruc- 
tion, pour n être pas fourbu au premier voyage, pour 
ne gagner ni insolation, ni phthisie galopante, ni con- 
gélation, il faut être vètii d'une manière particulière. 
— L'isolement, comme déperdition de chaleur, doit 
être aussi exact que possible. La laine, ou plutôt le 
poil de lapin, qui est si chaud et si léger, semble tout 
indiqué. — Ce costume doit pouvoir s'ouvrir et se 
fermer très facilement. 

Pour préserver la poitrine, la respiration et les yeux, 
un coupe-vent est indispensable. On peut le faire 
ainsi : un voile de coton, auquel est fixée une plaque 
de mica pour pouvoir se conduire. 

Les coups de soleil seront évités au moyen de l'ap- 
pareil suivant : en partant de ce principe, qui semble 



CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 275 

au reste parfailement logique, qu il n'y a que les ma- 
ladroits qui se cassent la tête, il serait très simple de 
se fabriquer une espèce de coiffure ainsi construite. 
Faire en soie, trame et chaîne de grège la plus fine 
et la plus résistante qu'on trouvera, un parachute de 
8 mètres de diamètre; soit un peu plus de 50 mètres 
carrés de surface. Les cordes seraient remplacées par 
des ficelles de soie d'une solidité à toute épreuve. Ce 
parachute expérimenté en ballon avec des poids doubles 
et triples de celui qu'il a h porter, et d'une légèreté telle 
que son poids ne dépasse pas 2,500 grammes, sera 
disposé de telle manière qu'il formera coiffure. Si l'oc- 
casion de s'en servir se présentait, d*un seul mouve- 
ment on le mettrait en pleine action. 

Voici donc une source de courage et de sang-froid 
toute trouvée; et c'est quelque chose qu'un appareil 
qui a le pouvoir de remonter le moral et de permettre 
la réflexion. La peur du vide est amoindrie de toute la 
confiance qu'il donne. 

Les aéroplanes n'auront pas à faire de grandes 
ascensions comme les ballons. Leur course, à eux, 
est en longueur et non en hauteur. L'altitude prati- 
que à laquelle ils devront se tenir semble devoir être 
1000 mètres environ. Cependant^ dans les cas de 
grand vept ou de grand parcours, il est possible qu'ils 
aient intérêt à s'élever davantage. Le passage des con- 
trées montagneuses, surtout des grandes chaînes, 
nécessitera en effet de véritables ascensions ; mais en 
somme, comme hauteur généralement utilisée, il n'y 
aura pas à dépasser le point oîi se gagne le mal des 
montagnes. 

Les déserts seront sans danger avec ce mode de 
locomotion; de 1000 mètres en l'air on voit toujours 



276 L^EMPIRE DE L'AIR. 

une oasis. — La mer elle-même n*eDgloutira pas ce 
grand volatile de FaveDir très prochain, qui s'appelle 
l'homme. Il se jouera de son étendue, car sa science 
géographique sera bien plus grande que celle des 
oiseaux. Avec la boussole, le baromètre anéroïde, et 
tous ses instruments de précision, il se moquera du 
brouillard et de la nuit, il évitera les orages, et, grâce 
à sa science, maîtrisera l'élément aérien. 

Aussi le globe n'aura plus de secret pour lui. Les 
pics inaccessibles seront foulés, les aiguilles abruptes 
seront visitées, le repaire de l'aigle arrivera à être à 
portée de sa main ; le Sahara, les grands lacs, et les 
pôles surtout seront déflorés. Figurez-vous donc, lec- 
teurs, le pôle Sud et ses horreurs : les cétacés doivent 
grouiller Ià*bas, les terres doivent être une immense 
rokerie. Que de beaux spectacles ! que de richesses ! 

Et pour avoir tout cela, pour voir toutes ces belles 
choses, que faut-il? étudier, comprendre, et se per- 
suader. Puis, quand on aura compris, il faudra vouloir 
énergiquement — Il ne suffira pas alors d'avoir une 
de ces croyances platoniques qui laissent aux brouil- 
lards de l'avenir le soin de se dissiper quand bon leur 
semble, mais une foi robuste, active, s'acharnanl 
contre la difficulté, la prenant violemment à bras le 
corps et la terrassant. Et cela, en jouant tout, sa vie, 
sa fortune, et même, ce qui est plus que tout cela, sa 
considération. Combien, hélas ! sont forcés par la né- 
cessité, par les relations, de refouler au plus profond 
de leur cœur tout énoncé ayant trait à Tinvention qui 
donnera la liberté à T uni vers ; car il faut bien remar- 
quer que la direction aérienne dotera la race humaine 
deplu^de liberté individuelle que toutes les inventions 
réunies qui ont paru jusqu'à ce jour. 



CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 277 

En avant donc les heureux, les bien portants ; à 
l'ouvrage! il n'y a qu'à construire; la besogne est 
toute mâchée. Le problème est simple, et se réduit à 
ceci : appareil quelconque, permettant seulement la 
sustention et le déplacement à volonté du centre de 
gravité; et avec de la hardiesse, maintenant que vous 
m'avez bien compris, vous réussirez^ soyez- en sûrs. 



LA DIRECTION AÉRIENNE AU POINT DE VUE 
ÉCONOMIQUE 



Après avoir parlé des bienfaits de la direction 
aérienne, étudions les perturbations qu'elle causera. 
Voyons si sur le revers de la médaille il n'y aurait 
pas quelque point noir; car un fait aussi capital que 
celui de ce nouveau mode de locomotion ne peut s'é- 
tablir sans produire des déchirements. 

Admettons pour un instant l'exécution de ce pro- 
blème, et envisageons les effets qu'il produira sur la 
société. 

Commençons par la propriété. 

Il va se produire là une lacune énorme, qui seta 
rinsuffisance patente de la clôture, du home. — Les 
haies, les murs, n'auront plus de signification ; la fer- 
meture des toits sera incomplète et à revoir. C'est une 
diminution importante du privilège de la possession ; 
car, en y réfléchissant un peu, on arrive de suite à 
saisir Tamoindrissement de toutes ces barrières. On 
ne sera plus chez soi comme auparavant : il n'y a pas 
besoin de s'étendre sur ce fait, à première vue on en 
comprend la portée. 

Que pourra faire la police en face de ce nouveau 
mode de locomotion ? — Elle est souvent mise en dé- 
faut avec les voies actuelles, qui sont cependant des 



LA OIBEGTION AÉRIENNE. 279 

lignes précises, immuables, par où tout surveillé est 
obligé de passer ; que sera-ce donc quand elle aura 
à étudier l'air, ce chemin immense, qui n'aura pas 
moins de 7 ou 8,000 mètres comme limite de vo- 
lume? De jour, il est encore possible de rêver quelque 
chose de satisfaisant : avec beaucoup de monde, de 
bonnes lunettes, des appareils semblables ou même 
supérieurs ; en remplissant toutes ces conditions, on 
peut espérer arriver à une surveillance presque suffi- 
sante : mais de nuit, comment faire ? comment barrer 
•la route de lair ? Gomment seulement Téludier quand 
le brouillard par son opacité vient annihiler l'effet des 
réflecteurs électriques ? — Les contrebandiers auront 
certainement de telles facilités pour exercer leur in - 
dustrie, qu'il n'y aura qu'une seule chose à faire pour 
les combattre, ce sera la suppression complète de la 
douane. 

Mais alors que devient l'équilibre du budget ? 

Ces perturbations causées à la propriété, à la police 
et à la douane sont des bagatelles comparées à celles 
qui seront causées à la politique. — Effectivement, on 
arrivera certainement, avec le temps, à trouver des 
moyens de surveillance, sinon efficaces, du moins 
probablement suffisants. On finira par s'accoutumer 
à cet amoindrissement de la possession ; mais quant 
aux questions politiques, on va se trouver en face de 
telles facilités de mélange, que depuis la tour de Babel 
on n'aura certainement rien vu de .pareil. 

Que devient l'armée avec cette nouvelle inven- 
tion 7... « 

Tout est à recommencer, fortifications, manœuvres, 
frontières de défense, stratégie, tout est réduit à 
néant. 



280 L*£MPIRE DE L'AIR. 

C'est même la suppression, dans un temps très court, 
des nationalités : les races seront rapidement mélan- 
gées ou détruites, car il n'y aura plus de barrières 
possibles, pas même ces barrières mouvantes qui se 
nomment les armées. 

Plus de frontières !.•.. plus d'îles !.... plus de for- 
teresses !.... oîi allons-nous ? 

Il faut bien avouer que nous sommes en face de la 
plus large expression de l'inconnu. 

La société périra-t-elle pour cela? 

Assurément non ! 

Quant au procédé qu'elle emploiera pour s'accou- 
tumer à cette nouvelle manière d'exister, nous avoue- 
rons n'en avoir aucune idée : mais on peut affirmer 
qu'elle sortira victorieuse de cette crise, qu'après la 
tempête déchaînée par les intérêts lésés viendra une 
période d'équilibre, et qu'en fin de compte l'humanité 
pour quelque temps d'angoisse aura conquis le 
royaume de l'air. 

Nous pouvons donc nous rasséréner et contempler 
ce but avec calme : ce phare, c'est cette immense loi 
de la nature qui se nomme le progrès ; et progrès est 
synonyme de bien. 

Pour terminer, nous conseillerons à ceux qui veu- 
lent exécuter ce problème la prudence la plus grande, 
le calcul sérieux de tous les accidents qu'on pourrait 
prévoir; mais, une fois cet examen bien fini, cette 
étude parfaitement approfondie, nous recommande- 
rons l'énergie, la volonté ; et ne savons leur dire rien 
de mieux que le mot qui commençait cette étude : 
Osez!.... 

L..P. MOUILLARD. 



284 TABLE DES MATIÈRES. 

Marlinet 122 

Guêpier 123 

— Tableau type anas 131 

Sarcelles et canards 132 

Cormoran 132 

Pélican I3ç 

Cygnes 142 

— Tableau type chauve-souris , . . , 143 

Chauves-souris 144 

^ Tableau aecipitres nocturnes 150 

Acdpitres nocturnes 151 

Grand-duc. . .* 152 

^ Tableau type ardea 158 

Type ardea 161 

Cigogne 163 

— Tableau type aquila. J68 

Type aquila 171 

Alouette 171 

Faucon crécerelle 171 

Faucon pèlerin 172 

Buse 172 

Milan 174 

Milan du Caire 175 

Aigles 180 

Grand aigle fauve 184 

— Tableau type vautour 189 

Vautours 190 

Néophron percnoptère 194 

Vautour fauve 196 

— Tableau types divers, allure 10 mètres à la seconde . . . 208 

— Tableau types divers, allure 10 mètres à la seconde ... 209 
Théorie de l'aéroplane *..... 210 

Angle de la chute 218 

De la résistance de Tair à l'avancement 222 

Équilibre vertical et horizontal 227 

Du vol théorique 232 

Application [ 240 

Premier essai . 242 

Deuxième essai * 243 

Troisième essai ] ^ 247 

Quatrième essai .* * 249 

Aéroplane à moteur 258 

Machines imparfaites \ 271 

Considérations générales ^ 274 

La direction aérienne au point de vue économique . . 278 



3181-81. — CoiBUL. Typ.et stér. CUtL 



3 2044 044 834 695